Le 13 novembre 2012, le conseil d’administration de l’Ontario Medical Association (l’« OMA ») et le gouvernement de l’Ontario (le « gouvernement ») ont conclu une nouvelle Entente de principe sur les services des médecins (l’« entente »).[1] Au cours de la fin de semaine dernière, soit le 9 décembre 2012, les médecins de la province ont ratifié l’entente. Près de 21 000 médecins de l’Ontario ont exprimé leur vote sur le référendum et 81 % d’entre eux ont entériné l’entente. Environ 84 % des médecins de la province ont exercé leur droit de vote lors du référendum, ce qui représente la participation la plus élevée de l’histoire de l’OMA.
L’entente qui sera rétroactive au 1er octobre 2012 et demeurera en vigueur jusqu’au 31 mars 2014 met fin à un différend entre l’OMA et le gouvernement qui dure depuis le début de 2012. En raison de changements réglementaires apportés unilatéralement par le gouvernement réduisant les indemnités et les primes prévues au barème des indemnités de l’Assurance-santé de l’Ontario (le « barème des indemnités de l’Assurance-santé »), les négociations entre les parties avaient été rompues au mois de mai de cette année (pour reprendre en septembre, comme nous le verrons plus loin)
Les changements réglementaires apportés par le gouvernement prévoient une réduction des indemnités pour 37 services de médecins[2] figurant au barème des indemnités de l’Assurance-santé, pour une épargne dont le gouvernement a estimé à 338 M$ en 2012-2013. Les réductions des indemnités mises en place en mai 2012 (qui étaient cependant rétroactives au 1er avril 2012) visaient plus particulièrement les médecins spécialistes fortement rémunérés comme les radiologistes, les ophtalmologistes et les cardiologues, et elles comprenaient entre autres :
- une réduction des indemnités liées aux électrocardiogrammes, à la chirurgie de la cataracte et à l’interprétation des résultats en radiodiagnostic;
- une réduction des indemnités liées aux coloscopies et gastroscopies;
- la réduction de l’indemnité pour anesthésie à un montant forfaitaire de 60 $;
- une réduction de 50 % des paiements des services diagnostiques pour les médecins qui renvoient leurs patients vers leurs propres services;
- le retrait de certains services, dont la manipulation articulaire et de la colonne.
En juillet de cette année, l’OMA a entamé une contestation constitutionnelle contre le gouvernement en réponse aux réductions des indemnités, alléguant l’atteinte à la liberté d’association des membres de l’OMA en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés de la part du gouvernement.[3] L’action en justice présentée devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario tentait de mettre fin aux réductions d’indemnités et d’ordonner au gouvernement de reprendre les négociations. Les négociations entre les parties ont repris au début du mois de septembre et ont mené à une entente de principe conclue par le conseil d’administration de l’OMA et le gouvernement à la mi-novembre.
L’entente prévoit des modifications à six des 37 réductions d’indemnités imposées par le gouvernement en mai. En résumé, aux termes de ces modifications :
- la réduction des paiements pour auto-renvoi de patients est annulée;
- le montant forfaitaire pour anesthésie passe de 60 $ à 75 $;
- une prime « appropriée » est rétablie pour les chirurgies laparoscopiques[4];
- l’indemnité pour la tomographie par cohérence optique est rajustée (elle demeurera inférieure à celle qui avait cours avant le 1er avril 2012, mais sera supérieure à l’indemnité actuelle);
- la prime pour intervention après les heures normales est rajustée (le montant de cette prime sera rétabli à celui en vigueur avant le 1er avril 2012);
- la prime d’unité de soins intensifs et de soins coronariens est rajustée (le montant de cette prime sera rétabli à celui en vigueur avant le 1er avril 2012).
En plus des éléments portant sur les indemnités, l’entente prévoit également ce qui suit :
- l’amélioration de l’accès à un médecin de famille pour les personnes âgées et les patients aux besoins les plus criants;
- de nouveaux changements fondés sur des données probantes, dont : (i) la réduction du nombre de tests cardiaques préopératoires inutiles pour les patients non cardiaques à faible risque; (ii) la modernisation de l’examen de santé annuel, le personnalisant en fonction des besoins individuels des adultes qui sont en bonne santé, et la diminution du nombre de tests inutiles et (iii) l’harmonisation de la fréquence des coloscopies et des dépistages du cancer du col de l’utérus avec les lignes directrices d’Action Cancer Ontario;
- une réduction de 0,5 % de tous les paiements aux médecins (y compris les honoraires professionnels, les honoraires pour soins techniques, les paiements pour soins de base, les régimes de paiements compensatoires pour spécialistes et d’autres paiements pour soins cliniques prodigués par les médecins, comme la rémunération à la vacation et les allocations pour soins en santé mentale)[5];
- une révocation de l’obligation énoncée dans le barème des indemnités de l’Assurance-santé du 1er avril 2012 qui ordonnait aux médecins de rembourser les études de tomodensitogrammes et de IRM de la colonne lombaire s’il est établi par la suite que ce service n’est pas médicalement nécessaire;
- des réformes du système suggérées par les médecins, comme : (i) la réduction des tests en laboratoire inutiles; (ii) la rationalisation des achats d’équipement hospitalier suggérés par les médecins; et (iii) un plus grand nombre de prescriptions de médicaments fondées sur des données probantes. Ces réformes du système suggérées par les médecins devraient permettre de dégager 100 M$ de plus sur deux ans pour le budget des services des médecins.
Le gouvernement prévoit également augmenter les indemnités des médecins qui effectuent des visites à domicile pour leur permettre, pour la première fois, de facturer l’Assurance-santé de l’Ontario pour des consultations de patients réalisées par courriel ou par téléphone.
Bien que l’entente ajoute 100 M$ à l’ensemble de la rémunération des médecins, Deb Matthews, ministre de la Santé et des Soins de longue durée, a précisé que cette rémunération supplémentaire sera entièrement compensée par des économies réalisées à d’autres endroits qui, dans l’ensemble, comptent pour 400 M$.
Représentant un peu plus de 20 % des dépenses en soins de santé de l’Ontario, la rémunération des médecins vient en second lieu après les hôpitaux en termes d’attribution du budget. Le gel des indemnités à 11 G$ par année pendant deux ans prévu à l’entente aidera le gouvernement à éliminer son déficit de 14,4 G$.
Par suite des difficultés de négociations auxquelles les parties ont fait face en mai, l’OMA et le ministère de la Santé et des Soins de longue durée (le « ministère ») ont également mis au point un protocole d’entente autonome qui prévoit un cadre de travail pour toutes les négociations futures entre les parties.[6] Entre autres choses, le protocole d’entente investit l’OMA du pouvoir de retenir les services d’un facilitateur pour régler un différend avec le ministère et également pour procéder à la conciliation[7] si celui-ci ne réussit pas à résoudre le différend. Aux termes du protocole d’entente, le ministère s’engage à ne pas mettre en place des changements unilatéraux avant la fin du processus de facilitation et de conciliation.
L’entente et l’effet du protocole d’entente sur les négociations futures entre l’OMA et le ministère trouveront tous deux sans doute écho au-delà des frontières de l’Ontario, puisque des tensions similaires existent entre les médecins et les gouvernements dans d’autres provinces. Par exemple, en Alberta, la négociation des indemnités entre les médecins de la province et le gouvernement sont dans une impasse depuis l’an passé et, en novembre, les médecins de l’Alberta ont rejeté les modifications apportées aux indemnités qui, soi-disant, leur avaient été imposées unilatéralement par le gouvernement de l’Alberta.
[1] Pour obtenir un résumé en anglais de l’entente, veuillez consulter le site de l’Ontario Medical Association « Tentative 2012 Physician Services Agreement Executive Summary », en ligne : http://www.oar.info/pdf/OMA_MOH_TENTATIVE_AGREE_EXEC_SUMMARY.pdf, (le « résumé de l’Entente de principe sur les services des médecins »).
[2] Pour plus de renseignements, veuillez vous reporter au communiqué de presse du ministère de la Santé et des Soins de longue durée, « Le gouvernement McGinty actualise les indemnités de l’Assurance-santé fin d’améliorer les soins aux patients » (7 mai 2012), en ligne : http://www.health.gov.on.ca/fr/news/release/2012/may/summary_20120507%20_1.pdf.
[3] L’OMA allègue que certains actes du gouvernement, comme l’embauche de personnes qui ne représentent pas la profession pour discuter de questions directement liées aux négociations ne répondent pas à la norme de négociation de bonne foi, portant ainsi atteinte à la liberté d’association des membres en vertu de l’article 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés.
[4] Voir la page 2 du résumé de l’Entente de principe sur les services des médecins.
[5] À la page 7, le résumé de l’Entente de principe sur les services des médecins précise ce qui suit : [Traduction] « Le montant de la réduction des paiements sera rajusté à compter du 1er octobre 2013 d’un montant correspondant à l’épargne figurant dans le budget des services des médecins ».
[6] Voir la page 8 du résumé de l’Entente de principe sur les services des médecins.
[7] « Conciliation » est défini dans le dictionnaire Black’s Law Dictionary, Bryan A. Garner, 9e éd. (États-Unis : Thomson Reuters, 2009) [Traduction] comme « un processus par lequel une personne neutre rencontre les parties à un différend et explore les avenues permettant de résoudre le différend ».