Le 5 mars 2014, le Parlement de la Côte d'Ivoire a adopté un nouveau code minier (le « Nouveau Code »).
Ayant grandi en Côte d'Ivoire, je me souviens de l'annonce du gouvernement, qui, à la conclusion du programme de télévision quotidien, déclarait « le succès de ce pays repose sur l'agriculture ». Le Nouveau Code marque un changement stratégique de la part du gouvernement ivoirien qui, peut-être inspiré par le succès de pays voisins comme le Ghana et le Burkina Faso, tente de diversifier son économie fondée sur l'agriculture et de profiter de la richesse de son sous-sol.
La Côte d'Ivoire possède des atouts certains. Selon certaines sources, plus du tiers de la ceinture Birimienne de roches vertes (la formation géologique riche en minerais qui s'étend du Ghana au Sénégal et qui a fait du Ghana et du Burkina Faso des pays miniers de premier plan en Afrique) est située en Côte d'Ivoire. L'abondance relative des cours d'eau et l'accès à des sources d'énergie (y compris l'hydroélectricité) constituent des avantages concurrentiels pour la Côte d'Ivoire. De plus, la situation politique semble se stabiliser dans le pays. Mais tout cela n'a que peu de valeur sans l'existence d'un cadre juridique suffisamment bien établi pour donner confiance aux investisseurs afin que ceux-ci investissent dans le pays.
Avec le Nouveau Code, la Côte d'Ivoire affiche son intention d'actualiser sa législation minière afin de la conformer aux meilleures pratiques, et d'attirer des investissements dans son secteur minier en plein essor.
Le Nouveau Code est le fruit de longs pourparlers entre des représentants du secteur minier et du ministère des Mines. Des propositions tels que les impôts sur les bénéfices exceptionnels ou encore les accords de partage de production furent envisagées puis abandonnées dans des versions antérieures du Nouveau Code. En fin de compte, le Nouveau Code semble témoigner d'un consensus entre le secteur minier, le ministère des Mines et certains autres intervenants.
Nous avons été informés que des membres du Parlement ont demandé que certains articles soient modifiés. Toutefois, les changements demandés semblent plutôt mineurs et il est prévu qu'une fois que ces changements auront été apportés, le Nouveau Code sera approuvé dans des délais plutôt brefs.
Conformément à la pratique courante dans les pays de tradition de droit civil, les codes miniers sont généralement accompagnés par des décrets d'application (les « décrets d'application »). Ces derniers constituent la règlementation minière qui, aux fins de comprendre les règles juridiques applicables, peuvent être aussi importants que le code minier.
Les décrets d'application n'ont pas encore été adoptés, mais on s'attend à ce que le gouvernement de la Côte d'Ivoire prenne des mesures pour qu'ils puissent être adoptés au plus tôt. Ces décrets comprendront certaines des dispositions plus polémiques, y compris les taux de redevances, la structure et la gestion du fonds destiné aux collectivités locales, ainsi que les détails sur la convention minière.
Le code minier actuel a été adopté en juillet 1995 (le « Code de 1995 »). Dans le cadre de l'adoption du Nouveau Code, Fasken Martineau a été chargé de procéder à une étude diagnostique du Code de 1995 pour le compte du gouvernement de la Côte d'Ivoire. Fasken Martineau a également a apporté des recommandations sur Nouveau Code.
Un résumé des dispositions principales du Nouveau Code est présenté ci-après :
Principales dispositions du nouveau code minier de la Côte d’Ivoire
- Permis d'exploration : la plupart des codes miniers d'Afrique occidentale adhèrent au format 3X3X3, en vertu duquel une société minière obtient un permis d'exploration d'une durée de trois ans qu'elle peut renouveler deux fois pour des périodes de trois ans chacune, à condition d'abandonner la moitié de la zone visée par le permis à chaque renouvellement. Le Nouveau Code prévoit un format 4X3X3 (permis d'une durée de 4 ans assorti avec possibilité de deux renouvellements de trois ans chacun). Ce changement a été mis en œuvre pour accommoder les producteurs de métaux de base qui soutiennent que les travaux d'exploration relatifs aux métaux de base demandent plus de travail et plus de temps. Il faut également noter que les renouvellements seront assujettis à l'abandon du quart de la zone visée par le permis (habituellement, la moitié de la zone visée par le permis doit être abandonnée).
- Critères d'admissibilité pour les permis d'exploration / le problème de la spéculation : dans la plupart des pays africains, les permis d'exploration sont accordés à condition de respecter certains critères en matière de capacité technique et financière. Toutefois, ces critères sont rarement définis et, dans les faits, les critères d'obtention de permis d'exploration sont généralement peu exigeants. Dans le but de réduire ce que l'on appelle souvent la « spéculation » (l'obtention de permis par des sociétés ou des particuliers, dans le but de les revendre sans exécuter sur le terrain les travaux qui auraient normalement dû être exécutés), le Nouveau Code exige que les demandeurs démontrent qu'ils ont exécuté au moins deux projets d'exploration au cours des deux années précédentes et que leur directeur de l'exploration possède au moins sept années d'expérience et qu'il a dirigé au moins deux projets. Le Nouveau Code exige également que le demandeur démontre qu'il possède des ressources financières suffisantes et, à cette fin, il doit soumettre des relevés d'un compte ouvert auprès d'une banque ivoirienne conformément à des exigences devant être établies dans les décrets d'application.
- Exigences de nationalité : la plupart des codes miniers actuellement en vigueur en Afrique francophone n'exigent pas que le détenteur d'un permis d'exploration ait la nationalité du pays qui délivre le permis. Cette mesure vise à stimuler l'exploration. Le Nouveau Code exige que les sociétés qui présentent des demandes de permis d'exploration minière soient constituées en Côte d'Ivoire.
- Permis d'exploitation minière : la présentation d'une demande de permis d'exploitation minière est assujettie, entre autres choses, à la réalisation d'une étude de faisabilité, y compris d'un plan d'évaluation des impacts environnementaux et d'un plan d'évaluation des impacts socio-économiques. Le permis d'exploitation minière est accordé pour la durée de vie de la mine, telle qu'elle est indiquée dans l'étude de faisabilité, jusqu'à concurrence de 20 ans. Le permis d'exploitation minière peut ensuite être renouvelé pour des périodes de dix ans. Il faut noter que le Nouveau Code permet au détenteur d'un permis d'exploitation minière de demander que les activités soient suspendues pour une période de deux ans (période renouvelable une seule fois pour une durée d'un an) si la conjoncture du marché est défavorable ou en cas de force majeure. De plus, en vertu du Nouveau Code, un permis d'exploitation minière est un droit immobilier qui, sous réserve de l'approbation du ministre des Mines, peut être grevé d'une hypothèque, notamment dans le contexte d'un financement bancaire.
- Intérêt passif : les permis d'exploitation minière sont assujettis à l'octroi au gouvernement d'un intérêt passif de 10 % dans le capital-actions de la société qui exécute le projet, ce qui correspond à l'intérêt passif prévu dans la plupart des codes miniers d'Afrique francophone. De plus, le gouvernement peut acquérir jusqu'à 15 % des actions de la société d'exploitation, pourvu toutefois que l'acquisition des actions additionnelles soit effectuée au prix du marché et sous réserve de négociations entre les parties.
- Redevances minières : les taux des redevances minières ne sont pas précisés dans le Nouveau Code. Elles devaient être indiquées dans les décrets d'application. Nous croyons comprendre qu'il s'agira de redevances variables qui, dans le cas de l'or, dépendront de son cours au comptant. Les redevances variables sont un mécanisme judicieux car, dans un contexte de stabilité fiscale, elles permettent aux sociétés d'avoir un degré raisonnable de certitude quant au régime fiscal qui s'appliquera à un projet jusqu'à son échéance, et permettent au gouvernement de bénéficier des augmentations du prix des minerais. Par conséquent, elles constituent un compromis intéressant entre les redevances fondées sur les bénéfices et les redevances traditionnelles fondées sur la valeur.
- Stabilité fiscale : le Nouveau Code assure une stabilité fiscale. Le fait qu'il fasse partie intégrante de la loi revêt une grande importance, car cela témoigne de l'intention du gouvernement de rassurer les investisseurs au sujet de la stabilité fiscale. Toutefois, la stabilité fiscale dans un cadre contractuel est souvent plus avantageuse pour les investisseurs. À cet égard, on s'attend à ce qu'une disposition concernant la stabilité fiscale soit comprise dans la convention minière type.
- Convention minière : l'une des nouveautés du Nouveau Code est la convention minière qui doit être conclue dans les 60 jours ouvrables suivant l'octroi d'un permis d'exploitation minière. En vertu du Nouveau Code, les détails de la convention minière seront présentés dans les décrets d'application. L'une des questions qui se posent est de savoir si la convention minière sera un modèle standard qui devra être adopté tel quel par les sociétés minières (comme c'est le cas au Burkina Faso) ou si elle pourra faire l'objet de négociations. L'auteur est d'avis que cet aspect est important.
- Incitations fiscales : pour être concurrentiel avec des pays comme le Burkina Faso et le Ghana, dont les secteurs miniers sont peut-être plus établis, la Côte d'Ivoire a intégré dans le Nouveau Code plusieurs incitations fiscales, y compris, notamment, une exonération sur la TVA sur les marchandises importées, une exonération sur l'impôt sur les bénéfices pour les cinq premières années de la production commerciale et une réduction des taxes sur l'utilisation des terres et de l'eau.
- Fonds destiné aux communautés locales : afin de s'assurer que les communautés locales bénéficient de l'exploitation minière, le Nouveau Code exige que les détenteurs de permis d'exploitation minière préparent un plan de développement communautaire ainsi qu'un plan d'investissement en consultation avec les communautés locales. Le détenteur d'un permis doit également constituer un fonds auquel il versera des cotisations annuellement afin de réaliser des plans de développement socio-économique. Des précisions au sujet de ce fonds devraient être apportées dans les décrets d'application.
- Principes de l'Équateur et ITIE : selon le Nouveau Code, le détenteur d'un permis d'exploration minière ou d'exploitation minière doit s'engager à respecter les Principes de l'Équateur et l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives (l'« ITIE »). La Côte d'Ivoire est en conformité avec l'ITIE (du fait qu'elle a déjà déposé au moins un rapport sur les revenus que les sociétés ont versés au gouvernement et un rapport de validation qui analyse le processus de production de ces rapports).
- Contenu local et développement des capacités : les détenteurs de permis d'exploitation minière doivent accorder la priorité à des sociétés ivoiriennes compétentes, établir des programmes de formation pour les sociétés locales et contribuer au développement des capacités de l'administration minière. Des précisions à ce sujet seront apportées dans les décrets d'application.
- Contrôles des changes : les détenteurs de permis d'exploitation minière peuvent : (i) ouvrir et utiliser en Côte d'Ivoire des comptes bancaires dans la monnaie locale ou en devises; (ii) recevoir à l'étranger tous les fonds acquis ou empruntés à l'étranger, à l'exception des revenus tirés de la vente de leur production, lesquels doivent être rapatriés en Côte d'Ivoire, (iii) transférer les dividendes à l'étranger. Dans les faits, certaines sociétés minières se sont dites préoccupées par le mode de fonctionnement du contrôle des changes. Reste à voir si le Nouveau Code favorisera l'établissement d'un régime de contrôle des changes plus satisfaisant du point de vue des sociétés minières.
- Fonds de restauration : le Nouveau Code exige que les sociétés minières ouvrent un compte en banque au début de la phase d'extraction afin de couvrir les coûts environnementaux. Ceci est semblable à une caution pour la remise en état des lieux. Cette disposition a été bien accueillie par les groupes de défense de l'environnement et elle s'aligne sur les exigences environnementales plus rigoureuses qui caractérisent les nouveaux codes miniers.
Comme il est mentionné plus haut, le Nouveau Code entrera en vigueur après l'adoption des modifications exigées par le Parlement. De plus, l'on ne pourra se faire une idée précise de la nouvelle législation sur les mines qu'après l'adoption des décrets d'application.
Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l. est un leader en droit minier qui possède des bureaux au Canada, en Europe et en Afrique du Sud et qui possède une grande expérience et une connaissance approfondie des projets en Afrique francophone.
Le présent article est un résumé et ne constitue pas et n'est pas censé constituer un avis juridique. Si vous avez des questions à poser au sujet du nouveau code minier de la Côte d'Ivoire ou au sujet d'autres législations minières africaines, veuillez communiquer avec :
Daye Kaba, associé
Chef du comité France-Afrique du Groupe Mines et financement minier
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