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La Cour conclut qu’aucun droit au partage des ressources n’est issu du Traité no 3

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Bulletin Affaires autochtones et Mines et financement minier

Le 28 août 2014, la Cour divisionnaire de l’Ontario rendait publique sa décision dans l’affaire Wabauskang First Nation v. Minister of Northern Development and Mines et al. [1], dans laquelle elle précise sa position sur la question de la délégation de l’obligation de consulter et confirme que le Traité no 3 n’a conféré aux Premières Nations signataires aucun droit en matière de partage des ressources et de prise de décision en la matière.

Contexte

La Première Nation de Wabauskang (la « PNW ») avait présenté une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision du directeur de la Réhabilitation minière du ministère du Développement du Nord et des Mines de l’Ontario d’accuser réception du plan de fermeture de la production (le « Plan de fermeture ») du projet aurifère Phoenix de Rubicon Minerals Corporation (« Rubicon »). La PNW alléguait que l’Ontario ne s’était pas acquitté de manière adéquate de son obligation de consultation et d’accommodement parce qu’il avait à tort délégué à Rubicon cette obligation constitutionnelle de la Couronne. Sa demande a été rejetée.

La PNW est signataire du Traité no 3. Le projet de Rubicon était au stade de l’exploration avancée. Le site du projet aurifère Phoenix est l’objet d’activités d’exploration et d’exploitation minière depuis plusieurs décennies. Rubicon a déposé son Plan de fermeture en février 2011. Avant le dépôt, Rubicon avait mené à bien une évaluation archéologique et avait déclaré au directeur qu’elle avait déployé des efforts significatifs en vue de solliciter et de consulter la PNW. Finalement, la Société a retiré son Plan de fermeture afin de laisser plus de temps à la PNW pour l’étudier et lui donner la possibilité d’évaluer quels éventuels droits ancestraux ou issus d’un traité pourraient être touchés.

Le Plan de fermeture a été déposé à nouveau à la mi-octobre 2011 et a fait l’objet d’un accusé de réception. Différentes communications et rencontres entre Rubicon, la PNW et le ministère du Développement du Nord et des Mines (le « MDNM ») avaient eu lieu dans l’intervalle. Rubicon avait mandaté un expert indépendant pour effectuer un examen des enjeux environnementaux et avait révisé son Plan de fermeture pour y intégrer les préoccupations soulevées par la PNW et par l’examen de l’expert indépendant, y compris des mesures d’atténuation des impacts.

En parallèle, Rubicon et la PNW avaient entrepris des pourparlers dans le but de conclure une entente sur les répercussions et les avantages. Au moment de la décision du directeur, ces négociations n’avaient pas encore abouti.

Décision

En ce qui concerne les aspects juridiques de l’obligation de consulter, y compris la délégation de cette obligation à un autre acteur, la Cour divisionnaire a appliqué l’arrêt de principe Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) [2] et a conclu que : a) le processus institutionnel suivi par le MDNM pour évaluer l’impact potentiel ou réel sur un droit ancestral ou issu d’un traité revendiqué était raisonnable; b) il était raisonnable pour le MDNM de conclure qu’une consultation standard s’imposait dans les circonstances; c) le MDNM avait agi raisonnablement en réévaluant l’impact potentiel sur les droits ancestraux ou issus de traités revendiqués après l’obtention de nouveaux éléments d’information; d) le MDNM avait agi en tout temps dans le respect de son obligation, qu’il reconnaissait, de consultation et d’accommodement; e) le MDNM n’avait pas délégué de pouvoirs de façon inappropriée à Rubicon; f) le MDNM s’était acquitté de son obligation de consulter la PNW concernant l’accusé de réception du Plan de fermeture.

Répercussions

Certaines conclusions de la Cour divisionnaire revêtent un intérêt particulier pour les acteurs de l’industrie minière. Les Premières Nations de l’Ontario revendiquent des titres et des droits issus de traités dont la portée va sans cesse en s’élargissant. La Cour divisionnaire a rejeté l’allégation selon laquelle le Traité no 3 conférait un droit exprès ou tacite au partage entre les signataires et la Couronne de la prise de décision et des revenus concernant les terres cédées. Par conséquent, le MDNM n’avait pas d’obligation de consultation et d’accommodement à l’égard de la PNW au sujet de ces questions [3]. La formulation du Traité no 9, par exemple, est similaire à celle du Traité no 3.

Les tribunaux ont donné peu d’indications quant à la nature des aspects procéduraux de l’obligation constitutionnelle faite à la Couronne que celle-ci peut valablement « déléguer » tout en s’acquittant de cette obligation. Compte tenu de la nature et de la portée des aspects qu’elle qualifie de « procéduraux », la Cour divisionnaire semble accepter que l’ensemble des démarches d’engagement et de consultation des communautés autochtones puisse être assumé par l’entreprise dans la mesure où la Couronne s’assure que cette dernière mène les engagements et les consultations « de manière appropriée ». Les exigences précises de la Couronne à cet égard peuvent varier selon les circonstances. La province peut également choisir de « déléguer » les coûts desdits aspects procéduraux à l’entreprise. Une telle décision pourrait être vue par l’industrie comme imposant aux sociétés un fardeau inapproprié, disproportionné et inéquitable.

Toutefois, il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour suprême que l’honneur de la Couronne ne peut être délégué, une règle qui a pour corollaire qu’une entreprise n’a aucune obligation constitutionnelle de consultation. Tout comme Weyerhaeuser dans l’affaire Nation haïda, Rubicon n’aurait pu faire l’objet d’aucun recours même si la Cour avait conclu que la Couronne avait fait défaut de consulter la PNW [4].

Les autres aspects importants de la décision sont les suivants :

a) Le fait que le MNDM n’ait pas pris part à toutes les réunions, les discussions et les négociations entre Rubicon et la PNW (souvent à la demande de la PNW) n’a pas empêché l’Ontario de pouvoir s’acquitter de son obligation;

b) La Cour divisionnaire a conclu que le MNDM avait démontré qu’il s’était acquitté de sa responsabilité à l’égard des consultations en [Traduction] « décourageant Rubicon de déposer le Plan de fermeture et/ou en l’encourageant à le retirer pour donner à la PNW assez de temps pour formuler ses préoccupations ». Cela ne doit pas être interprété comme une approbation d’une situation où, par exemple, une communauté autochtone s’engagerait tardivement dans les discussions avec un promoteur ou la Couronne ou ne s’y engagerait pas du tout;

c) La Cour divisionnaire semble avoir trouvé quelque peu rassurant que des « décideurs » aient été présents à la table de négociation. D’un point de vue pratique et économique, on ne peut s’attendre à ce que le président d’une société assiste à toutes les rencontres. On peut se demander si la Cour aurait trouvé à redire si la personne désignée comme responsable de l’engagement auprès de la communauté autochtone avait été le représentant de l’entreprise dirigeant la consultation, et non pas le président comme dans le présent cas;

d) La Cour divisionnaire a confirmé le principe établi dans l’arrêt Nation haïda et confirmé dans l’arrêt Mikisew selon lequel la consultation n’avait pas valeur de droit de veto pour les Premières Nations.


[1]       2014 ONSC 4424

[2]       2004 CSC 73

[3]       Par. 212 et 217. La Cour divisionnaire conclut sur la foi de la preuve que la PNW avait accepté que la « question du partage des revenus » fasse l’objet de négociations entre la PNW et Rubicon. Autrement dit, cette décision n’impose à une entreprise aucune obligation légale de conclure une entente en matière de partage des ressources.

[4]      Para. 243.

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Auteur

  • Neal J. Smitheman, Avocat-conseil, Toronto, ON, +1 416 868 3441, nsmitheman@fasken.com

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