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Pipeline Northern Gateway – La CAF conclut que l’obligation de consultation n’a pas été respectée

Fasken
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Bulletin Affaires autochtones

Le 30 juin 2016, la Cour d’appel fédérale (« CAF ») a publié sa décision dans l’affaire Nation Gitxaala c. Canada, 2016 CAF 187, soit une demande de contrôle judiciaire d’un décret exigeant que l’Office national de l’énergie (« ONÉ ») délivre deux certificats d’utilité publique pour le projet Northern Gateway. Dans une décision partagée, deux des trois juges ont statué que le Canada n’avait pas respecter l’obligation de consultation qui lui incombait. En conséquence, la majorité de la CAF a infirmé le décret et les certificats de l’ONÉ et a renvoyé l’affaire au gouverneur en conseil aux fins de prise d’une nouvelle décision rapide.

Contexte

Le projet Northern Gateway consiste en deux pipelines et des installations connexes destinées au transport du pétrole et de condensats entre Bruderheim, en Alberta et Kitmat, en Colombie-Britannique. Les installations connexes à Kitmat comprennent des terminaux de stockage et des terminaux maritimes en vue de la livraison de pétrole aux marchés d’exportation.

En 2005, Northern Gateway a présenté une trousse d’information préliminaire à l’ONÉ et à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. En 2006, le ministre de l’Environnement a renvoyé le projet à une commission d’examen dont les travaux étaient menés conjointement en vertu de la Loi canadienne de 2012 sur l’évaluation environnementale et de la Loi sur l’Office national de l’énergie. Entre 2006 et 2010, des démarches préliminaires ont été prises afin de mettre sur pied la Commission d’examen conjoint et de mettre au point un cadre de consultation.

Le Canada a établi un cadre de consultation en cinq phases. Les phases I à III comportaient des consultations et une participation à la phase préliminaire, à la phase préparatoire aux audiences et aux audiences de la Commission d’examen conjoint. La phase IV devait débuter suivant la publication du rapport de la Commission d’examen conjoint et comportait des consultations sur toute préoccupation ne relevant pas du mandat de la Commission d’examen conjoint et concernant le rapport en soi. La dernière phase, la phase V, visait la consultation concernant les permis et les autorisations devant être accordés suivant la décision du gouverneur en conseil d’approuver ou non l’émission des certificats à l’égard du projet en vertu de la Loi sur l’Office national de l’énergie.

En 2012, la Commission d’examen conjoint a mené des audiences publiques et a entendu des plaidoiries écrites et orales de la part de divers groupes et des membres du public. Le 19 décembre 2013, la Commission d’examen conjoint a publié son rapport. Le rapport a jugé que le projet était dans l’intérêt public et a recommandé que l’ONÉ délivre les certificats sous réserve de 209 conditions.

Le 17 juin 2104, le gouverneur en conseil a pris le décret C.P. 2014-809, approuvant le projet en vertu de la Loi canadienne de 2012 sur l’évaluation environnementale. Le même jour, l’ONÉ a publié sa décision en vertu de la Loi sur l’Office national de l’énergie. Le lendemain, l’ONÉ a délivré deux certificats à l’égard du projet, un pour chaque pipeline.

Résumé

Même si c’est la CAF qui était saisie de l’affaire, il s’agissait d’un contrôle judiciaire en première instance de plusieurs décisions. Il ne s’agissait par d’un appel logé contre un jugement de la Cour fédérale et la Cour est parvenue aux conclusions de fait en première instance.

L’appel a examiné un certain nombre de contestations différentes de la part de groupes autochtones et environnementaux vis-à-vis de trois décisions différentes se rapportant au projet. Ces décisions comprenaient :

    • le rapport de la Commission d’examen conjoint, qui recommandait que le projet aille de l’avant et qui a fixé 209 conditions;
    • le décret du gouverneur en conseil pris en vertu de la Loi canadienne de 2012 sur l’évaluation environnementale approuvant le projet; et
    • les certificats d’utilité publique délivrés par l’Office national de l’énergie (ONÉ) en vertu de Loi sur l’Office national de l’énergie.

La CAF s’est concentrée sur le décret dans son jugement, soulignant que le rôle incombant à l’ONÉ était de suivre la directive du gouverneur en conseil après la prise du décret. Concernant le rapport de la Commission d’examen conjoint, la Cour a statué que les lacunes minant le rapport devaient être examinées par le gouverneur en conseil, et non par le tribunal dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

Le décret a été contesté à la fois selon des motifs en droit administratif et en fonction de l’omission de la part du Canada de respecter son obligation de consultation. Les trois juges étaient unanimement d’accord qu’il n’y avait pas de lacunes sur le plan du droit administratif relativement au décret. Toutefois, deux des juges ont statué que le Canada avait omis de respecter son obligation de consultation les Premières Nations au cours de la phase IV, la phase qui a débuté après la publication du rapport de la Commission d’examen conjoint et avant la prise de la décision du gouverneur en conseil.

Motifs de droit administratif

La CAF a statué que la décision du gouverneur en conseil ne devait pas faire l’objet d’un contrôle selon une norme de la décision raisonnable et, dans le cadre de cet examen, le gouverneur en conseil avait droit à « une très large marge d’appréciation lorsqu’il prend sa décision discrétionnaire en fonction des très larges considérations de politique et d’intérêt public » . La Cour a jugé à l’unanimité que la décision du gouverneur en conseil était raisonnable.

Majorité – Obligation de consultation

En ce qui concerne la consultation, la Cour a déclaré que la question dont elle était saisie consistait à savoir si des « efforts raisonnables pour informer et consulter » avaient été déployés et elle a reconnu que « la perfection n’est pas requise ». En l’occurrence, la majorité a conclu que les efforts déployés par le Canada pour informer et consulter au cours de la phase IV étaient « nettement insuffisant[s] ».

En parvenant à cette décision, la Cour a observé qu’il ne s’agissait pas d’une affaire dans laquelle le demandeur avait omis de collaborer avec les groupes autochtones. Northern Gateway avait amorcé le dialogue avec plus de 80 groupes autochtones différents, en ayant recours à diverses méthodes d’engagement, en fournissant 10,8 millions de dollars en financement de capacité et 5 millions de dollars dans le cadre d’un programme de savoir traditionnel.

L’omission de consultations adéquates à laquelle la majorité a conclu se limitait à la phase IV. Quoique le demandeur ait participé aux consultations dans les phases I à III, seule la Couronne a participé aux consultations de la phase IV. La majorité est parvenue à la conclusion que les consultations de la phase IV étaient insuffisantes. Cette phase était destinée à fournir l’occasion d’un dialogue à l’égard du rapport de la Commission et de « combler les lacunes » touchant des questions ne relevant pas du mandat de la Commission : ni l’un ni l’autre de ces objectifs a été atteint. La majorité s’est concentrée sur cinq éléments dans le cadre de sa décision que les consultations au cours de la phase IV étaient inadéquates :

  1. Les consultations ont été précipitées – Même si le délai en vue de rendre une décision est imposé par la Loi sur l’Office national de l’énergie, le gouverneur en conseil a le pouvoir d’octroyer une prolongation de délai. La majorité a observé que la Couronne n’avait pas demandé de prolongation des échéanciers, et ce, en dépit de commentaires de la part des Premières Nations que le délai était trop serré afin d’aborder convenablement leurs préoccupations. La majorité a en outre statué qu’une courte prolongation aurait suffi pour permettre un dialogue utile.
  2. Des renseignements inexacts avaient été fournis au gouverneur en conseil - La majorité a observé qu’au moins dans trois instances, des renseignements fournis dans le rapport de consultation de la Couronne ne traduisaient pas correctement les préoccupations des Premières Nations touchées. Même si ces inexactitudes avaient été portées à l’attention du Canada, il n’y avait aucune preuve qu’elles avaient été rectifiées.
  3. Absence de dialogue véritable – La plainte principale véhiculée par la majorité était que la Couronne ne s’était pas engagée dans une discussion véritable ou un examen véritable des questions soulevées par les groupes autochtones au cours de la phase IV. La majorité a fait état d’un certain nombre d’exemples où les groupes autochtones avaient fait valoir des préoccupations concernant l’incidence du projet sur la chasse, le piégeage, les œufs de hareng sur varech et la sécurité maritime auxquelles les représentants de la Couronne avaient donné des réponses génériques et vagues, en commentant qu’ils n’étaient pas les décideurs ou qu’ils se devaient d’accepter les conclusions de la Commission d’examen conjoint.
  4. La solidité des revendications n’a pas été communiquée aux groupes autochtones - la Cour a jugé que la décision prise par le Canada de ne pas communiquer son point de vue quant à la solidité des revendications faites par les groupes autochtones était inacceptable sur le plan légal. La majorité a estimé que les renseignements factuels concernant la solidité de la revendication et de la portée des consultations constituaient un « élément essentiel d’une véritable consultation ».
  5. Omission de motiver la décision - La Cour a déclaré que la Couronne avait l’obligation de donner les motifs de décision lorsqu’une consultation approfondie était exigée.

Dissidence – obligation de consultation

Le juge dissident (le juge Ryer) était en désaccord avec la majorité concernant le caractère adéquat des consultations au cours de la phase IV. Le juge Ryer s’est penché sur l’intégralité du processus de consultation en parvenant à la conclusion que les consultations au cours de la phase IV n’étaient pas inadéquates. Au début de ses motifs, le juge Ryer a également observé que seuls les droits de récolte (qu’il a appelés des « droits d’usage ») étaient touchés, par voie de contraste avec la majorité qui a également tenu compte des revendications de titres.

Conclusion

Les décisions portant sur le caractère adéquat des consultations sont circonscrites par leurs faits propres; toutefois, la décision rendue par la majorité met l’accent sur l’importance d’un engagement direct et véritable de la part de la Couronne avec les groupes autochtones plus généralement. Ceci met également en lumière les risques auxquels s’exposent les promoteurs lorsque des questions techniques sont posées à la Couronne auxquelles le demandeur serait vraisemblablement en mesure de répondre mais auxquelles la Couronne ne répond pas et lorsque le promoteur ne participe pas au processus. Quoiqu’un engagement direct de la part de la Couronne soit légalement exigé, la décision met l’accent sur le rôle important que peuvent jouer les promoteurs dans toutes les phases du processus de consultation, surtout lorsque des préoccupations d’ordre technique sont soulevées par des groupes autochtones auxquelles peuvent répondre les promoteurs et auxquelles la Couronne ne répond pas.

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  • Bridget Gilbride, Associée, Vancouver, BC, +1 604 631 4891, bgilbride@fasken.com
  • Kerry Kaukinen, Avocate, Vancouver, BC, +1 604 631 3210, kkaukinen@fasken.com
  • Charles F. Willms, Avocat-conseil, Vancouver, BC, +1 604 631 4789, cwillms@fasken.com

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