Le 11 janvier 2017, le ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire (le « MAMOT ») et le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (le « MERN ») publiaient un document intitulé « Pour assurer une cohabitation harmonieuse de l’activité minière avec les autres utilisations du territoire - Les orientations gouvernementales en aménagement du territoire[1] » (le « Document d’orientation »). Sa publication fait suite à l’entrée en vigueur, en date du 14 décembre 2016, de l’article 304.1.1 de la Loi sur les mines[2] (Québec) (la « LSM ») permettant que soit soustrait à la prospection, à la recherche, à l’exploration et à l’exploitation minière, toute substance minérale faisant partie du domaine de l’État se retrouvant sur un terrain compris dans un « territoire incompatible avec l’activité minière » délimité dans un schéma d’aménagement et de développement (« SAD ») conformément à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme[3] (la « LAU »).
La LSM définit un « territoire incompatible avec l’activité minière » comme un territoire « dans lequel la viabilité des activités serait compromise par les impacts engendrés par l’activité minière »[4]. Rappelons que ce nouvel article avait été introduit par la Loi modifiant la Loi sur les mines[5] (Québec) (la « Loi modificatrice ») adoptée par l’Assemblée Nationale (44e législature) et sanctionnée le 10 décembre 2013 (voir à ce sujet le bulletin de Fasken publié le 19 décembre 2013) suite à trois tentatives de réforme infructueuses de la LSM[6].
Il aura donc fallu trois ans au gouvernement pour confirmer l’entrée en vigueur de cette importante modification à la LSM. La Loi modificatrice avait pourtant confirmé dès son entrée en vigueur le changement à l’article 6 de la LAU[7] octroyant aux municipalités régionales de comté et aux villes et agglomérations exerçant certaines compétences des municipalités régionales de comté (collectivement pour les fins de ce bulletin, les « MRC ») le pouvoir de délimiter elles-mêmes les territoires incompatibles avec l’activité minière.
Le Document d’orientation vise à guider les MRC dans l’exercice de ce nouveau rôle stratégique, et vise également à baliser ce nouveau pouvoir accordé aux MRC. La publication du Document d’orientation était donc une étape nécessaire pour l’entrée en vigueur de l’article 304.1.1 de la LSM.
Objectifs et attentes du gouvernement
Dans le but d’assurer une cohabitation harmonieuse de l’activité minière avec les autres utilisations du territoire, le Document d’orientation poursuit principalement deux grands objectifs : (i) protéger les activités dont la viabilité serait compromise par les impacts engendrés par l’activité minière en fonction des utilisations du territoire et des préoccupations du milieu; et (ii) favoriser la mise en valeur des ressources minérales par l’harmonisation des usages.
Du premier objectif découlent trois (3) attentes:
- L’identification et la délimitation des territoires incompatibles avec l’activité minière - Si la MRC souhaite se prévaloir du pouvoir prévu à l’article 6 de la LAU, elle doit alors délimiter dans son SAD, tout territoire incompatible avec l’activité minière au sens de l’article 304.1.1 de la LSM. À ce titre, la MRC pourra identifier le périmètre d’urbanisation, en tout ou en partie, comme faisant partie d’un tel territoire, et ce sans justification. Dans le cas d’un territoire situé hors des périmètres d’urbanisation d’une MRC, une telle soustraction devra non seulement répondre aux attentes gouvernementales et aux critères contenus dans le Document d’orientation, mais devra également être justifiée par la MRC au regard de l’ensemble des orientations gouvernementales en aménagement du territoire. Une fois le territoire incompatible identifié et délimité, le Document d’orientation prévoit, en plus, la possibilité pour la MRC d’y ajouter une bande de protection additionnelle pouvant aller de 600 à 1 000 mètres en fonction du type de territoire ainsi soustrait.
- Connaître et prendre en compte les préoccupations du milieu - Il faudra une concertation de l’ensemble des acteurs concernés et viser la conciliation de leurs enjeux respectifs par la MRC, qui doit donc prendre les moyens nécessaires pour informer et consulter adéquatement tous les acteurs concernés[8].
- Connaître et prendre en compte les droits miniers - La MRC doit connaître et prendre en compte les droits miniers existants sur son territoire lors de l’identification et de la délimitation des territoires incompatibles avec l’activité minière. Dans le cadre de cet exercice, le Document d’orientation invite les MRC à prendre en considération l’impact de la soustraction à l’activité minière lors de la délimitation des territoires incompatibles, notamment en raison des retombées économiques associées à cette activité[9].
Du second objectif gouvernemental découle une attente principale, celle d’encadrer l’implantation d’usages sensibles à proximité des sites miniers[10]. À ce titre, la MRC doit prévoir dans son SAD des mesures relatives à l’occupation du sol afin d’éviter que de tels usages ne s’implantent à proximité des sites miniers. Ces mesures pourraient inclure, par exemple, le maintien d’une bande boisée ou d’une zone tampon autour du territoire en question.
Dispositions transitoires et prochaines étapes
Depuis l’entrée en vigueur de la Loi modificatrice, à l’exception des terrains où des droits miniers ont été obtenus préalablement à cette date, les périmètres d’urbanisation des municipalités reproduits sur la carte des titres miniers et publiés sur le site web du MERN sont soustraits à l’activité minière. Une MRC qui souhaite donc se prévaloir du pouvoir de soustraction prévu à l’article 6 de la LAU doit identifier les territoires qu’elle souhaite soustraire à l’activité minière en les délimitant sur des cartes et en intégrant ces cartes à son SAD.
Rappelons que l’exercice d’identification et de délimitation des territoires incompatibles par une MRC ne pourra se faire que par l’adoption d’un règlement en suivant le processus établi dans la LAU, et non par l’adoption d’un simple règlement intérimaire. De plus, le règlement modifiant le SAD devra être conforme aux orientations gouvernementales énoncées, entre autres, dans le Document d’orientation. En vertu de la procédure établie par la LAU, dans les 60 jours suivants la réception du règlement modifiant le SAD, le MAMOT doit donner son avis sur la conformité de la modification proposée aux orientations gouvernementales[11]. Une telle modification sera automatiquement jugée non conforme lorsque le MAMOT aura reçu du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles (le « Ministre ») un avis motivé selon lequel cette soustraction ne respecte pas les orientations gouvernementales[12].
Dans le cadre du processus visant l’adoption par une MRC d’un règlement modifiant son SAD, le Ministre peut suspendre temporairement, pour une période de 6 mois, l’octroi de nouveaux titres miniers sur le territoire en question[13]. Pour ce faire, la MRC devra avoir transmis au Ministre les fichiers de données géométriques des territoires qu’elle proposera à la consultation publique prévue à la LAU[14] afin de procéder à l’adoption du règlement modifiant son SAD.
Protection des droits acquis
Évidemment, la soustraction de territoires incompatibles à l’activité minière peut avoir des effets néfastes sur le développement des ressources minérales puisque la soustraction empêchera l’octroi de tout nouveau droit d’exploration minière pour les substances minérales faisant partie du domaine de l’État. Cela étant dit, la LSM prévoit le maintien des droits miniers existants sur de tels territoires à condition d’y respecter les conditions énoncées dans la loi[15]. En effet, lorsqu’un claim a été délivré antérieurement à l’entrée en vigueur du SAD modifié et qu’il se trouve, en tout ou en partie, dans un territoire incompatible soustrait à l’activité minière, la LSM prévoit que ce claim peut être renouvelé à la condition que des travaux y aient été effectués au cours de toute période de validité postérieure à la délimitation de ce territoire[16]. Il est aussi important de noter que les autres droits miniers existants (concession minière ou bail minier par exemple) se trouvant à l’intérieur d’un territoire soustrait à l’activité minière ne seront pas visés par celui-ci et pourront être exercés par leurs titulaires sans obligation additionnelle.
Préséance de la LSM?
Malgré ces importants changements législatifs, il est curieux de constater que le législateur n’a pas cru bon d’abroger la disposition de la LAU voulant qu’aucune disposition de cette loi, d’un plan métropolitain, d’un SAD, d’un règlement ou d’une résolution de contrôle intérimaire ou d’un règlement de zonage, de lotissement ou de construction ne peut avoir pour effet d’empêcher le jalonnement ou la désignation sur carte d’un claim, l’exploration, la recherche, la mise en valeur ou l’exploitation de substances minérales et de réservoirs souterrains, faits conformément à la LSM[17]. Un détenteur de droit minier impacté par un SAD modifié pourrait-il un jour invoquer cette disposition de la LAU pour contester la décision de la MRC? Le législateur a peut-être jugé qu’il n’existe pas de contradiction entre le régime de la LAU et celui de la LSM, mais nous suivrons de près l’évolution de cette situation.
Si votre projet minier risque d’être impacté par ces nouvelles dispositions législatives, n’hésitez pas à nous contacter. Nous pourrons vous accompagner dans ce long processus que devrait amorcer sous peu l’ensemble des MRC du Québec.
[1] Gouvernement du Québec, document d’orientation (PDF), « Pour assurer une cohabitation harmonieuse de l’activité minière avec les autres utilisations du territoire - Les orientations gouvernementales en aménagement du territoire » (11 janvier 2016)
[2] Loi sur les mines, RLRQ, c M-13.1.
[3] Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, RLRQ, c A-19.1.
[4] Loi sur les mines, RLRQ, c M-13.1, art 304.1.1.
[5] Loi modifiant la Loi sur les mines, LQ 2013, c 32, art 108.
[6] PL-43, Loi sur les mines, 1re sess, 40e lég, Québec, 2013; PL-14, Loi sur la mise en valeur des ressources minérales dans le respect des principes du développement durable, 2e sess, 39e lég, Québec, 2011; PL-79, Loi modifiant la Loi sur les mines, 1re sess, 39e lég, Québec, 2009.
[7] Loi modifiant la Loi sur les mines, LQ 2013, c 32, art 116.
[8] Le Document d’orientation invite d’ailleurs les MRC à consulter le « Guide pour l’élaboration d’une politique de participation publique en aménagement et en urbanisme » (MAMOT).
[9] Voir annexe 1 du document d’ointation (PDF), « Pour assurer une cohabitation harmonieuse de l’activité minière avec les autres utilisations du territoire - Les orientations gouvernementales en aménagement du territoire » (11 janvier 2016)
[10] Le Document d’orientation définit « sites miniers » comme des sites d’exploitation minière, aux sites d’exploration minière avancée, aux carrières, aux sablières et aux tourbières présents sur le territoire de la MRC (page 9).
[11] Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, RLRQ, c A-19.1, art 53.7.
[12] Ibid.
[13] Loi sur les mines, RLRQ, c M-13.1, art 304.1. La suspension pourra, au besoin, être renouvelée par le Ministre, notamment dans le but de faciliter le processus de consultation publique qui doit être complété par la MRC.
[14] Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, RLRQ, c A-19.1, art 53 et s.
[15] Loi sur les mines, RLRQ, c M-13.1, art 61.
[16] Ibid.
[17] Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, RLRQ, c A-19.1, art 246.