Le 3 octobre 2016, des modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu ont été annoncées; elles ont une incidence cruciale sur la capacité de certaines fiducies de se prévaloir de l'exemption pour résidence principale. Ces changements sont présentés plus en détail ci-dessous. Si votre plan successoral comprend une fiducie qui détient actuellement ou qui pourrait éventuellement détenir une résidence, et que cette fiducie :
- (a) n'est pas admissible aux fins fiscales comme fiducie en faveur de soi-même, fiducie au profit du conjoint de fait, fiducie au profit de l'époux, fiducie mixte au profit de l'époux ou du conjoint de fait ou fiducie admissible pour personne handicapée;
- (b) n'est pas une fiducie au profit d'un enfant mineur dont les parents sont décédés; ou
- (c) est une fiducie décrite au paragraphe (a) ou (b), mais ne prévoit pas expressément que le bénéficiaire principal puisse avoir le droit de faire usage ou de jouir d'une résidence détenue par la fiducie, et qu'il est possible que la fiducie fasse l'acquisition d'une résidence à compter du 3 octobre 2016;
il pourrait alors s'avérer judicieux d'apporter certains changements à votre plan successoral. Les modifications prendront effet pour l'année 2017 et les années d'imposition ultérieures. Par conséquent, si des changements doivent être apportés à votre plan successoral, il convient de procéder le plus rapidement possible.
Règles actuelles – applicables en 2016 et pour les années d'imposition antérieures
Actuellement, une fiducie personnelle peut désigner aux fins fiscales un bien détenu en fiducie comme résidence principale pour une année.
Pour qu'une fiducie puisse se prévaloir de l'exemption pour résidence principale en ce qui concerne un bien dont elle est propriétaire, le bien doit être normalement habité par un « bénéficiaire déterminé » de la fiducie pour l'année, et aucune société de personnes ou société par actions ne doit avoir de droit de bénéficiaire dans la fiducie pour l'année. La Loi de l'impôt sur le revenu définit le terme « bénéficiaire déterminé » qui comprend un bénéficiaire de la fiducie qui a normalement habité le bien pendant l'année ou dont l'époux ou le conjoint de fait, l'ex-époux ou l'ex-conjoint de fait ou l'enfant a normalement habité le bien pendant l'année. Le terme « normalement habité » à ces fins est interprété de façon plutôt large et peut comprendre l'utilisation saisonnière d'un bien à des fins récréatives, comme un chalet.
La désignation du bien comme résidence principale par la fiducie pour une année fait en sorte que le bien est réputé être la résidence principale de chaque bénéficiaire déterminé de la fiducie pour cette année. En raison du fait que la Loi de l'impôt sur le revenu permet aux contribuables de désigner une seule résidence principale par unité familiale, l'époux et les enfants mineurs d'un bénéficiaire déterminé ne pourront non plus se prévaloir de l'exemption pour résidence principale en ce qui concerne un autre bien pour cette année.
Si la fiducie désigne le bien comme résidence principale pour les années dont elle en a été la propriétaire, les gains en capital de la fiducie découlant de la vente du bien seront alors exonérés d'impôt.
Au lieu de vendre le bien, les fiduciaires pourraient décider de transférer le bien en nature à un bénéficiaire de la fiducie avec report d'impôt en vertu du paragraphe 107 (2) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Dans ce cas, le paragraphe 40 (7) de la Loi de l'impôt sur le revenu considère le bénéficiaire du bien comme ayant été le propriétaire du bien de façon continue depuis son acquisition par la fiducie aux fins de l'exemption pour résidence principale. Cela signifie que le bénéficiaire qui reçoit le bien peut personnellement désigner le bien comme sa résidence principale pour les années où le bien était détenu par la fiducie, à condition que les autres exigences servant à la désignation soient respectées (p. ex., le bénéficiaire, son époux ou son conjoint de fait, ou son enfant a normalement habité le bien pour toutes les années pendant lesquelles la désignation a été effectuée).
Modifications proposées –applicables pour l'année 2017 et les années d'imposition ultérieures
Les règles proposées ajoutent des critères d'admissibilité supplémentaires qu'une fiducie doit respecter avant de pouvoir désigner un bien comme résidence principale. Pour chaque année d'imposition après l'année 2016, une fiducie doit être une fiducie au profit de l'époux ou du conjoint de fait, une fiducie mixte au profit de l'époux ou du conjoint de fait, une fiducie en faveur de soi-même, une fiducie admissible pour personne handicapée ou une fiducie au profit d'un enfant mineur dont les parents sont décédés afin de se prévaloir de l'exemption pour résidence principale. En outre, la personne suivante doit être un bénéficiaire désigné de la fiducie :
- dans le cas d'une fiducie en faveur de soi-même, l'auteur de la fiducie;
- dans le cas d'une fiducie au profit de l'époux ou du conjoint de fait, le conjoint qui est le bénéficiaire des revenus de la fiducie de son vivant;
- dans le cas d'une fiducie mixte au profit de l'époux ou du conjoint de fait, l'un ou l'autre ou les deux époux ou conjoints de fait;
- dans le cas d'une fiducie admissible pour personne handicapée, le bénéficiaire choisi (c.-à-d. qui est handicapé);
- dans le cas d'une fiducie au profit d'un enfant mineur dont les parents sont décédés, l'enfant mineur.
En outre, le bénéficiaire déterminé doit être un résident du Canada pour chaque année où la désignation est effectuée. Enfin, si le bien a été acquis à compter du 3 octobre 2016, les dispositions du testament ou d'un autre document établissant la fiducie doivent prévoir expressément le droit du bénéficiaire déterminé de faire usage ou de jouir du bien comme résidence tout au long de l'année.
Un bénéficiaire à qui une résidence est distribuée en nature par les fiduciaires avec report d'impôt continuera à être réputé propriétaire du bien pendant les années au cours desquelles la fiducie était propriétaire aux fins de l'exemption pour résidence principale.
Il est important de noter que les modifications proposées s'appliquent pour 2017 et les années d'imposition ultérieures. Par conséquent, une fiducie qui a désigné une résidence principale relativement à un bien pour 2016 et les années d'imposition antérieures continuera à réaliser des gains en capital attribuables à ces années à l'abri de l'impôt au moment de la disposition du bien par la fiducie.
Votre plan successoral doit-il être examiné?
Comme mentionné ci-dessus, ce ne sont pas tous les plans successoraux comportant des fiducies qui seront touchés par les nouvelles règles fiscales. Les fiducies admissibles comme fiducies en faveur de soi-même, fiducies au profit du conjoint de fait, fiducies au profit de l'époux, fiducies mixtes au profit de l'époux, fiducies mixtes au profit du conjoint de fait, fiducies admissibles pour personne handicapée ou fiducies au profit d'un enfant mineur dont les parents sont décédés continueront de pouvoir se prévaloir de l'exemption pour résidence principale si le bénéficiaire déterminé est un résident du Canada et si : (i) le document établissant la fiducie prévoit que le bénéficiaire déterminé a le droit de faire usage ou de jouir de la résidence détenue par la fiducie; ou (ii) la fiducie a acquis la résidence avant le 3 octobre 2016 et elle ne prévoit pas faire l'acquisition d'une résidence supplémentaire ou de remplacer la résidence à l'avenir.
En outre, les fiducies qui ne sont pas destinées à détenir des biens réels occupés par un ou plusieurs bénéficiaires de la fiducie ou par le conjoint ou l'enfant d'un bénéficiaire de la fiducie ne seront pas touchées, car ces fiducies ne peuvent pas se prévaloir de l'exemption pour résidence principale en vertu des règles actuelles.
Toutefois, dans d'autres cas, les modifications proposées pourraient avoir une incidence défavorable importante sur le plan successoral d'une personne. À titre d'exemple, examinons les scénarios suivants :
- Une fiducie détient une résidence pour un bénéficiaire handicapé qui n'est pas admissible à un crédit d'impôt pour personne handicapée. Par conséquent, la fiducie ne remplit pas les conditions de fiducie admissible pour personne handicapée et ne peut donc pas désigner la résidence comme résidence principale. Parallèlement, il serait peu judicieux de distribuer le bien en nature au bénéficiaire handicapé avant que ce bien ne soit vendu.
- Les parents d'un enfant mineur ajoutent une fiducie à leurs testaments respectifs prévoyant un droit pour leur enfant d'habiter la résidence familiale jusqu'à l'âge de 25 ans. Même si la fiducie pourra désigner la résidence comme résidence principale pendant que l'enfant n'a pas encore atteint 18 ans, la désignation ne sera pas possible pour les années où la fiducie détient la résidence et où l'enfant est âgé entre 18 et 25 ans.
- Une testatrice décède en 2025. Son époux et ses enfants mineurs lui survivent. Au moment de son décès, elle détient en propriété exclusive la maison familiale et a pris des dispositions pour que la totalité de son patrimoine soit détenu dans une fiducie au profit de son époux. Les dispositions de la fiducie au profit de l'époux prévoient que ce dernier recevra la totalité du revenu de la fiducie de son vivant et pourrait recevoir les distributions du capital de la fiducie à la discrétion des fiduciaires, avec instruction de conserver le capital de la fiducie au profit des enfants de la testatrice, dans la mesure du possible. La fiducie ne prévoit pas expressément un droit pour l'époux de faire usage et de jouir d'une résidence détenue par la fiducie. L'époux informe les fiduciaires qu'il souhaite une résidence plus petite. La fiducie ne pourrait pas désigner la maison familiale comme résidence principale. Les fiduciaires seraient tenus de déterminer s'ils devraient distribuer le bien en nature à l'époux avant que ce bien ne soit vendu de façon à ce que l'époux puisse se prévaloir personnellement de l'exemption pour résidence principale relative à la résidence, ou vendre la maison et continuer de détenir le produit en fiducie afin de respecter les volontés de la testatrice, en ce qui concerne l'héritage du capital de la fiducie par ses enfants, malgré le fait que cette situation entraînera globalement des impôts plus élevés. Si la relation entre l'époux et les enfants est tendue, cette situation pourrait exacerber les conflits familiaux et augmenter le risque de litiges.
Conclusion
Il est toujours opportun d'examiner votre testament à intervalles réguliers, plus particulièrement si vous ne l'avez pas fait depuis plusieurs années. En raison des changements importants proposés au titre de l'impôt sur le revenu, il est plus que jamais important de le faire si votre planification successorale comporte une fiducie qui pourrait être touchée.
Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec un professionnel de l'équipe de planification successorale du cabinet Fasken Martineau DuMoulin.