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La Cour suprême du Canada annule le plan d’aménagement du territoire du Yukon pour la région du bassin hydrographique de la rivière Peel

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Bulletin droit Autochtones

Intro/Contexte

Dans un arrêt unanime, First Nation of Nacho Nyak Dun c Yukon, 2017 CSC 58, la Cour suprême du Canada a annulé le plan d’aménagement du territoire du gouvernement du Yukon pour la région du bassin hydrographique de la rivière Peel au motif que le Yukon n’avait pas respecté les obligations des traités modernes auxquelles il était assujetti. En annulant le plan, la Cour s’est exprimée sur le rôle limité des tribunaux dans les processus de consultation établis par les traités modernes.

Les faits à l’origine du litige

L’Accord‑cadre définitif (l’Accord) établit au Yukon un cadre prévoyant un processus de collaboration pour l’aménagement du territoire prévu en vertu des ententes modernes sur les revendications territoriales conclues entre le Yukon, le Canada et les Premières Nations appelantes ayant conclu des ententes définitives. Ce cadre assure notamment une participation significative des Premières Nations aux plans d’aménagement du territoire tant pour les « terres visées par le règlement » (terres détenues par une Première Nation) que pour les terres non visées par le règlement.

Le processus d’aménagement du territoire prévu par l’Accord prévoit la création d’une commission indépendante qui consulte de manière approfondie les intéressés, les experts et le public. À la suite de ces consultations, la commission recommande un plan d’aménagement du territoire. Le gouvernement du Yukon doit alors approuver ou rejeter le plan applicable aux terres non visées par un règlement ou y proposer des modifications, et les Premières Nations touchées ont des droits et des responsabilités semblables en ce qui a trait aux terres visées par un règlement. Les modifications proposées sont examinées par la commission, qui publie ensuite la version définitive du plan d’aménagement du territoire qu’elle recommande.

La présente affaire porte sur le processus d’aménagement du territoire de la région du bassin hydrographique de la rivière Peel au Yukon. Entre 2004 et 2014, le Yukon et les Premières Nations concernées ont pris part à ce processus en vue d’élaborer un plan d’aménagement du territoire pour la région du bassin hydrographique de la rivière Peel. Après avoir examiné le plan recommandé par la Commission d’aménagement du bassin hydrographique de la rivière Peel (la Commission) en 2010, le Yukon et les Premières Nations concernées ont présenté une réponse conjointe, ainsi que des réponses individuelles. La Commission a examiné les réponses et a élaboré la version définitive du plan recommandé en 2011. Le Yukon a mis du temps à répondre et a fini par proposer et adopter un nouveau régime de désignation pour l’utilisation du territoire. Les Premières Nations s’y sont opposées en faisant valoir que ce nouveau régime équivalait au rejet du processus d’aménagement du territoire énoncé dans l’Accord. Le Yukon a pour sa part affirmé que le Yukon et les Premières Nations avaient chacun le pouvoir ultime d’approuver, de rejeter ou de modifier la partie de la version définitive du plan recommandé qui s’appliquait aux terres qui relevaient de leur responsabilité. En 2014, le Yukon a approuvé son plan d’aménagement du territoire pour des terres non visées par le règlement dans la région du bassin hydrographique de la rivière Peel.

La décision

La Cour suprême du Canada a conclu que la décision du Yukon d’approuver un plan d’aménagement du territoire différent de celui proposé par la Commission (la version finale du plan recommandé) n’était pas valide. La Cour a conclu que le Yukon pouvait effectuer des changements ou des « modifications » à la version finale du plan recommandé dans types de situations. Premièrement, le Yukon pouvait apporter à la version définitive du plan recommandé des modifications qui sont conformes à celles qu’il avait proposées plus tôt dans le processus. Deuxièmement, le Yukon pouvait apporter des modifications qui tiennent compte des réalités nouvelles, telles que celles qui peuvent découler de la consultation. Le Yukon a admis que ses modifications ne correspondaient à aucune de ces deux situations et la Cour a, par conséquent, conclu que le Yukon n’avait pas le pouvoir de les adopter.

En ce qui concerne la réparation, la Cour suprême du Canada a conclu que le processus d’aménagement du territoire devait simplement suivre son cours comme si la décision du Yukon n’avait jamais été prise, remettant ainsi les parties dans la situation dans laquelle elles étaient à l’étape où le Yukon pouvait approuver, rejeter ou modifier la partie du plan qui s’applique aux terres non visées par un règlement après la consultation. La Cour a fait remarquer que le Yukon devait assumer les conséquences de sa façon d’agir selon le processus prévu par l’Accord, en déclarant ce qui suit :

… Le Yukon doit subir les conséquences de son omission d’agir de façon diligente pour faire valoir ses intérêts et exercer son droit de proposer au plan recommandé des modifications en matière d’accès et de mise en valeur. Il ne peut se servir de la présente instance pour se créer une nouvelle occasion d’exercer un droit qu’il a choisi de ne pas exercer au moment opportun. En conséquence, je suis d’accord avec le juge de première instance pour dire qu’[traduction] « il serait inapproprié de donner au gouvernement la possibilité de présenter maintenant à la Commission son plan de janvier 2014 » (par. 219). La réparation appropriée consistait donc à annuler la décision du Yukon d’approuver son plan et, en conséquence, à renvoyer les parties à l’étape du mécanisme d’approbation du plan d’aménagement prévu à l’art. 11.6.3.2. Il n’était pas loisible à la Cour d’appel de renvoyer les parties à une étape antérieure du processus. (par. 61).

La Cour a annulé le plan d’aménagement du territoire du Yukon et les parties doivent reprendre le processus comme si cette décision n’avait jamais été prise.

Les répercussions

Cet arrêt du plus haut tribunal du pays nous donne des indications sur le rôle des tribunaux en ce qui concerne les relations entre la Couronne et les Premières Nations, plus particulièrement dans le cadre de processus établis en vertu d’un traité moderne. Les traités modernes ont pour objectif précis de favoriser la réconciliation et, pour atteindre cet objectif, les parties doivent respecter les processus établis et collaborer entre elles sans intervention des tribunaux. La Cour suprême indique clairement qu’elle préfère la « retenue judiciaire » à la microgestion des consultations :

Le rôle des tribunaux ne consiste pas à déterminer si chacune des parties a joué adéquatement son rôle à chaque étape du processus établi par un traité moderne, mais plutôt à déterminer si la décision contestée était légale, et à l’annuler au besoin. Une gestion étroite par les tribunaux de la mise en œuvre des traités modernes peut nuire au véritable dialogue et à la relation à long terme que ces traités doivent favoriser. En faisant preuve de retenue, les tribunaux laissent les parties arriver à une entente sur un processus — en fait, elles vont se réconcilier — sans que les tribunaux interviennent dans le processus au‑delà de ce qui est nécessaire pour régler le différend en cause — … (par. 60)

Bien que ces propos s’appliquent de toute évidence aux traités modernes, ils peuvent aussi s’appliquer lorsque des consultations ont lieu dans le cadre des paramètres proposés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Haida.

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Auteurs

  • Kevin O'Callaghan, Associé, Vancouver, BC, +1 604 631 4839, kocallaghan@fasken.com
  • Bridget Gilbride, Associée, Vancouver, BC, +1 604 631 4891, bgilbride@fasken.com
  • Sarah Martin, Avocate, Vancouver, BC, +1 604 631 4713, samartin@fasken.com

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