Le 1er décembre 2017, le gouvernement fédéral a publié des modifications proposées au Règlement sur les médicaments brevetés qui représentent la première mise à jour d’importance de ce Règlement en plus de 20 ans. Ces modifications réglementaires proposées, qui sont accompagnées d’un Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (« REIR »), font suite à la publication du document de consultation intitulé Protéger les Canadiens des prix excessifs des médicaments, dont nous avons discuté dans un bulletin antérieur, et à la consultation des intervenants et des parties intéressées qui s’en est suivie.
Ces modifications réglementaires proposées visent à fournir au Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (« CEPMB ») des outils additionnels pour lui permettre de contrôler le prix des médicaments brevetés.
Comme nous l’expliquions dans un bulletin antérieur, le CEPMB a procédé à une réévaluation de son mandat en raison de la remise en question de son efficacité à titre d’organisme fédéral de réglementation des prix des médicaments au Canada. En effet, si le CEPMB a été à l’origine créé pour être le « pilier » de la protection des consommateurs afin de veiller à ce que les prix des médicaments brevetés vendus au Canada ne soient pas excessifs tout en encourageant l’investissement en R-D, l’efficacité avec laquelle il s’acquitte de son rôle réglementaire était de plus en plus critiquée en raison - selon le CEPMB - de la hausse continue des prix des médicaments brevetés, du déclin des dépenses en R-D dans le secteur pharmaceutique au Canada et des mesures provinciales visant à contenir les coûts des médicaments, notamment les ententes relatives à l’inscription d’un produit.
Dans ce contexte, le gouvernement fédéral a proposé les modifications réglementaires suivantes :
1. Modifications proposées
Les modifications proposées comportent cinq éléments.
i) Présenter de nouveaux facteurs de réglementation du prix
Présenter trois (3) nouveaux facteurs de réglementation du prix fondés sur des critères économiques destinés à permettre au CEPMB de garantir des prix non excessifs qui tiennent compte de la valeur des médicaments brevetés et de la volonté et de la capacité du Canada de payer ces derniers.
Ces trois (3) facteurs sont les suivants :
- la valeur pharmacoéconomique du médicament au Canada,
- la taille du marché pour la vente du médicament au Canada et dans d’autres pays, et
- le produit intérieur brut (« PIB ») au Canada et le PIB par habitant au Canada.
ii) Actualiser l’annexe des pays de comparaison
Actualiser l’annexe des pays de comparaison utilisée par le CEPMB pour comparer les prix internationaux (actuellement le « CEPMB 7 ») en vue d’y inclure des pays qui cadrent mieux avec les priorités en matière de protection des consommateurs, les ressources économiques et le marché du médicament du Canada.
Il est proposé d’inclure dans l’annexe l’Australie, la Belgique, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Japon, les Pays-Bas, la Norvège, la Corée du Sud, l’Espagne, la Suède et le Royaume-Uni (« CEPMB12 ») et d’en retirer la Suisse et les États-Unis.
Selon le REIR, si l’on inscrivait un plus grand nombre de pays à l’annexe, les tests de prix seraient moins sensibles à l’influence exercée par les pays où les prix sont élevés ou bas, et on atténuerait les conséquences lorsque la présentation de l’information sur les prix et les ventes est retardée ou qu’une telle information n’est pas disponible.
iii) Alléger les obligations en matière de rapports pour les médicaments en vente libre et les médicaments génériques
Réduire les obligations en matière de production de rapports dans le cas des médicaments brevetés à usage vétérinaire, des médicaments en vente libre brevetés et des médicaments génériques brevetés (c’est-à-dire ceux dont la vente est autorisée par le ministre de la Santé au moyen d’une Présentation abrégée de drogue nouvelle [PADN]), y compris notamment ceux qui pourraient contenir une substance contrôlée, ou qui appartiennent à la catégorie des produits radiopharmaceutiques et/ou des produits biologiques.
La justification de cet allègement des obligations en matière de rapports repose sur le fait que ces produits présentent un risque moindre de s’imposer sur le marché et de se vendre à des prix excessifs. Par conséquent, selon le CEPMB, cette réduction des obligations en matière de production de rapports permettrait au CEPMB de concentrer ses efforts sur les médicaments qui posent un risque plus élevé de se vendre à des prix excessifs. Il semble que le système fondé sur les plaintes de surveillance des médicaments génériques brevetés proposé dans le document de consultation ait été abandonné.
iv) Mettre à jour les exigences en matière de rapports pour les médicaments brevetés
Établir les dispositions en matière de production de renseignements pour permettre au CEPMB d’opérationnaliser les nouveaux facteurs de réglementation des prix.
Les titulaires de brevets seraient tenus de fournir de nouveaux renseignements au CEPMB à l’appui des nouveaux facteurs, c’est-à-dire la valeur pharmacoéconomique et la taille du marché. Toutefois, les titulaires de brevets n’auraient pas à présenter de données sur le PIB et le PIB par habitant, car Statistique Canada se chargerait de fournir cette information.
v) Produire des rapports sur tous les rabais et les remises (Ententes d'inscription de médicaments)
Exiger des titulaires de brevets qu’ils produisent des rapports sur les prix et les recettes nets de tout ajustement de prix, comme des remises ou des rabais directs ou indirects consentis à des tierces parties, y compris notamment les ententes relatives à l’inscription d’un produit. Cela garantirait que le CEPMB soit parfaitement informé des prix réels des médicaments brevetés au Canada et améliorerait la pertinence et l’incidence des comparaisons des prix à l’échelle nationale.
2. Consultation
Les modifications proposées au cadre de tarification des médicaments ont le potentiel d’avoir des conséquences importantes sur les activités des titulaires de brevets au Canada. Selon l’Énoncé des coûts et avantages : Le manque à gagner pour l’industrie est évalué à 8,6 milliards de dollars (valeur actualisée) sur 10 ans.
Même si le REIR indique que l’on ne prévoit pas que ces modifications généreront des incidences négatives sur l’emploi dans l’industrie ni sur les investissements au Canada, il reconnaît que lorsque le cadre réglementaire actuel a été pensé il y a 30 ans, les décideurs politiques étaient d’avis que la protection conférée par les brevets et le prix des médicaments étaient des facteurs clés de l’investissement en R-D dans l’industrie pharmaceutique.
Compte tenu de la large portée des conséquences que pourraient avoir les modifications proposées, les sociétés pharmaceutiques innovantes pourraient être extrêmement intéressées à prendre part à la consultation organisée par le gouvernement au sujet de ces modifications proposées au régime d’établissement des prix des médicaments au Canada. L’équipe Sciences de la vie de Fasken, qui possède une vaste expérience dans ce domaine, peut conseiller les intervenants souhaitant participer au processus de consultation.
L’entrée en vigueur du Règlement proposé est prévue pour le 1er janvier 2019.
Les parties intéressées ont jusqu’au 14 février 2018 pour transmettre leurs commentaires.