Le projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence (« PL C-68 »), a été déposé en première lecture par le gouvernement fédéral le 6 février 2018. Ce projet de loi vise à fournir un encadrement pour la bonne gestion et le contrôle des pêches au Canada ainsi que pour la conservation et la protection du poisson et de son habitat, y compris la prévention de la pollution.
Le gouvernement fédéral a décrit l’objectif du PL C-68 comme étant la restauration des protections perdues pour le poisson et son habitat, ainsi que l’intégration de nouvelles mesures de protection dans la Loi sur les pêches. En plus de certains changements en matière de surveillance par le gouvernement fédéral des pêches commerciales, les modifications proposées rétabliront, et, dans certains cas, élargiront, un certain nombre de mesures de protection environnementales qui existaient en vertu de la Loi sur les pêches avant juin 2012. Les modifications proposées incluent une transparence accrue grâce à un registre en ligne, de même qu’un plus grand pouvoir de sanction et de surveillance.
Le présent bulletin donne un aperçu des principales modifications à la Loi sur les pêches proposées dans le PL C-68, en mettant l’accent sur les modifications proposées portant sur la protection de l’environnement et la prévention de la pollution.
Mesures de protection du poisson et de son habitat
Le PL 68 propose des modifications visant à réglementer les atteintes potentielles au poisson et à son habitat en introduisant diverses interdictions. Nul ne peut, en l’absence d’autorisation :
- exploiter un ouvrage ou une entreprise ou exercer une activité, autre que la pêche, pouvant entraîner la mort du poisson (art. 34.4(1));
- exploiter un ouvrage ou une entreprise ou exercer une activité entraînant la détérioration, la destruction ou la perturbation de l’habitat du poisson (art. 35(1)).
Le PL C-68 propose également des modifications qui moderniseront le processus d’autorisation en vertu de la Loi sur les pêches afin d’encadrer l’émission d’autorisation pour les ouvrages, les entreprises et les activités susceptibles d’entraîner la mort du poisson ou la détérioration, la perturbation ou la destruction de l’habitat du poisson, ou encore l’introduction d’une substance nuisible dans les eaux fréquentées par les poissons.
La définition de l’habitat du poisson est également modifiée et élargie afin d’y inclure toutes les eaux fréquentées par les poissons au Canada. Cette modification entraînera l’inclusion dans cette définition d’un plus grand nombre de plans d’eau au Canada et, par conséquent, augmentera le nombre de plans d’eau pouvant faire l’objet d’une surveillance fédérale.
Autorisations de projets désignés
En plus des nouveaux pouvoirs permettant la désignation de zones d’importance écologique, le PL C-68 introduit un nouvel instrument de réglementation visant les projets qui pourraient avoir une incidence sur le poisson et son habitat. Certains éléments clés comprennent :
- L’introduction d’une nouvelle catégorie de « projets désignés » (ou de catégories de projets). Cela semble s’écarter considérablement des exigences actuelles, selon lesquelles des autorisations doivent être obtenues seulement dans le cas de dommages spécifiques au poisson et à son habitat.
- Nul ne peut exploiter un ouvrage, une entreprise ou exercer une activité faisant partie d’un projet désigné sans un permis fédéral.
- La capacité d’établir des normes et des codes de conduite pour éviter la mort du poisson et la détérioration, la perturbation et la destruction de son habitat, la conservation et la protection du poisson ou de son habitat et la prévention de la pollution. Ces codes de conduite seront applicables à toutes les phases d’un projet.
- Mise en place d’un nouveau système permettant aux promoteurs de projets de créer des réserves d’habitats de poisson en échange de crédits d’habitat certifiés que le promoteur peut utiliser pour compenser les effets néfastes d’un projet sur le poisson et son habitat.
Les règlements qui établiront les types de « projets désignés » n’ont pas encore été publiés. Il reste à voir la portée que le gouvernement fédéral entend donner à ces nouveaux pouvoirs et quels types de projets il entend réglementer en vertu de la Loi sur les pêches.
Facteurs dont le ministre doit tenir compte lorsqu’il prend une décision
Le PL C-68 propose une série de facteurs que le ministre doit prendre en considération lorsqu’il adopte des règlements ou émet des ordonnances en vertu des dispositions de la Loi sur les pêches, ou lorsqu’il prend des décisions en lien avec les autorisations et permis, y compris en ce qui concerne des projets désignés.
Les facteurs suivants doivent notamment être considérés :
- l’importance du poisson visé pour la productivité des pêches susceptibles d’être touchées par la décision;
- l’existence ou non de mesures et de normes visant à éviter, à réduire ou à contrebalancer la mort des poissons ou la détérioration, la perturbation et la destruction de l’habitat du poisson;
- les effets cumulatifs d’entreprendre les ouvrages proposés, en combinaison avec d’autres ouvrages, sur le poisson et son habitat.
Le ministre a également le pouvoir d’examiner, entre autres choses, l’application d’une approche prudente et fondée sur l’écosystème et la durabilité des pêches pertinentes.
Peuples autochtones
Les modifications proposées contiennent un certain nombre de dispositions relatives aux droits des peuples autochtones et à l’utilisation des connaissances traditionnelles autochtones, notamment :
- Une référence aux droits reconnus et confirmés des autochtones en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982;
- L’obligation de tenir compte de tout effet négatif sur les droits prévus à l’article 35 lors de la prise d’une décision en vertu de la Loi sur les pêches;
- L’autorité du ministre de conclure des ententes avec les corps dirigeants autochtones en matière de pêche et de gestion des pêches (autrefois réservée aux provinces et aux territoires);
- L’obligation de tenir compte des connaissances traditionnelles des peuples autochtones et de la coopération avec les corps dirigeants autochtones lors de la prise de décisions en vertu de la Loi sur les pêches, y compris des recommandations relatives à la réglementation et aux décisions en matière d’autorisations et de permis;
- Maintien de la confidentialité des connaissances traditionnelles des peuples autochtones communiquées à titre confidentiel en vertu de la Loi sur les pêches, sous réserve de quelques exceptions restreintes.
Sanctions
Les modifications proposées conféreraient des pouvoirs de sanction accrus en vertu de la Loi sur les pêches.
De plus, le PL C-68 propose une solution de rechange aux poursuites traditionnelles en cas de non-conformité. Le gouvernement fédéral peut offrir à certaines personnes accusées d’infractions à la Loi sur les pêches la possibilité de conclure des « Accords sur les mesures de rechange » plutôt que de poursuivre ces personnes.
Registre public
En vertu de la Loi sur les pêches amendée, un registre public serait créé, dans lequel se retrouveront, entre autres, les renseignements suivants :
- Les accords conclus avec les provinces, les territoires et les corps dirigeants autochtones;
- Les permis délivrés à l’égard d’un projet désigné;
- Les autorisations délivrées en vertu des dispositions portant sur la protection du poisson et de son habitat.
Le nouveau registre contiendrait seulement des renseignements pouvant faire l’objet de divulgation en vertu de la loi fédérale sur l’accès à l’information.
Conclusion
Les modifications proposées au régime canadien de protection du poisson et de son habitat contre les potentiels dommages environnementaux n’ont pas encore été adoptées par le Parlement.
Jusqu’à l’entrée en vigueur des nouvelles règles, la Loi sur les pêches, telle que présentement en vigueur, continue de s’appliquer.