L’entreprise canadienne de technologie Equustek a été victime de piratage massif de son produit phare par un ancien distributeur qui a volé ses secrets commerciaux, copié sa technologie et fait passer ses produits pour ceux d’Equustek. Le pirate a vendu les produits contrefaits exclusivement en ligne. Des ordonnances successives visant à fermer les sites Web illicites ont été ignorées : le pirate faisait simplement surface à nouveau sur un site Web différent.
Enfin, Equustek a convaincu les tribunaux de la Colombie-Britannique, puis la Cour suprême du Canada, d’ordonner à Google, ce géant des moteurs de recherche, de désindexer tous les sites Web liés aux défendeurs. Google était disposé à désindexer des pages Web précises et potentiellement tous les domaines .ca, mais a contesté la portée internationale des ordonnances, laquelle englobait tous les sites Web exploités par les défendeurs.
Dans un important jugement rendu en 2017, la Cour suprême du Canada a ignoré les objections de Google quant à la vaste portée des ordonnances des tribunaux canadiens, ainsi que les préoccupations des nombreux intervenants dans cette affaire qui ont fait valoir que les ordonnances internationales de fermeture de sites avaient d’importantes répercussions sur la liberté d’expression, indiquant que : « Internet n’a pas de frontières — son habitat naturel est mondial.»
Une dissidence de deux des neuf juges de la Cour suprême du Canada faisait valoir de façon bien sentie que l’ordonnance demandée par le demandeur était trop vaste et qu’en définitive, elle ne serait pas efficace; il s’est avéré qu’ils ont eu raison...
La décision de la Cour suprême a fait les manchettes partout dans le monde. Les activistes qui luttent contre le piratage ont fait l’éloge de la décision, la qualifiant de mesure adéquate et nécessaire pour combattre le piratage en ligne. La célébration de leur victoire a toutefois été de courte durée.
En quelques semaines seulement, Google a demandé à son tribunal local, la cour du district nord de la Californie, d’obtenir le prononcé d’une injonction provisoire contre l’ordonnance du tribunal canadien, au motif que les tribunaux canadiens n’ont pas tenu compte de l’article 230 de la US Communication Decency Act de 1996. Equustek ne s’est pas opposée à la demande et, comme on pouvait s’y attendre, la cour de la Californie était d’accord avec Google : elle a déclaré que l’ordonnance des tribunaux canadiens ne peut pas être appliquée aux États-Unis, et elle a prononcé une injonction provisoire interdisant l’application de cette ordonnance contre Google. Google tente maintenant de faire modifier l’ordonnance canadienne rendue contre elle, invoquant le jugement de la Californie.
Cette affaire illustre bien les difficultés qu’ont les tribunaux d’État et nationaux à tenter de maîtriser le problème du piratage en ligne. Pour le moment, les demandeurs tenaces devront aller au-delà des frontières pour demander réparation. Mais qui sait? Les demandeurs de demain et leurs avocats pourraient toujours avoir d’autres tours dans leur sac.