Voici une situation réelle vécue par un important franchiseur.
La convention-type de franchise de ce franchiseur stipulait que ses franchisés devaient l'aviser, au moins six mois avant la fin de la durée initiale de leur convention de franchise, de leur intention de renouveler leur contrat.
Après quelques discussions sur les conditions de renouvellement, l'un des plus importants franchisés de ce franchiseur l'avisa, dans les délais prescrits, de sa décision de ne pas renouveler sa convention de franchise. Il l'avisa également de son désir de vendre, après la fin de son contrat, son entreprise à un acheteur lié à un réseau concurrent.
Six mois, c'est bien beau sur papier, mais c'est aussi un délai très (en fait beaucoup trop) court pour trouver un nouvel emplacement, recruter un nouveau franchisé, construire et aménager un nouvel établissement afin de ne pas laisser un marché vacant ou, pis encore, ouvert à la concurrence!
J'ai aussi été témoin d'autres situations dans lesquelles, après avoir transmis leur avis de renouvellement, des franchisés ont changé d'idée ou ne se sont pas conformés aux conditions de renouvellement convenues (notamment au chapitre de la signature d'une nouvelle convention à jour ou de la rénovation de leur établissement franchisé) et ce, quelques semaines seulement avant la fin de la durée initiale de leur contrat.
Afin d'éviter de telles surprises fort désagréables, les délais, les modalités et les étapes stipulés aux fins de l'exercice, par un franchisé, d'une option de renouvellement de sa convention de franchise doivent tenir compte d'un certain nombre d'éléments importants. Parmi ceux-ci, notons le secteur d'activités dans lequel œuvre un réseau de franchises, la taille des établissements franchisés ainsi que le délai raisonnablement nécessaire au franchiseur pour remplacer un franchisé dont la convention ne serait pas renouvelée.
Ces délais, étapes et modalités devraient aussi être réalistes et laisser aux parties (autant au franchiseur qu'au franchisé) le temps nécessaire pour pouvoir bien les franchir sans pression indue et, au besoin, pour pouvoir poser, en temps opportun, les gestes appropriés au cas de non-renouvellement ou de non-respect des conditions de renouvellement.
Ainsi, pour plusieurs réseaux, l'échéance appropriée pour la remise d'un avis de renouvellement pourrait bien être de douze, voire dix-huit, mois avant la date de fin de la durée initiale du contrat. Pour ce qui est du délai approprié pour que soient remplies les principales conditions de renouvellement (telle la signature de nouveaux contrats à jour et, souvent, d'une entente aux fins de la rénovation de l'établissement du franchisé afin de le ramener aux normes alors utilisées pour les nouveaux établissements franchisés), une fenêtre de six à neuf mois avant la date de début de la période de renouvellement serait aussi souvent souhaitable.
Quatre conseils pratiques
Un renouvellement automatique est rarement la meilleure option
Afin de limiter le travail administratif requis dans le cadre d'un renouvellement et de prévenir le risque que le franchisé oublie de transmettre son avis de renouvellement, il peut être tentant de stipuler tout simplement que le renouvellement sera automatique sauf en cas de préavis à l'effet contraire.
En matière de franchisage, ceci est rarement la meilleure option.
En effet, le renouvellement d'une convention de franchise devrait être assujetti à certaines conditions (dont celle que le franchisé ne soit pas en défaut) et le processus de renouvellement lui-même devrait prévoir certaines étapes (dont la signature d'une nouvelle convention à jour, la mise à jour de l'établissement franchisé et, souvent aussi, la signature d'une quittance).
Nous nous souviendrons d'ailleurs que, par un long jugement rendu le 28 juillet 2017 dans l'affaire Uniprix inc. c. Gestion Gosselin et Bérubé inc., la Cour suprême du Canada a déclaré valide une clause de renouvellement automatique ne comportant aucune limite quant au nombre de renouvellements consentis en faveur du franchisé. Cela a eu pour effet d'empêcher le franchiseur d'imposer des conditions à tout renouvellement ou de mettre fin à cette convention de franchise, et ce, tant et aussi longtemps que le franchisé continuera de respecter ses obligations et souhaitera la renouveler à chaque cinq ans.
Ce jugement devrait inciter à la plus grande prudence tout franchiseur souhaitant utiliser une clause de renouvellement automatique, de même que tout franchiseur souhaitant stipuler dans son contrat un nombre indéterminé, ou illimité, de renouvellements.
Ainsi, si l'option d'un renouvellement automatique est retenue, sa rédaction devrait donc quand même assurer le respect des conditions importantes pouvant être requises par le franchiseur aux fins d'un renouvellement, ce qui rend sa rédaction sensiblement plus complexe.
Les conditions, les étapes et la procédure de renouvellement doivent être très claires, faciles à comprendre et spécifiques
Si le contrat est jugé comme étant un « contrat d'adhésion », ainsi qu'en cas de doute sur l'interprétation du contrat, celui-ci sera interprété en faveur de celui qui a contracté l'obligation (le franchisé) et contre celui qui l'a stipulé (le franchiseur ou le groupement).
La clarté dans la rédaction des clauses de renouvellement, ainsi que des critères, des étapes et de la procédure à suivre pour procéder à un renouvellement, est donc d'une grande importance afin d'éviter des difficultés sérieuses.
Comme mentionné ci-haut, il faut aussi vous assurer que la procédure de renouvellement soit réaliste et qu'elle accorde à chaque partie le temps nécessaire pour bien franchir, dans les délais stipulés au contrat, chacune des étapes exigées aux fins du renouvellement. De plus, il faut s'accorder, et accorder au franchisé, un laps de temps suffisant pour pouvoir poser les gestes qui s'imposent autant en cas de non-renouvellement qu'en cas de non-respect des conditions de renouvellement.
Il est souhaitable que le contrat stipule aussi clairement les conséquences du défaut de respecter les conditions de renouvellement.
Plusieurs conventions de franchise stipulent ce qui se produit dans le cas où le franchisé n'exerce pas son option de renouvellement. Elles sont toutefois par la suite étrangement silencieuses sur ce qui doit arriver dans le cas où, après avoir exercé son option de renouvellement, le franchisé change d'idée ou, encore, ne se conforme pas aux conditions de renouvellement, par exemple en refusant de signer un nouveau contrat à jour ou de rénover son établissement.
Or, de telles situations se produisent régulièrement (selon mon expérience, plus souvent que les cas de non-exercice d'une option de renouvellement).
Il serait donc approprié de vous assurer que votre contrat décrive bien les conséquences applicables dans une telle situation afin que vous ne vous retrouviez pas alors, comme cela se produit malheureusement trop souvent, sans réponse ni recours utile.
Le franchiseur doit s'assurer de bien respecter les conditions de renouvellement stipulées à son contrat
Lorsqu'arrive le moment de renouveler la convention de franchise d'un franchisé, le franchiseur doit s'assurer de lui-même bien connaître et respecter les conditions de renouvellement stipulées à son contrat.
À titre d'exemple, nous avons récemment été appelés à intervenir dans une situation où la convention de franchise exigeait la signature d'un nouveau contrat à jour comme condition essentielle à son renouvellement. Après avoir transmis ce nouveau contrat à être signé par son franchisé, le franchiseur n'a pas fait le suivi nécessaire pour s'assurer de la signature de ce nouveau contrat.
Quelques mois plus tard, ce franchiseur s'est retrouvé dans une situation fort délicate lorsque le franchisé l'a avisé de sa décision de mettre fin à sa relation de franchise puisque son contrat n'avait pas été renouvelé conformément aux clauses pourtant stipulées par le franchiseur.
Ceci n'est qu'un exemple parmi plusieurs autres de l'importance pour tout franchiseur de bien s'assurer que les conditions de renouvellement stipulées à son contrat de franchise soient bien respectées, de part et d'autre, à l'occasion de tout renouvellement.
Évidemment, le franchiseur et le franchisé peuvent toujours convenir à ce moment de modifier ces conditions de renouvellement ou, encore, de renoncer à certaines d'entre elles. Dans de tels cas, ceci doit cependant faire l'objet d'une entente claire dûment signée par toutes les parties.
Fasken possède toute l'expertise et toutes les ressources nécessaires pour vous aider à rédiger des ententes qui protègent bien vos droits, et pour vous assurer que celles-ci soient et demeurent vraiment adaptées à vos besoins.