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La Cour d’appel de la Colombie-Britannique refuse à un groupe autochtone l’intérêt pour agir dans le cadre de la revendication du titre aborigène et des droits ancestraux reposant sur ses liens avec une tribu historique

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Bulletin Droit Autochtone

Le 10 juillet 2018, dans l’affaire Hwlitsum First Nation v. Canada (Attorney General), 2018 BCCA 276 (uniquement disponible en anglais), la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (la « Cour ») a débouté un appel logé par la Première Nation Hwlitsum (la « PNH ») visant à faire valoir une demande d’autorisation d’un recours collectif dans laquelle elle demandait une déclaration de titre aborigène et droits ancestraux. Les revendications de la PNH étaient fondées sur la prétention que la PNH est le prolongement moderne de la tribu Lamalcha historique datant d’avant la colonisation par les Européens (les « Lamalcha »). La Cour a entériné la décision du juge de première instance selon laquelle la PNH n’avait pas l’intérêt pour agir dans le cadre de la revendication du titre aborigène et des droits ancestraux parce que le groupe que la PNH prétendait représenter ne pouvait être déterminé selon des critères explicites et objectifs.

Contexte

La PNH a déposé une demande d’autorisation d’un recours collectif dans laquelle elle demandait une déclaration de titre aborigène et droits ancestraux portant sur la vallée du Bas-Fraser, le sud de l’île de Vancouver, les îles Gulf et les terres et eaux se trouvant dans ces zones. La PNH alléguait que ses membres étaient les descendants modernes des Lamalcha, et, par conséquent, les héritiers de tout titre aborigène et tous droits ancestraux des Lamalcha. La PNH réclamait également des dommages-intérêts d’un milliard de dollars, tant du Canada que de la province de la Colombie-Britannique.

Les trois Premières Nations dont les territoires traditionnels étaient touchés par les allégations de la PNH, soit la Première Nation Tsawwassen, la tribu Penelakut et la bande indienne Musqueam, ont demandé le statut de défenderesses. En particulier, la tribu Penelakut contestait la prétention de la PNH selon laquelle ses membres étaient les héritiers des droits ancestraux des Lamalcha; la tribu Penelakut prétendait elle-même que ses origines remontaient aux Lamalcha et avait intenté un recours en 2003 dans lequel elle revendiquait le titre aborigène et les droits ancestraux visant les terres appartenant aux Lamalcha avant le premier contact avec les Européens.

Le Canada, en sa qualité de défenderesse, avec l’appui des autres défenderesses, a déposé une requête visant à faire radier les revendications de la PNH au motif que la PNH n’avait pas l’intérêt pour agir à titre de représentante du groupe, puisque le groupe qu’elle prétendait représenter ne pouvait être déterminé selon des critères explicites et objectifs.

Le juge de première instance a appliqué les critères de l’arrêt Western Canadian Shopping Centres Inc. c. Dutton, 2001 CSC 46 (« Western Canadian Shopping Centres ») afin de déterminer si la PNH était un groupe adéquat pour présenter une demande de recours collectif[1]. Le juge de première instance a débouté les allégations de la PNH à titre de représentante du groupe faute de remplir le premier critère de l’arrêt Western Canadian Shopping Centres, soit que le groupe que le représentant prétend représenter puisse être clairement défini. Le juge a conclu que la PNH avait adopté des positions incompatibles : elle alléguait représenter tous les descendants des Lamalcha, tout en faisant valoir qu’elle ne représentait que les descendants des Lamalcha issus de Si’nuscutun, un membre individuel des Lamalcha (et, plus étroitement encore, seuls les descendants de Si’nuscutun qui n’étaient pas également membres d’autres bandes actuelles).

Décision de la Cour d’appel

La PNH a porté la décision en appel et a fait valoir un certain nombre de questions que la Cour a regroupées en deux motifs principaux : 1) le juge de première instance a commis une erreur en suivant le mauvais critère juridique afin de trancher la question de l’intérêt de la PNH pour agir pour le compte des descendants des Lamalcha, et 2) le juge de première instance a commis une erreur dans son application du critère juridique.

Critère juridique permettant de trancher la question de l’intérêt pour agir

La PNH a prétendu que le juge de première instance a appliqué le mauvais critère juridique parce qu’il n’avait pas tenu compte de la démarche « fonctionnelle », « téléologique », « souple et généreuse » préconisée dans les arrêts Guerin et Delgamuukw dans le cadre de l’examen de la question de l’intérêt pour agir. La Cour a statué que le juge de première instance avait correctement appliqué le critère de l’arrêt Western Canadian Shopping Centres, étant donné la démarche privilégiée dans les arrêts Guerin et Delgamuukw ne s’appliquait qu’au règlement sur le fond de revendications de titre aborigène et droits ancestraux et non à la question préliminaire à savoir qui a la qualité juridique pour les faire valoir.

La PNH a également prétendu que le juge de première instance avait appliqué le mauvais critère juridique, puisqu’il n’avait pas tenu les faits allégués pour avérés, soit sans examiner s’il y avait des éléments de preuve permettant d’étayer les faits allégués. Toutefois, la Cour a statué que la jurisprudence portant sur la question de l’intérêt pour agir n’empêchait pas le recours à des éléments de preuve et que la PNH n’avait pas produit d’éléments de preuve au cours des nombreuses instances interlocutoires qui se sont déroulées sur une période de deux ans.

Application du critère juridique afin de trancher la question de l’intérêt pour agir

La PNH a également plaidé que le juge de première instance s’était trompé dans son application du critère juridique puisqu’il avait conclu que la définition du regroupement collectif proposée par la PNH ne respectait pas le premier critère de l’arrêt Western Canadian Shopping Centres, c’est-à-dire que le juge de première instance avait statué erronément que le regroupement collectif des titulaires de droits pour le compte duquel la PNH prétendait agir n’était pas susceptible d’être clairement défini. Cependant, la Cour a conclu que la PNH avait présenté des définitions incompatibles du groupe qu’elle se proposait de représenter. Étant donné que c’est la collectivité traditionnelle, et non l’un de ses membres, qui est titulaire des droits ancestraux, la PNH ne pouvait revendiquer le titre aborigène ou des droits ancestraux pour le compte des Lamalcha, se définissant uniquement en tant qu’une branche des descendants des Lamalcha (soit ceux qui sont les descendants de Si’nuscutun et qui ne sont pas membres d’une autre bande autochtone actuelle).

Conclusion

La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé que le critère de l’arrêt Western Canadian Shopping Centres s’applique dans le cadre de revendications à titre de représentant mises de l’avant par des regroupements autochtones. Un facteur clé dans cette affaire semble avoir été que les autres Premières Nations qui prétendaient également représenter des membres du même regroupement de titulaires des droits revendiqués s’opposaient à la position avancée par la PNH. Dans le cadre de l’évaluation de revendications du titre aborigène ou de droits ancestraux, ce ne sont pas que les chevauchements qui existent entre les Premières Nations qui revêtent une importance dans le cadre de l’analyse, mais aussi les revendications adverses présentées en vue de représenter une Première Nation.



[1] Western Canadian Shopping Centres au par. 48

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Auteure

  • Bridget Gilbride, Associée, Vancouver, BC, +1 604 631 4891, bgilbride@fasken.com

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