Tout franchisé signe avec son franchiseur un contrat écrit qui décrit en long et en large leurs droits (mais, avouons-le, surtout les droits du franchiseur) et leurs obligations (surtout celles du franchisé).
Cependant, ce contrat comporte, de par la nature même de la relation entre un franchiseur et un franchisé, un volet qui a une beaucoup plus grande influence que le texte même du contrat sur leurs comportements, leurs décisions et leurs réactions, ainsi que sur leurs droits et obligations respectifs, volet que les spécialistes du comportement et, selon le jugement rendu le 15 avril 2015 par la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Dunkin' Donuts, les tribunaux désignent sous le vocable de « contrat relationnel ».
Ce « contrat relationnel » est constitué des normes nécessaires au maintien d'une collaboration étroite que les parties souhaitent maintenir à long terme.
Paradoxalement, la force de ce contrat relationnel ne provient pas du fait de l'avoir écrit (puisqu'il ne l'est à peu près jamais), ni même de l'avoir discuté (puisqu'il ne l'est que très rarement), mais plutôt de la nature même de la relation franchiseur-franchisé, laquelle implique une interaction et une collaboration étroites et quotidiennes entre des personnes et des entreprises qui ont à la fois des intérêts communs et des intérêts divergents.
La réussite d'une telle relation à long terme, qui doit aussi évoluer constamment, ne peut découler du seul texte statique du contrat initialement signé. Elle doit nécessairement aussi comprendre un engagement réciproque de collaboration dans laquelle chaque partie doit assumer son rôle de manière à ce que les considérations motivant l'entente franchiseur-franchisé ne soient pas rendues caduques ou inopérantes pour l'une ou l'autre des parties. Cet engagement implique aussi le maintien d'un très haut niveau de bonne foi et de loyauté réciproque tout au long de cette relation.
Certes, le franchiseur et chaque franchisé recherchent le succès et la profitabilité pour sa propre entreprise (ce qui implique parfois des négociations pas toujours faciles sur le partage des revenus générés par le réseau), mais, et surtout à long terme, l'un ne pourra réussir, ni maximiser sa profitabilité, si l'autre ne réussit pas aussi ou n'est pas profitable.
Il y a là une obligation réciproque de maintenir un équilibre précaire entre l'objectif (tout à fait compréhensible) de chaque partie d'accroître ses propres profits et le besoin, ainsi que son engagement, de contribuer au maintien continu d'une collaboration dans laquelle chaque partie doit trouver son compte.
Le véritable contrat entre un franchiseur et ses franchisés
Plusieurs recherches menées auprès de nombreux réseaux de franchises (notamment par M. Greg Nathan, psychologue et consultant de réputation mondiale en franchisage, du Franchise Relationship Institute, d'Australie) en sont venues à la conclusion que la qualité de la collaboration entre un franchiseur et ses franchisés repose beaucoup plus sur le respect du contrat relationnel et de facteurs commerciaux que sur le respect du contrat légal.
En pratique, selon ces études, il est possible de prédire, avec un bon degré d'exactitude, la probabilité qu'un franchisé accepte volontairement de respecter les règles, politiques et directives de son franchiseur, ainsi que de participer à ses initiatives et programmes, par ses réponses aux deux questions suivantes :
- Dans leurs décisions et dans leurs gestes, les dirigeants de mon franchiseur placent-ils vraiment en priorité la réussite de l'ensemble du réseau (lequel est composé à la fois des franchisés et du franchiseur) dans son ensemble sur les intérêts particuliers du franchiseur seulement?
- Les dirigeants de mon franchiseur savent-ils vraiment que faire et où mener le réseau? (ou, dans d'autres mots, « Sont-ils compétents ?»).
La confiance, l'intérêt à la réussite des franchisés et la compétence des dirigeants du franchiseur, selon la perception qu'en ont ses franchisés, sont les facteurs déterminants d'une saine relation franchiseur-franchisés.
À l'inverse, lorsque les franchisés croient que leur franchiseur leur cache de l'information importante, qu'il prend de mauvaises décisions, qu'il ne fait pas preuve de leadership et de compétence dans sa gestion du réseau ou qu'il place son propre intérêt avant celui de l'ensemble du réseau, ils interpréteront ces agissements comme autant de violations du contrat relationnel franchiseur-franchisés.
Il y a alors un fort risque que ces franchisés décident de réagir face à de telles « injustices » (selon leur perception de la situation).
Les questions d'ordre légal ou commercial ne jouent alors qu'un rôle très secondaire par rapport au sentiment d'injustice résultant de ces violations perçues du contrat relationnel.
Quatre conseils pratiques
Sur la base des conclusions des recherches sur le contrat relationnel franchiseur-franchisés, voici quatre moyens permettant à un franchiseur d'accroître et d'améliorer la qualité de ses relations avec ses franchisés :
- Discuter dès le départ (avant même que la convention de franchise n'ait été signée), et le plus franchement, ouvertement et clairement possible, avec chaque nouveau franchisé (ainsi que, de façon continue, avec l'ensemble de ses franchisés) des rôles et engagements respectifs de chacun du franchiseur et du franchisé, de ce que chacun peut attendre de l'autre, ainsi que du fonctionnement du réseau de franchises;
- Faire preuve de transparence quant à la façon dont le franchiseur prend ses décisions et quant aux motifs des décisions prises par le franchiseur, et, dans toute la mesure du possible, partager avec les franchisés les données sur les résultats des stratégies mises de l'avant par le franchiseur et impliquer les franchisés dans les décisions, stratégies, projets et initiatives qui les touchent directement;
- Démontrer régulièrement aux franchisés que le franchiseur et ses dirigeants placent en premier lieu le succès de l'ensemble du réseau de franchises (lequel comprend les franchisés tout autant que le franchiseur) et qu'ils se préoccupent, tout autant que de la profitabilité du franchiseur, de celle des franchisés, et leur expliquer comment les décisions et initiatives mises de l'avant par le franchiseur peuvent avoir un impact positif sur leur profitabilité à court, moyen et long termes;
- Expérimenter adéquatement les nouveaux projets, programmes et initiatives avant de les lancer dans tout le réseau, et consulter les franchisés sur ceux pouvant avoir un impact important sur leurs entreprises ou sur eux.
En résumé, un franchiseur ne devrait jamais sous-estimer la puissance de l'énergie négative que peut susciter sur un franchisé le sentiment que son franchiseur (en qui il a placé sa confiance) a violé le contrat relationnel entre eux.
En terminant, notons que ces constats rejoignent très bien les concepts élaborés dans le livre « Getting to We : Negotiating Agreements for Highly Collaborative Relationships » (Jeanette Nyden, Kate Vitasek and David Frydlinger, Plagrave MacMillan, Août 2013) que je vous incite fortement à lire, ainsi que les principes que j'énonce dans mon tout dernier livre « Le partenariat stratégique : L'ingrédient clé du succès en franchisage » (Éditions Yvon Blais, Octobre 2018).
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