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Il est important de bien déterminer dès le départ si votre contrat en est un de « franchise »

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Bulletin Franchisage

Six provinces canadiennes, soit l'Île-du-Prince Édouard, le Nouveau-Brunswick, l'Ontario, le Manitoba, l'Alberta et la Colombie-Britannique, possèdent une loi et un règlement régissant les activités des franchiseurs.

Un volet fondamental de ces lois consiste dans l'obligation faite à tout franchiseur de remettre à chaque candidat franchisé, au moins quatorze jours avant la signature de quelque contrat relatif à une franchise, un document de divulgation (appelé « Franchise Disclosure Document ») comportant toute une série de renseignements obligatoires prescrits par le règlement sur les franchises de chacune de ces provinces.

Ces lois et ces règlements prévoient également le droit pour tout franchisé de résoudre (« rescind »), sur simple avis écrit au franchiseur et sans avoir à justifier quelque motif pour ce faire, sa convention de franchise dans les deux ans de sa signature si le franchiseur a fait défaut de lui transmettre ce document de divulgation.

Dans les soixante jours d'un tel avis de résolution, le franchiseur est tenu :

  1. de rembourser au franchisé toute somme reçue de lui ou pour son compte, autre qu'une somme versée à l'égard des stocks, des fournitures ou du matériel;
  2. d'acheter du franchisé les stocks qu'il a achetés conformément au contrat de franchisage et qui ne sont pas écoulés à la date de prise d'effet de la résolution, au prix d'achat qu'il a payé;
  3. d'acheter du franchisé les fournitures et le matériel qu'il a achetés conformément au contrat de franchisage, au prix d'achat qu'il a payé; et
  4. d'indemniser le franchisé des pertes qu'il a subies dans le cadre de l'acquisition, de l'établissement et de l'exploitation de la franchise, déduction faite des sommes visées aux alinéas (a) à (c).

Compte tenu de ces règles et de ces conséquences importantes de tout défaut de s'y conformer, il est très important pour toute entreprise qui conclut, pour l'une de ces provinces, quelque convention de la nature d'une entente de distribution, de concession, d'affiliation, de licence ou de groupement, de bien vérifier si le contrat projeté constitue, ou non, une « franchise » au sens de ces lois. Dans l'affirmative, il est impératif de respecter les lois et les règlements qui y régissent le franchisage.

L'exercice de bien déterminer, au moment même de sa rédaction initiale, si un contrat en est un de franchise est d'autant plus important que ces lois et règlements définissent de manière très large ce qui constitue une « franchise », faisant en sorte que plusieurs contrats que l'on ne qualifie habituellement pas de la sorte peuvent très bien en être un au sens de ces lois.

Ainsi, l'article 1 de la loi ontarienne (« Loi Arthur Wishart de 2000 sur la divulgation relative aux franchises », L.O. 2000, chap. 3) définit comme suit ce qui constitue une franchise dans cette province :

« « franchise » Droit de se livrer à une activité commerciale à l'égard de laquelle le franchisé est tenu, par contrat ou autrement, de verser ou de s'engager à verser, directement ou indirectement, un paiement ou des paiements périodiques au franchiseur ou à la personne qui a un lien avec lui, dans le cadre de l'exploitation de l'activité commerciale ou comme condition de l'acquisition de la franchise ou du commencement de son exploitation, selon lequel droit :

1. soit :

i. d'une part, le franchiseur concède au franchisé le droit de vendre, de fournir, de mettre en vente, d'offrir ou de distribuer des biens ou des services qui sont essentiellement associés à la marque de commerce, à l'appellation commerciale, au logo, à un symbole publicitaire ou autre symbole commercial qui appartient au franchiseur ou à la personne qui a un lien avec lui ou dont la licence d'utilisation lui a été octroyée;

ii. d'autre part, le franchiseur ou la personne qui a un lien avec lui a le droit d'exercer ou exerce un contrôle important sur le mode d'exploitation du franchisé, notamment la conception et l'ameublement du bâtiment, les emplacements, l'organisation de l'activité commerciale, les techniques de commercialisation ou la formation, ou a le droit de lui apporter ou lui apporte une aide importante à cet égard;

2. soit :

i. d'une part, le franchiseur ou la personne qui a un lien avec lui concède au franchisé des droits de représentation ou de distribution, que cela fasse ou non intervenir une marque de commerce, une appellation commerciale, un logo ou un symbole publicitaire ou autre symbole commercial, en vue de vendre, de fournir, de mettre en vente, d'offrir ou de distribuer les biens ou les services fournis par le franchiseur ou un fournisseur qu'il désigne;

ii. d'autre part, le franchiseur, la personne qui a un lien avec lui ou un tiers qu'il désigne apporte son aide relativement à l'emplacement, notamment pour obtenir des points de vente ou des clients de détail pour les biens ou les services à vendre, à fournir, à mettre en vente, à offrir ou à distribuer, ou pour obtenir des emplacements ou des lieux pour installer les distributeurs automatiques, îlots de vente ou autres présentoirs de vente des produits qu'utilise le franchisé. (« franchise »). »

Près de 20 ans après l'adoption de cette loi, les tribunaux ontariens sont encore régulièrement appelés à rendre des jugements sur la portée de cette définition sur divers types de contrats qui remplissent l'un ou plusieurs des volets de cette définition.

Le jugement rendu le 27 août 2018 par la Cour supérieure de justice de l'Ontario dans l'affaire Fyfe and Stephens v. Vardy (Dial A Bottle) est un bon exemple des défis que pose cette définition.

Ce jugement porte sur un court contrat d'une page en vertu duquel l'entreprise Dial A Bottle accordait à un « distributeur » une exclusivité territoriale pour la distribution à domicile de boissons alcoolisées. Dans son territoire exclusif, ce « distributeur » s'identifiait sous le nom de cette entreprise en y ajoutant le nom de son territoire (par exemple, « Dial A Bottle Richmond Hill »).

Les commandes des clients pouvaient être reçues par le « distributeur » lui-même ou par un centre d'appel du réseau qui les acheminait à chaque « distributeur » selon son territoire.

L'entreprise Dial A Bottle percevait de ses « distributeurs » 3 $ pour chaque référence faite par son centre d'appels et 3 $ par livraison. Chaque « distributeur » devait aussi verser à Dial A Bottle une somme initiale de 40 000 $ à la signature du contrat.

Autant la documentation de Dial A Bottle pour recruter des « distributeurs » que le contrat signé avec chacun de ceux-ci indiquaient clairement que cette entente n'était pas une « franchise ».

Quinze mois après la signature de ce contrat, l'un des « distributeurs » de Dial A Bottle lui a transmis un avis de sa décision de résoudre le contrat conformément à la loi régissant le franchisage en Ontario puisque Dial A Bottle ne lui a jamais transmis un document de divulgation conforme à cette loi.

Face au refus de Dial A Bottle de donner suite à cet avis de résolution, le « distributeur » a institué un recours en remboursement des sommes payées à Dial A Bottle et de divers coûts associés à ce qu'il qualifiait maintenant de « franchise » malgré les termes clairs du contrat à l'effet contraire.

Dans son jugement, la Cour supérieure de justice de l'Ontario a d'abord réitéré que la qualification d'un contrat ne peut être faite à partir de son titre, ni de la qualification que l'on y retrouve. Ainsi, selon ce jugement, le fait que le contrat stipulait en toutes lettres ne pas en être un de « franchise » n'empêchait aucunement un tribunal de conclure qu'il en était bien un.

Même si le contrat de Dial A Bottle était très sommaire, la Cour supérieure de justice de l'Ontario y a rapidement retrouvé les deux premiers des trois éléments essentiels pour qu'un contrat soit qualifié de « franchise » au sens de la loi, soit :

  1. le versement par le franchisé de paiements périodiques dans le cadre de l'exploitation de ses activités commerciales;
  2. l'octroi au franchisé du « droit de vendre, de fournir, de mettre en vente, d'offrir ou de distribuer des biens ou des services qui sont essentiellement associés à la marque de commerce, à l'appellation commerciale, au logo, à un symbole publicitaire ou autre symbole commercial qui appartient au franchiseur ».

Quant au troisième élément nécessaire pour qu'un contrat en soit un de franchise, soit que le franchiseur « ait le droit d'exercer ou exerce un contrôle important sur le mode d'exploitation du franchisé, notamment la conception et l'ameublement du bâtiment, les emplacements, l'organisation de l'activité commerciale, les techniques de commercialisation ou la formation, ou a le droit de lui apporter ou lui apporte une aide importante à cet égard », lequel est le plus difficile à bien cerner et est à la source du plus grand nombre de litiges en matière de franchisage, la Cour supérieure de justice de l'Ontario a considéré les divers aspects du contrat signé dans cette affaire pour conclure que :

« [31] I find that the defendant did have significant control over the important aspects of the plaintiffs' business.  The Exclusivity Agreement states that the defendant will manage the territory owner/operator's business. It controlled taking orders, referring those orders to the plaintiffs, the logo, marketing material and web design. Further, it controlled phone line billing, telemarketing and telephone book advertising. It charged a $3 management fee on each delivered order.

[32]   Based on this evidence, I find that defendant exercised significant control over the important aspects of the plaintiffs' business. I find that the test has been met in this regard. »

Ayant retrouvé dans le contrat de Dial A Bottle les trois éléments de la définition du terme « franchise » qui se trouvent dans la loi régissant les franchises en Ontario, la Cour supérieure de justice de l'Ontario a conclu que, malgré ses clauses expresses à l'effet contraire, ce contrat en était bien un de franchise et a condamné Dial A Bottle à payer à son ex-distributeur « franchisé » les sommes prévues en cas de résolution de contrat conformément à cette loi.

Ce jugement souligne l'importance de bien qualifier la nature de tout contrat de ce type, et ce, non pas sur la base des termes qui y sont stipulés, mais plutôt en fonction des éléments de la définition que l'on en retrouve dans la loi.

Sur le même sujet, la Cour du banc de la Reine du Manitoba a rendu le 10 mai 2018, dans l'affaire Diduk v. Simpson, un intéressant jugement portant sur cette même question par lequel, à l'égard d'un autre contrat de distribution portant cette fois sur un produit chimique, elle en est arrivée à la conclusion contraire (soit qu'il ne s'agissait pas d'une « franchise »).

Les critères utilisés par la Cour du banc de la Reine du Manitoba pour rendre sa décision ont cependant été les mêmes que ceux utilisés par la Cour supérieure de justice de l'Ontario dans l'affaire Fyfe and Stephens v. Vardy (Dial A Bottle).

Ces deux décisions démontrent fort bien l'importance de bien définir la nature véritable de son contrat avant de le conclure dans l'une des provinces dotées d'une loi sur le franchisage, ainsi que les risques inhérents au fait de ne pas le qualifier adéquatement.

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