Avez-vous entendu parler des modifications apportées à la Loi canadienne sur les sociétés par actions (« LCSA ») qui sont entrées en vigueur le 13 juin 2019, ainsi que des modifications actuellement à l'étude ? Le présent article fait un survol de ces modifications afin que vous puissiez vous assurer que vous êtes en conformité avec les nouvelles exigences et envisager les mesures à prendre en vue d'une éventuelle conformité dans l'avenir
Le nouveau Registre des particuliers ayant un contrôle important
À compter du 13 juin 2019, toutes les sociétés régies par la LCSA seront tenues de créer et de maintenir un registre des particuliers ayant un « contrôle important » de la société (« Registre des particuliers ayant un contrôle important »). Les émetteurs assujettis, les sociétés publiques et les sociétés cotées en bourse sont dispensés de cette obligation.
Ces modifications ont notamment pour objectif d'accroître la transparence des sociétés et d'aider les autorités gouvernementales en ce qui concerne les questions relatives au blanchiment d'argent. Les gouvernements de plusieurs provinces et territoires cherchent à apporter des modifications législatives similaires à leurs lois régissant les sociétés.
Quelle est la définition d'un « particulier ayant un contrôle important » ?
- un détenteur inscrit ou un propriétaire effectif d'un nombre important d'actions. Un « nombre important d'actions » correspond à 25 % ou plus des actions avec droit de vote, ou à 25 % de la juste valeur marchande de toutes les actions de la société ;
- un particulier qui contrôle, directement ou indirectement, ou qui gère un nombre important d'actions ;
- un particulier qui exerce, directement ou indirectement, une influence qui mènerait à un contrôle de fait de la société, que ce particulier soit ou non un actionnaire de cette société ; ou
- les particuliers qui détiennent conjointement un nombre important d'actions, ou qui agissent conjointement ou de concert avec d'autres particuliers qui détiennent un nombre important d'actions.
Quelles informations le Registre des particuliers ayant un contrôle important doit-il contenir ?
- le nom du particulier, sa dernière adresse connue et sa date de naissance ;
- la juridiction de résidence à des fins fiscales ;
- la date à laquelle le particulier a acquis un contrôle important, ou la date à laquelle le particulier a cessé d'avoir un contrôle important ;
- une description de la manière dont le particulier satisfait à la définition de particulier ayant un contrôle important ; et
- une liste des mesures prises par la société pour identifier les particuliers ayant un contrôle important et pour mettre à jour ces renseignements.
Que faut-il faire pour rester en conformité ?
- Les sociétés doivent vérifier et mettre à jour le Registre des particuliers ayant un contrôle important au moins une fois par année.
- Si, au cours de l'année, la société prend connaissance d'un changement touchant le Registre des particuliers ayant un contrôle important, elle est tenue d'inscrire ce changement dans les 15 jours après avoir pris connaissance des nouveaux renseignements.
- Les renseignements personnels de tout particulier qui cesse d'avoir un contrôle important doivent être supprimés du Registre des particuliers ayant un contrôle important au plus tard un an suivant le sixième anniversaire de la date où le particulier a cessé d'avoir un contrôle important.
Le défaut de se conformer
À la demande de la société, les actionnaires sont tenus de fournir des renseignements exacts et complets aux fins de compléter le Registre des particuliers ayant un contrôle important. Les actionnaires doivent répondre rapidement à une telle demande de renseignements.
Les administrateurs, les dirigeants et/ou les actionnaires qui fournissent des renseignements faux ou trompeurs ou qui, sciemment, omettent de se conformer pourraient risquer une amende allant jusqu'à 200 000 $ et/ou un emprisonnement maximal de six mois.
Si la société omet de respecter ses obligations de création et de maintien du Registre des particuliers ayant un contrôle important, il pourrait en résulter une amende allant jusqu'à 5 000 $ et/ou un emprisonnement maximal de six mois.
Si un particulier contrevient aux restrictions en matière d'utilisation des renseignements, il pourrait être passible d'une amende allant jusqu'à 5 000 $ et/ou d'un emprisonnement maximal de six mois.
Qui a accès au Registre des particuliers ayant un contrôle important ?
- Les actionnaires et les créanciers de la société ainsi que leurs représentants personnels peuvent, sur demande à la société et présentation d'un affidavit selon les exigences prescrites, avoir accès au Registre des particuliers ayant un contrôle important.
- le Directeur de Corporations Canada, à sa demande.
Questions relatives à la mise en œuvre
Le libellé de certaines de ces modifications pourrait, à l'avenir, soulever des questions relatives à leur interprétation et à leur mise en œuvre, notamment :
- des préoccupations concernant l'ajout de renseignements personnels au Registre des particuliers ayant un contrôle important, en particulier en ce qui a trait aux propriétaires effectifs ;
- comment sera déterminée l'influence, directe ou indirecte, qui se traduit par un contrôle de fait ;
- les actionnaires qui sont des fiduciaires et la question de savoir si ceux-ci exercent, à eux seuls, le contrôle direct ou indirect ; et
- la manière dont les actionnaires et les créanciers pourront utiliser les renseignements consignés au Registre des particuliers ayant un contrôle important en ce qu'ils sont en lien avec les « activités de la société ».
De nouveaux règlements d'application de la LCSA pourraient être adoptés pour clarifier ultérieurement l'interprétation et la mise en œuvre de ces modifications. De plus, certaines sociétés pourraient faire face à un fardeau important en matière de conformité lorsqu'elles communiquent avec les actionnaires pour obtenir les renseignements requis et qu'elles tentent ensuite d'utiliser ces renseignements pour identifier les questions de contrôle direct ou indirect.
Les modifications proposées à la LCSA
Le 8 avril 2019, le Projet de loi C-97, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d'autres mesures (« Projet de loi C-97 ») a été adopté en première lecture par la Chambre des communes. Puis, le Projet de loi C-97 a été soumis au Comité permanent des finances de la Chambre des communes le 2 mai 2019. Le Projet de loi C-97 propose plusieurs modifications potentielles à la LCSA. Aucune des modifications proposées n'est en vigueur. Le Projet de loi C-97 doit faire l'objet d'une troisième lecture et recevoir la sanction royale avant d'entrer en vigueur. À ce moment, certaines modifications pourraient n'entrer en vigueur que lorsque les règlements auront été rédigés et adoptés.
Registre des particuliers ayant un contrôle important - Autres personnes pouvant y avoir accès
Bien que le Registre des particuliers ayant un contrôle important ait été conçu pour faciliter la transparence et l'application de la loi, aucune disposition ne prévoit que les responsables de l'application de la loi pourront y avoir accès.
Le Projet de loi C-97 propose une autre modification à LCSA en vertu de laquelle une société privée serait tenue de fournir le Registre de particuliers ayant un contrôle important, ou certains des renseignements qu'il contient, aux organismes d'enquête dans certaines circonstances prescrites, notamment lorsque l'organisme d'enquête a des motifs raisonnables de croire qu'il est pertinent de faire enquête sur des infractions prescrites (incluant la fraude, la corruption et le vol) qui auraient été commises ou facilitées par la société ou par un particulier ayant un contrôle important.
Les organismes d'enquête comprennent un corps de police, l'Agence du revenu du Canada (ou tout organisme provincial similaire) et tout autre organisme que le cabinet fédéral a investi d'un pouvoir d'enquête. Si cette modification entre en vigueur, tout administrateur ou dirigeant qui autorise, permet ou approuve sciemment le manquement à l'obligation de divulgation pourrait se voir imposer une amende allant jusqu'à 200 000 $ et/ou un emprisonnement maximal de six mois en cas de verdict de culpabilité.
La divulgation de renseignements et le vote non contraignant sur la rémunération
En vertu des modifications proposées, certaines sociétés visées, incluant probablement les sociétés publiques, devront rendre accessibles aux actionnaires certains renseignements prescrits à chaque assemblée annuelle, notamment les renseignements relatifs :
- à la diversité parmi les administrateurs et les « membres de la haute direction » ;
- au recouvrement des primes d'encouragement ou autres avantages payés aux administrateurs et aux employés qui sont des « membres de la haute direction » ;
- au bien-être des employés, des retraités et des pensionnés ; et
- à l'approche relative à la rémunération des « membres de la haute direction ».
L'approche relative à la rémunération des « membres de la haute direction » serait soumise au vote non contraignant des actionnaires. Les résultats du vote non contraignant sur la rémunération devraient être rendus publics.
La portée et les détails de ces modifications proposées seront établis dans les règlements qui n'ont pas encore été publiés. Un processus de consultation sera également mis en place concernant ces modifications proposées. Par conséquent, si le Projet de loi C-97 est adopté, la mise en œuvre de ces modifications et de ses règlements connexes pourrait prendre des mois, voire des années.
La codification d'éléments clés de la décision rendue dans l'affaire BCE
Le Projet de loi C-97 codifie les éléments clés de la décision qu'a rendue la Cour suprême du Canada dans l'affaire BCE Inc c Détenteurs de débentures de 1976, 2008 CSC 69, dans laquelle la CSC a statué que les administrateurs doivent agir au mieux des intérêts de la société, mais qu'ils peuvent prendre en compte les conséquences des décisions commerciales pour les actionnaires et certains groupes de parties intéressées.
Le Projet de loi C-97 modifierait la LCSA de façon à ce qu'elle prévoie qu'en accomplissant leur devoir d'agir au mieux des intérêts de la société, les administrateurs et dirigeants de celle-ci peuvent tenir compte, sans y être limités, des intérêts des actionnaires, des employés, des retraités et des pensionnés, des créanciers, des consommateurs, des gouvernements, de l'environnement, ainsi que des intérêts à long terme de la société. Il est important de noter que la décision rendue dans l'affaire BCE ne fait aucunement mention des retraités, des pensionnés ou des intérêts à long terme de la société.
Virginia Schweitzer est une associée pratiquant au bureau d'Ottawa de Fasken et une avocate chef de file dans les domaines du droit des sociétés et des fusions et acquisitions. Elle a conseillé des clients du secteur de la technologie et du secteur minier à l'échelle de l'Amérique du Nord en matière de PAPE, de placements privés, de fusions et d'acquisitions. Elle a également conseillé des organisations à but non lucratif en matière de gouvernance d'entreprise.
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