En date du 30 juin, la saison électorale approche à grands pas et de nouvelles règles s'appliqueront.
Pour nombre d'entre nous, la loi électorale fédérale réglemente ce qui est, pour la plupart, un sport-spectacle.
Bien sûr, nous avons tous la possibilité de voter. Nous pouvons aussi faire du bénévolat lors de campagnes et partager des idées politiques. Certains d'entre nous vont jusqu'à assumer le rôle crucial du membre de la famille entêté qui s'estime responsable de faire l'éducation politique de ses proches non informés autour d'un repas familial.
Toutefois, pour la plupart, nous nous contentons d'observer et d'applaudir (ou de railler). Nous sommes nombreux à penser que ce que la saison électorale nous apporte principalement, ce sont d'excellents contenus télévisuels et de nombreuses caricatures politiques inspirées. Il se peut que, pour un nombre encore plus important d'entre nous, la période électorale ne constitue qu'un irritant inévitable ou encore un somnifère.
Plusieurs d'entre nous sont satisfaits du statu quo. Mais qu'arriverait-il si les règles changeaient et que nous étions contraints de nous joindre à la mêlée? Ce serait comme si, soudainement, les gérants d'estrade d'une équipe de hockey enfilaient leurs patins ou se soumettaient à des tests de dépistage de drogue.
Cela ne se produirait jamais dans le monde du sport, car les amateurs sportifs ne sont pas assujettis aux règles du jeu.
C'est là que réside la différence entre les règles relatives aux sports-spectacles et celles de la loi électorale fédérale.
À compter du 30 juin, les entreprises pourraient se retrouver à participer à un jeu auquel elles n'ont jamais eu l'intention de participer. De nombreuses organisations, en particulier celles qui font de la publicité ou qui ont une présence en ligne, pourraient constater, à leur grande surprise, que leurs actions, publicités et publications en ligne sont désormais réglementées. Dès le 30 juin, ces organisations ne seront plus de simples spectatrices.
La saison électorale compte désormais des matchs supplémentaires
Tout d'abord, la période électorale a été prolongée, puisque la date de début a été avancée.
En effet, cette année, le 30 juin marque le début des périodes où les communications électorales sont réglementées (la période préélectorale), et ce, malgré le fait que la période électorale ne commence qu'à l'automne. C'est la première fois que les élections fédérales comportent une période préélectorale, ajoutant ainsi une couche supplémentaire de règles aux exigences déjà complexes de la période électorale (qui commence dès le déclenchement des élections).
D'abondantes exigences complexifient le respect des règles
De plus, cette nouvelle période réglementée prolongée réglemente toutes sortes de communications par l'entremise d'une interprétation large de la loi. C'est à ce stade que les amateurs du jeu – les entreprises et les particuliers – pourraient se retrouver dans le pétrin. Entre autres, la loi s'applique désormais à toute publicité payée en ligne qui contient un hyperlien menant à des sites Internet dans lesquels il est fait mention de candidats, même si ces sites Internet n'ont pas un caractère particulièrement politique. Il pourrait s'avérer difficile de respecter cette exigence, surtout pour les entreprises qui ont une importante présence en ligne.
Une grande partie des publicités sera réglementée au cours de la période électorale
Par ailleurs, après le déclenchement de la période électorale à l'automne, toutes les formes de publicité portant sur des enjeux politiques seront assujetties à des règles. Ces enjeux comprennent ceux associés à un parti, à un chef de parti, à un candidat et même à une personne liée à un parti politique. La portée de cette définition étant indéterminée, tout contenu inoffensif pourrait donc se voir assujetti aux règles.
Déconnecté de l'ère de l'Internet
Enfin, la loi électorale fédérale impose maintenant de lourdes exigences particulières relatives aux activités sur Internet, notamment en ce qui concerne les publicités et les plateformes en ligne. Il est même interdit de vendre de l'espace publicitaire pour certaines publicités à des acteurs et des entreprises de l'étranger qui remplissent certains critères.
La loi électorale telle qu'elle est actuellement façonnée n'est pas adaptée à l'ère de l'Internet. L'incertitude qui en découle devrait préoccuper toute entreprise ayant une présence en ligne.
Suivez les règles ... sinon
La nouvelle loi électorale du Canada incite la participation de tous, et les entreprises devraient évaluer si leurs activités actuelles y sont conformes. Si elles ne la respectent pas, le commissaire aux élections fédérales pourrait frapper à leur porte.
En effet, le commissaire aux élections fédérales dispose de pouvoirs élargis : il a désormais le pouvoir de déposer des accusations relativement à une longue liste d'infractions qui pourraient engendrer des amendes salées et des peines d'emprisonnement.
Ces pouvoirs d'application de la loi illustrent bien l'importance de respecter les règles. Les entreprises canadiennes estimeront probablement que la loi électorale comporte des enjeux beaucoup plus importants qu'elles ne le croyaient jusqu'ici.
Matthew Welch est un avocat du bureau d'Ottawa de Fasken, membre du groupe de pratique Droit politique. Il conseille des clients sur leur relation avec les acteurs du gouvernement, notamment en matière de lobbyisme et de conformité aux lois sur les élections, et à l'égard de questions relatives aux marchés publics.
Pour lire la version intégrale du bulletin Perspectives de la Capitale : l’actualité en droit des affaires à Ottawa, veuillez cliquer ici.