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Les accords de réparation : un processus rationnel pour l’intérêt public

Fasken
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Perspectives de la Capitale : l’actualité en droit des affaires à Ottawa

Poursuivre en justice une entreprise pour des infractions criminelles a longtemps fait l'objet de critiques, car cela peut aboutir à des résultats injustes et injustifiés. Habituellement, l'acte répréhensible est attribué à une ou deux personnes qui ont agi de leur propre chef, il y a souvent bien longtemps, et qui ne sont plus associées à l'entreprise en question.

En poursuivant toute l'entreprise, un grand nombre d'individus innocents risquent d'être lésés. Les investisseurs peuvent perdre leurs investissements, les employés, leur emploi et les employés retraités, leur pension. La condamnation criminelle d'une société peut entraîner des conséquences importantes, y compris l'interdiction de présenter une soumission pour des contrats publics à l'échelle nationale et internationale. De nombreuses demandes de propositions non gouvernementales comportent maintenant une exigence d'intégrité pour les entreprises qui présentent des soumissions.

Pour remédier à ces effets injustes qui résultent de la condamnation de sociétés pour des infractions criminelles, la plupart des pays du G7 ont adopté dans leur droit criminel des dispositions relatives aux accords de poursuite suspendue.

L'an dernier, le Canada s'est finalement joint aux États-Unis, au Royaume-Uni, à la France et à d'autres pays européens lorsque le Parlement a adopté la partie XXII.1 du Code criminel, qui prévoit un régime d'accord de réparation la version canadienne des accords de poursuite suspendue.

Les députés de l'opposition à la Chambre des communes ont qualifié ces changements de « douces mesures » par rapport à la criminalité en col blanc, car ils permettent aux entreprises d'« éviter la prison ». Bien entendu, les entreprises ne peuvent pas purger une « peine de prison ». Habituellement, la peine la plus lourde à laquelle peut faire face une société est la diminution des opportunités d'affaires à la suite d'une condamnation criminelle.

L'objectif du régime canadien

L'article 715.31 du Code criminel énonce l'objet du régime et énumère un certain nombre d'objectifs :

715.31 La présente partie a pour objet de prévoir l'établissement d'un régime d'accords de réparation applicable à toute organisation à qui une infraction est imputée et visant les objectifs suivants :

a) dénoncer tout acte répréhensible de l'organisation et le tort causé par celui-ci aux victimes ou à la collectivité;

b) tenir l'organisation responsable de son acte répréhensible par l'imposition de pénalités efficaces, proportionnées et dissuasives;

c) favoriser le respect de la loi par l'obligation faite à l'organisation de mettre en place des mesures correctives ainsi qu'une culture de conformité;

d) encourager la divulgation volontaire des actes répréhensibles;

e) prévoir la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;

f) réduire les conséquences négatives de l'acte répréhensible sur les personnes — employés, clients, retraités ou autres — qui ne s'y sont pas livrées, tout en tenant responsables celles qui s'y sont livrées.

L'article 715.32(1) prévoit que les conditions suivantes doivent être remplies avant qu'un poursuivant puisse conclure un accord de réparation :

a) le poursuivant est d'avis qu'il existe une perspective raisonnable de condamnation pour l'infraction;

b) il est d'avis que l'acte ou l'omission à l'origine de l'infraction n'a pas causé et n'est pas susceptible d'avoir causé des lésions corporelles graves à une personne ou la mort, n'a pas porté et n'est pas susceptible d'avoir porté préjudice à la défense ou à la sécurité nationales et n'a pas été commis au profit ou sous la direction d'une organisation criminelle ou d'un groupe terroriste, ou en association avec l'un ou l'autre;

c) il est d'avis qu'il convient de négocier un tel accord dans les circonstances et qu'il est dans l'intérêt public de le faire;

d) le procureur général a donné son consentement à la négociation d'un tel accord.

Aspects dont le poursuivant doit tenir compte

Même si les conditions sont remplies, un accord de réparation n'est pas automatique. Parmi les nombreux facteurs dont le poursuivant doit tenir compte avant de proposer la négociation d'un accord de réparation conformément au Code criminel, il importe de mentionner les suivants :

  • la question de savoir si l'organisation a pris des mesures disciplinaires, y compris le congédiement, à l'égard de toute personne impliquée dans l'acte ou à l'omission
  • la question de savoir si l'organisation a pris des mesures pour réparer le tort causé par l'acte ou l'omission et pour empêcher que des actes ou omissions similaires ne se reproduisent
  • la question de savoir si l'organisation a identifié les personnes qui ont participé à tout acte répréhensible relatif à l'acte ou à l'omission ou a manifesté sa volonté de le faire

Le Code criminel énonce également que tout accord négocié doit comprendre les éléments suivants :

  • un aveu de responsabilité
  • une disposition prévoyant la réparation de tout préjudice causé, si ce n'est déjà fait
  • des sanctions pécuniaires
  • l'engagement de coopérer avec le poursuivant dans le cadre de toute enquête ou poursuite connexe

Une fois l'accord négocié, il est soumis à l'approbation d'un juge de la Cour supérieure. Le juge doit être convaincu que l'accord est dans l'intérêt public avant qu'il ne soit approuvé.

En cas d'approbation d'un accord

Une fois que le tribunal a rendu une ordonnance d'approbation, les accusations portées contre la société sont suspendues jusqu'à ce que les conditions de l'accord soient remplies. Si la société ne respecte pas les conditions de l'accord, le poursuivant peut demander au tribunal de mettre fin à l'ordonnance d'approbation, auquel cas la poursuite criminelle reprendra son cours. Une fois que la société a rempli avec succès toutes les conditions de l'accord, le poursuivant demande au tribunal de déclarer que les conditions de l'accord ont été respectées. Si le tribunal est convaincu qu'il en est ainsi, il rendra une ordonnance de suspension des procédures contre la société pour toute infraction à laquelle l'accord s'applique et les procédures seront réputées n'avoir jamais été engagées et aucune autre procédure ne pourra être engagée contre la société pour cette même infraction.

Pas un laissez-passer

Les accords de réparation ont récemment fait l'objet de critiques dans le cadre de l'affaire SNC-Lavalin. Toutefois, aucun accord ne serait négocié si les individus présumés coupables étaient encore associés à la société et si des procédures n'avaient pas été mises en place pour réduire considérablement le risque que d'autres infractions ne soient commises par d'autres employés.

Plutôt que de donner des laissez-passer aux sociétés pour des infractions criminelles, comme de nombreux commentateurs l'ont suggéré, les accords de réparation constituent un processus rationnel permettant de veiller à la conformité et à la responsabilisation des entreprises, ce qui est dans l'intérêt public, le tout en limitant le tort causé à des personnes innocentes. 

Patrick McCann est avocat de la défense pour des cols blancs et conseiller juridique en matière d'enquêtes au bureau d'Ottawa de Fasken. Il représente des clients devant tous les tribunaux de première instance et d'appel en Ontario, et devant la Cour suprême du Canada. Dans le passé, Patrick a exercé à l'avant-garde du droit pénal canadien pendant plus de 40 ans.

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Auteur

  • Patrick F.D. McCann, Avocat-conseil, Ottawa, ON, +1 613 696 6906, pmccann@fasken.com