Le 23 mars, le Secrétariat du Conseil du Trésor a publié l'Avis sur la Politique des marchés 2020-1 : réponse à la COVID-19[1](« AVM 2020-1 »). L'AVM 2020-1 prévoit des augmentations à durée limitée des limites contractuelles d'urgence, confirme que Services publics et Approvisionnement Canada (« SPAC ») agit à titre d'organisme central d'achat au nom du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux, enjoint les administrateurs généraux à ne pas effectuer d'achats uniques et demande à tous les ministères de se renseigner auprès de SPAC avant de procéder à un approvisionnement.
Dans la mesure où SPAC entreprend cet effort d'achat massif pour répondre à l'urgence liée à la pandémie de la COVID-19, nous prévoyons que les processus d'achat concurrentiels ouverts feront place à d'autres mécanismes d'achat, tels que les appels d'offres limités et même l'attribution directe de marchés (fournisseur exclusif), du moins à court terme.
Nous présentons ci-dessous un aperçu des options les plus importantes que le gouvernement peut exercer dans le cadre des accords commerciaux et de la réglementation applicable en matière de marchés.
Il convient de noter qu'il est possible que des préavis d'adjudication de contrat (« PAC ») ne soient pas toujours émis concernant les options énumérées ci-dessous. Veuillez consulter la page suivante du gouvernement fédéral sur la réponse à la COVID-19 du site achatsetventes et vous inscrire pour recevoir les mises à jour sur les appels d'offres .
Accords commerciaux
Dans le cas des marchés publics visés par un accord commercial, il existe diverses options, notamment l'appel d'offres limité, la mise en place de mesures nécessaires à la réalisation d'objectifs légitimes, l'exception au titre de la sécurité nationale et le resserrement des délais de préavis.
Appel d'offres limité
De quoi s'agit-il?
L'autorité contractante retient un ou plusieurs fournisseurs de son choix au lieu de lancer un processus concurrentiel d'approvisionnement ouvert ou sélectif.
Comment cela s'appliquerait-il dans le contexte d'une pandémie?
L'autorité contractante pourrait recourir à cette option pour acquérir des biens et des services qui ne peuvent être obtenus à temps dans le cadre d'un processus concurrentiel « si cela est strictement nécessaire dans les cas où, pour des raisons d'extrême urgence dues à des événements qui ne pouvaient pas être prévus par l'autorité contractante [2] ». L'autorité contractante ne saurait être à l'origine de l'urgence des besoins : une mauvaise planification ne permet pas de satisfaire au critère d'« imprévisibilité ». Après un certain temps, même si l'acquisition de biens et de services reste urgente, le besoin qui s'ensuit n'est plus « imprévisible » et doit donc faire l'objet d'un appel d'offres ouvert.
Mesures nécessaires à la réalisation des objectifs légitimes
En quoi consistent-elles?
Il s'agit de mesures incompatibles avec les règles des accords commerciaux, mais qui sont mises en œuvre pour atteindre des objectifs tels que la protection de la vie ou de la santé des personnes ainsi que la sécurité et la sûreté publiques.
Comment cela s'appliquerait-il dans le contexte d'une pandémie?
À titre d'exemple, une autorité contractante peut limiter les achats de matériel médical aux fournisseurs canadiens disposant d'installations de fabrication au Canada afin d'assurer les sources d'approvisionnement en cas de restrictions à l'exportation ou de fermeture des frontières par d'autres pays, qui pourraient empêcher la livraison en temps voulu, ce qui serait normalement non conforme à tous les accords commerciaux internationaux. Ces mesures peuvent également comprendre les modifications législatives apportées aux paliers fédéral, provincial et territorial afin de restreindre les déplacements des personnels dans le but de contenir la propagation de la COVID-19, qui pourraient autrement contrevenir aux exigences de l'Accord de libre-échange canadien (« ALEC »).
Exception au titre de la sécurité nationale
De quoi s'agit-il?
Il s'agit d'une exception prévue par tous les accords commerciaux qui permet à une partie de prendre toute mesure qu'elle juge nécessaire pour protéger les intérêts nationaux ou les intérêts essentiels de sécurité.
Comment cela s'appliquerait-il dans le contexte d'une pandémie?
Les concepts de « sécurité nationale » ou d'« intérêts essentiels de sécurité » ne sont définis dans aucun accord commercial et, à ce titre, chaque partie à un accord commercial devrait examiner si la « sécurité nationale » ou un « intérêt essentiel de sécurité » est menacé ou préoccupant et dans quelle mesure. Dans la situation d'urgence actuelle, on pourrait s'attendre à ce que le gouvernement envisage déjà d'exercer cette exception de manière générale; bien qu'il n'y ait eu aucune mention à ce sujet de la part de SPAC à la date de publication de ce bulletin.
Resserrement des délais de préavis
En quoi cela consiste-t-il?
La plupart des accords commerciaux prescrivent une période spécifique pendant laquelle un appel d'offres doit être ouvert (cette période est généralement plus courte si le marché est géré par voie électronique). Si aucun délai de préavis spécifique n'est prévu comme dans l'ALEC, par exemple, le délai de préavis est tributaire de facteurs tels que la nature et la complexité du marché, l'ampleur prévue de la sous-traitance et le temps nécessaire pour transmettre les offres par des moyens autres qu'électroniques.
Comment cela s'appliquerait-il dans le contexte d'une pandémie?
Les entités contractantes peuvent recourir à l'appel d'offres limité, aux exigences relatives aux objectifs légitimes ou à l'exception au titre de la sécurité nationale pour réduire les délais de préavis.
Situations où les accords commerciaux ne s'appliquent pas
Dans les cas où les accords commerciaux ne s'appliquent pas, les autorités contractantes sont néanmoins soumises au Règlement sur les marchés de l'État (RMÉ)[3].
Qu'est-ce que le RMÉ?
Il s'agit d'un règlement émis par le Secrétariat du Conseil du Trésor en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques selon lequel les autorités contractantes sont tenues de lancer un appel d'offres public, sauf si l'une des sept exceptions énumérées s'applique.
Quelle exception serait susceptible de s'appliquer en cas de pandémie?
Le paragraphe 6a) du RMÉ permet à une autorité contractante de conclure un marché sans lancer d'appel d'offres dans « […] les cas d'extrême urgence où un retard serait préjudiciable à l'intérêt public ». Le RMÉ ne définit pas les expressions « extrême urgence » et « intérêt public ». En revanche, l'Avis sur la Politique des marchés 2007-4 - Marchés non concurrentiels[4] présente des exemples d'« extrême urgence » pertinents dans le contexte de la COVID-19 :
- une situation réelle ou imminente qui met en danger la vie;
- une catastrophe menaçant la qualité de vie ou la sécurité de la population canadienne;
- une catastrophe entraînant la perte de vies.
Même en cas d'urgence extrême, les autorités contractantes doivent déterminer si le temps nécessaire pour effectuer un marché, même dans le cadre de processus concurrentiels limités, entraîne un retard qui serait préjudiciable à l'intérêt public. À l'instar des options d'appel d'offres limitées prévues par les accords commerciaux, à mesure que les exigences et les sources d'approvisionnement en biens et en services se précisent, l'élément d'« extrême urgence » est susceptible de faire place à l'intérêt public, qui consiste à obtenir le meilleur rapport qualité-prix d'un marché public concurrentiel.
Autres politiques et directives applicables
Si les limites contractuelles d'urgence (seuils) ont été augmentées par le Conseil du Trésor, tous les ministères restent soumis aux politiques et directives applicables, à la Politique sur les marchés[5], aux Avis sur la politique des marchés, comme l'Avis sur la Politique des marchés 2007-4 - Marchés non concurrentiels, aux approbations et aux obligations de déclaration, y compris les déclarations sur les attributions de marchés d'urgence.
[1] Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, « Avis sur la Politique des marchés 2020-1 : réponse à la COVID-19 » (23 mars 2020), en ligne.
[2] Ce libellé précis, tel qu'il figure au paragraphe d) de l'article 513.1 de l'Accord de libre-échange canadien, se retrouve, soit exactement, soit essentiellement, dans les autres accords commerciaux.
[3] Règlement sur les marchés de l'État, DORS/87-402.
[4] Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, « Avis sur la Politique des marchés 2007-4 - Marchés non concurrentiels » (modifié le 10 juin 2019), en ligne.
[5] Gouvernement du Canada, « Politique sur les marchés » (modifiée le 10 juin 2019), en ligne .