Passer au contenu principal
Bulletin

Le rôle et l’importance d’une clause de premier refus dans une convention de franchise

Fasken
Temps de lecture 10 minutes
S'inscrire
Partager

Aperçu

Bulletin franchisage

Un droit de premier refus (parfois aussi appelé « droit de préférence » ou « pacte de préférence ») consiste dans une clause contractuelle stipulant que, lorsque le franchisé reçoit une offre qu’il souhaite accepter visant la vente de son entreprise franchisée ou d’un intérêt dans celle-ci, il doit en premier lieu la soumettre au franchiseur qui, dans un délai stipulé au contrat, peut, en préférence à l’offrant acheteur, décider d’acquérir cette entreprise ou cet intérêt aux prix et selon les modalités faisant l’objet de cette offre.

 

L’on retrouve une telle clause dans la plupart des conventions de franchise.

 

Récemment, dans le contexte de la négociation d’une importante convention de franchise, l’avocat qui représentait le franchisé a soulevé l’intéressante question suivante : « Compte tenu du fait que la convention de franchise stipule déjà l’obligation pour le franchisé d’obtenir l’autorisation du franchiseur avant de vendre son entreprise franchisée, ainsi qu’un processus à suivre pour l’obtention de cette approbation, pourquoi y ajouter une clause de droit de premier refus en faveur du franchiseur? ».

 

La réponse à cette question repose en premier lieu sur le rôle, voire le devoir, du franchiseur de protéger son réseau de franchises autant face à sa concurrence que vis-à-vis tout franchisé délinquant, devoir qui a été clairement énoncé dans l’importante décision rendue par la Cour supérieure du Québec (qui a été confirmée par la Cour d’appel du Québec) dans l’affaire Dunkin' Brands Canada Ltd. c. Bertico inc.

 

Pour remplir ce rôle, le franchiseur doit notamment (i) assurer une saine pérennité du réseau, (ii) pouvoir compter sur des franchisés solides et performants, et (iii) éviter qu’une entreprise franchisée ne puisse se retrouver entre les mains de personnes que le franchiseur n’a pas choisies ou préalablement acceptées.

 

Certes, les clauses traitant de l’obligation du franchisé d’obtenir l’autorisation du franchiseur avant de vendre son entreprise franchisée, ainsi que le processus à suivre pour l’obtention de cette approbation, permettent déjà au franchiseur de remplir en bonne partie ce rôle et ces devoirs.

 

Par contre, elles n’y suffisent pas dans tous les cas!

 

En voici deux exemples :

 

Premier exemple :

 

Après plusieurs mois de gestion inadéquate de son entreprise franchisée, un franchisé décide de la vendre à rabais à une personne qui, bien que satisfaisant les critères d’approbation du franchiseur, ne possède pas une solide expérience dans le secteur d’activités du réseau.

 

Dans un tel cas, dans l’intérêt du réseau de franchises, un franchiseur pourrait très bien préférer acquérir cette entreprise franchisée, ou la faire acquérir par un autre franchisé expérimenté et performant, afin d’en améliorer la gestion et la performance et, ainsi, d’en accroître les performances et la valeur avant de la céder à un tiers moins expérimenté.

 

La clause conférant au franchiseur un droit de premier refus lui permettra d’atteindre un tel objectif, alors que la seule clause d’approbation de la vente ne suffira évidemment pas.

 

Deuxième exemple :

 

Un franchisé veut vendre une participation dans son entreprise à un ami qui possède des ressources relativement importantes, mais qui souhaite essentiellement y faire un investissement et n’entend pas y travailler activement.

 

D’autre part, l’entreprise franchisée compte dans ses rangs un employé-clé qui possède l’intérêt et les compétences pour éventuellement succéder à la gestion et à la propriété de cette entreprise, mais qui n’a pas encore des moyens financiers lui permettant d’acquérir l’intérêt que le franchisé souhaite céder dès maintenant.

 

Dans un tel scénario, par l’exercice de son droit de premier refus, le franchiseur pourrait acquérir l’intérêt que le franchisé souhaite vendre à un tiers pour ensuite le revendre plus tard (ou, encore, le céder immédiatement avec une aide au financement du prix d’achat) à cet employé-clé, permettant ainsi d’entreprendre un sain processus de relève et de succession à la direction de cette entreprise franchisée.

 

Encore une fois, une clause d’approbation de la vente ne lui permettrait pas, à elle seule, d’atteindre un tel objectif.

 

Ce ne sont là que deux parmi de nombreuses circonstances qui justifient l’inclusion, dans une convention de franchise, d’une clause conférant au franchiseur un droit de premier refus en cas de vente de l’entreprise franchisée ou d’un intérêt dans celle-ci.

 

Une telle clause de droit de premier refus doit cependant s’ajouter, et ne pas se substituer, à la clause requérant l’approbation du franchiseur en cas de vente ou de cession. En effet, comme nous l’avons vu dans les deux exemples ci-dessus, ces deux clauses jouent chacune un rôle différent quoique complémentaire à l’autre d’entre elles.

 

Voici trois conseils pratiques en matière de droit de premier refus dans une convention de franchise :

 

1. Bien coordonner les périodes et délais d’exercice du droit de premier refus et ceux du processus d’approbation d’une vente ou d’une cession.

 

Lorsque la convention de franchise stipule à la fois une clause de droit de premier refus et une clause décrivant un processus d’approbation d’une vente ou cession par le franchisé, il est important de bien coordonner les périodes, les délais et les échéances d’exercice de ces deux clauses.

 

Ainsi, il est inutile d’engager plusieurs des étapes du processus d’évaluation d’un acheteur proposé si le franchiseur exerce son droit de premier refus.

 

Par contre, il est important de laisser au franchiseur une période raisonnable et réaliste pour (i) dans un premier temps, décider d’exercer, ou de ne pas exercer, son droit de premier refus et, seulement si le franchiseur choisit de ne pas exercer son droit de premier refus, (ii) dans un second temps, bien évaluer l’acheteur proposé.

 

2. Confier à des experts la rédaction de votre clause de premier refus

Il est important de confier la rédaction d'une clause conférant un droit de premier refus à un expert dans ce type de contrat afin de vous assurer de bien obtenir une protection solide qui ne pourra être aisément contournée.

 

Si la clause n'est pas complète et très bien rédigée, il se peut que le franchiseur ne réalise que trop tard, au moment où un acquéreur potentiel aura trouvé le moyen de contourner son droit de premier refus ou d’en rendre l'exercice impossible ou trop onéreux, que sa clause de droit de premier refus ne lui procurait pas vraiment la protection recherchée pour lui et pour son réseau.

 

3. Assortir la clause de premier refus d’une clause pénale vraiment dissuasive pour prévenir toute contravention

En vertu de l'article 1397 du Code civil du Québec, une vente faite en violation d'un droit de premier refus est quand même valable et opposable au bénéficiaire d'un tel droit (le franchiseur). En vertu de ce principe, une fois une vente faite en contravention à son droit de premier refus, le franchiseur ne peut pas en demander l'annulation. Il existe toutefois quelques exceptions à ce principe.

 

Par conséquent, si une vente ou une cession est complétée en contravention d’un droit de premier refus stipulé à une convention de franchise, le seul recours du franchiseur sera de résilier la convention de franchise (ce qui ne serait possiblement pas alors dans l’intérêt du réseau de franchises) ou de réclamer des dommages (qui, dans un tel cas, sont souvent difficiles à établir et à prouver).

 

Afin de prévenir une telle contravention, il est donc approprié d’assortir la clause de droit de premier refus d’une clause stipulant une pénalité adéquate (mais non abusive) en cas de contravention au droit du franchiseur.

 

Cette pénalité doit être suffisamment importante pour vraiment dissuader le franchisé, ou un acheteur potentiel, de procéder à une transaction qui contrevient au droit de premier refus du franchiseur.

 

Nous avons malheureusement été témoins de quelques situations où, en raison d’une pénalité trop peu élevée, un franchisé et son acquéreur ont préféré payer la pénalité plutôt que de respecter le droit de premier refus du franchiseur.

 

Vous trouverez aussi, dans notre bulletin intitulé « Votre droit de premier refus peut-il être facilement contourné? », quelques autres outils pratiques pour prévenir une contravention au droit de premier refus d’un franchiseur.

 

Fasken possède toute l’expérience et toutes les ressources nécessaires pour vous aider à rédiger des ententes complètes, adéquates et qui protègent bien vos droits, tout en évitant les pièges potentiels.

Contactez l'auteur

Pour plus d'informations ou pour discuter d'un sujet, veuillez nous contacter.

Contactez l'auteur

Auteur

  • Frédéric P. Gilbert, Associé, Montréal, QC, +1 514 397 5232, fgilbert@fasken.com

    Abonnement

    Recevez des mises à jour de notre équipe

    S'inscrire