Depuis le 25 janvier 2019, l'Autorité des marchés publics (l'« AMP ») a débuté officiellement ses activités à titre d'instance centrale de supervision des marchés publics au Québec. Elle remplace l'Autorité des marchés financiers (l'« AMF ») à qui avait été confiée la responsabilité d'administrer et d'assurer l'application de la Loi sur les contrats des organismes publics (la « LCOP ») suivant la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, autrement connue comme la Commission Charbonneau.
Ce transfert de l'AMF vers l'AMP était cependant attendu puisque la Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et instituant l'Autorité des marchés publics (la « Loi 108 »), sanctionnée le 1er décembre 2017, avait institué l'AMP chargée de surveiller l'ensemble des contrats des organismes publics et d'assurer l'application des dispositions de la LCOP.
À la lumière de ce qui précède, les demandes d'autorisation pour l'obtention d'un contrat public ou d'un sous-contrat public ou les demandes de renouvellement qui en découlent (l'« Autorisation ») devront désormais être transmises directement via les services en ligne de l'AMP.
Rappelons-le, cette Autorisation est unique au Canada en ce qu'aucune autre province, autre que le Québec, ne prévoit un tel mécanisme d'autorisation pour contracter avec un organisme public ou une municipalité.
Fonctions principales de l'AMP
L'AMP est une autorité neutre et indépendante de supervision et de contrôle des marchés publics. Son rôle consiste à surveiller le secteur public, les réseaux de la santé et de l'éducation, les sociétés d'État et les municipalités.
En plus des pouvoirs d'octroi, de renouvellement ou de révocation de l'Autorisation, l'AMP est maintenant responsable de maintenir le registre des entreprises non admissibles aux contrats (ou aux sous-contrats) publics (le « RENA ») jusqu'à présent tenu à jour par le Conseil du trésor ainsi que le registre des entreprises admissibles aux contrats (ou aux sous- contrats) publics (le « REA »), qui était, quant à lui, géré par l'AMF.
Plus encore, la Loi sur l'Autorité des marchés publics (la « Loi sur l'AMP ») confère à l'AMP des pouvoirs de vérification et d'enquête lui permettant, selon le cas, de rendre des ordonnances, de formuler des recommandations ou encore de suspendre ou de résilier un contrat public.
La Loi sur l'AMP prévoit une entrée progressive des dispositions concernant les fonctions et les pouvoirs de l'AMP, comme cela a déjà été mentionné dans notre bulletin du 14 décembre 2017. Depuis le 25 janvier 2019, c'est une partie du mandat de l'AMP qui entre en vigueur, à savoir :
- Les pouvoirs d'intervention, de vérification et d'enquête en ce qui concerne l'adjudication et l'attribution des contrats publics au Québec;
- La délivrance des autorisations de contracter avec l'État; et
- L'administration du REA et du RENA.
Ce que les entreprises doivent savoir ou se rappeler
Nouvelle plateforme Internet
Comme nous l'avons indiqué plus haut, les demandes d'Autorisation devront être transmises via le site Internet de l'AMP.
Une première lecture de cette plateforme nous amène à partager quelques observations, dont les suivantes :
- Le guide d'accompagnement, les formulaires ainsi que l'ensemble des déclarations à fournir pour demander une Autorisation ou son renouvellement ont été mis à jour en date de janvier 2019. Le contenu demeure néanmoins sensiblement le même qu'auparavant;
- Fait intéressant : une section dédiée aux entreprises étrangères et personnes physiques exploitant une entreprise a été ajoutée avec l'obligation de remplir un formulaire additionnel, soit pour une première demande d'Autorisation, soit pour une demande de renouvellement ou encore pour une demande de non-renouvellement;
- Nous remarquons également l'ajout d'une section sur la mise à jour des dossiers puisque l'obligation d'aviser l'AMP de toute modification aux renseignements fournis lors de sa demande d'Autorisation ou de renouvellement au plus tard 15 jours suivant la fin du mois pendant lequel est survenue la modification demeure; et
- Les entreprises étrangères qui ne sont pas constituées en vertu d'une loi québécoise et n'ont pas de siège au Québec ni d'établissement où elles exercent principalement leurs activités, devront compléter une demande de façon manuscrite.
Rappels et préparation d'une première demande ou d'une demande de renouvellement de l'Autorisation
Toute entreprise engagée dans un processus d'appel d'offres ou d'attribution de contrats ou de sous-contrats avec un des paliers de gouvernement du Québec : ministères, organismes publics, sociétés d'État et municipalités comportant une dépense supérieure à certains seuils doit faire une demande d'Autorisation. Les seuils demeurent inchangés. En effet, le seuil prévu pour un contrat ou un sous-contrat de service conclu à la suite d'un appel d'offres lancé à compter du 2 novembre 2015 ou dont le processus d'attribution de contrat de gré à gré débute à cette date est fixé à 1 M$. Le seuil est quant à lui fixé à 5 M$ pour un contrat ou un sous-contrat de travaux de construction ou de partenariat public-privé. À noter que certains seuils particuliers sont prévus pour certains contrats ou sous-contrats avec la Ville de Montréal.
Pour déterminer si un contrat ou sous-contrat atteint les seuils mentionnés ci-haut, on continuera d'inclure, le cas échéant, le montant de la dépense qui serait engagée si toutes les options de renouvellement étaient exercées.
La procédure demeure sensiblement la même qu'avec l'AMF. En dépit du fait que les formulaires et déclarations comportent des changements mineurs, les documents à fournir demeurent les mêmes.
Le site Internet de l'AMP indique que les délais de traitement d'une demande seront identiques à ceux qui étaient déjà observés, c'est-à-dire que lorsqu'une entreprise répond à un appel d'offres public et que le contrat envisagé est visé par les seuils, les délais de traitement sont estimés à environ huit (8) semaines à compter de la réception par l'AMF d'un dossier complet et conforme. La complexité du dossier est, par ailleurs, un facteur à considérer.
Une entreprise qui avait obtenu par le passé son Autorisation auprès de l'AMF pourra la renouveler auprès de l'AMP au moins 90 jours avant la date d'expiration de l'Autorisation. Si la demande de renouvellement est reçue dans le délai prescrit, celle-ci demeurera valide (sauf en cas de révocation durant ce délai) jusqu'à ce que l'AMP statue sur la demande de renouvellement de l'Autorisation.
Pouvoir discrétionnaire de l'AMP dans l'appréciation de l'intégrité des entreprises
À l'instar de l'AMF, l'AMP bénéficiera de pouvoirs discrétionnaires lui permettant de refuser qu'une entreprise contracte avec un organisme public, et ce, notamment, compte tenu de son expertise afin d'apprécier l'intégrité dont doit faire preuve une entreprise voulant faire affaire avec l'État. Ainsi, nous croyons que les principes développés à cet égard trouveront aussi application dans le cadre de l'AMP. Celle-ci continuera de s'appuyer sur l'importance de la lutte contre la corruption et la collusion dans le domaine des contrats publics, objectif d'intérêt public consacré par la Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics. Les tribunaux devraient donc continuer à donner une interprétation large à la notion d'intégrité.
Par ailleurs, nous sommes d'avis que le transfert de l'AMF vers l'AMP ne remettra pas en question le fait que c'est aux entreprises souhaitant contracter ou sous-contracter avec un organisme public qu'incombe le fardeau de démontrer leur intégrité dans le cadre du processus d'Autorisation.
Que se passera-t-il en cas de refus ou de révocation?
Tout comme cela était le cas sous l'égide de l'AMF, si l'AMP entend refuser d'émettre ou révoquer une Autorisation à une entreprise, elle notifiera un préavis de refus/révocation indiquant à l'entreprise les motifs appuyant son intention de refuser de lui délivrer/révoquer son Autorisation.
Ce préavis pourra, dans certains cas, donner à l'entreprise l'occasion de procéder à des correctifs qui, s'ils sont à la satisfaction de l'AMP, pourront permettre la délivrance/le maintien de l'Autorisation.
Dans tous les cas, l'entreprise aura la possibilité de faire part à l'AMP de ses observations et des informations susceptibles d'influencer la décision à venir. En effet, en notifiant un préavis de refus/révocation, l'AMP devra accorder à l'entreprise un délai d'au moins dix (10) jours pour présenter ses observations par écrit ou fournir d'autres documents pour compléter son dossier.
Est-ce qu'une entreprise peut contester une décision de l'AMP? Si elle souhaite se plaindre de la décision de l'AMP, à qui peut-elle s'adresser?
La décision de l'AMP de refuser une Autorisation ou de la révoquer demeurera lourde de conséquences : l'entreprise concernée pourrait voir son nom inscrit sur le RENA pour une période de cinq (5) ans.
De plus, la décision de l'AMP est une décision administrative. Elle est finale et sans appel. L'entreprise qui veut s'en plaindre devra s'adresser à la Cour supérieure.
Des entreprises ayant essuyé un refus de l'AMF ont intenté des recours en s'adressant à la Cour supérieure en vertu de son pouvoir de surveillance et de contrôle. Sauf en cas de manquement à l'équité procédurale, les tribunaux ont toujours fait preuve d'une grande déférence à l'endroit de l'AMF et ont généralement refusé d'intervenir à l'encontre des décisions rendues par l'AMF. Nous sommes d'avis qu'il en sera de même avec l'AMP.
Conclusion
Selon le dernier rapport de l'AMF[1] couvrant la période de 2017 à 2018, 4 047 entreprises ont pu obtenir l'Autorisation depuis l'entrée en vigueur de ce mécanisme d'autorisation. Sur la seule période de 2017 à 2018, 1 122 autorisations ont été accordées. Selon un rapport du Conseil du trésor[2], il se conclut environ pour 25 G$ en contrats publics au Québec. Selon le même rapport, le bassin potentiel des entreprises susceptibles de soumissionner pour l'obtention de contrats publics est évalué à 24 000. L'AMP jouera donc un rôle déterminant dans le futur, puisque qu'il est à prévoir que le nombre de demandes augmentera au cours des prochaines années.
N'hésitez pas à nous contacter pour toute question.
[1] Rapport de l'AMF, disponible en ligne, page 13.
[2] Rapport du Conseil du trésor, disponible en ligne, page 4.