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Mandats représentatifs

La Cour suprême du Canada rétablit le résultat d’une élection contestée

Fasken
Temps de lecture 8 minutes
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Mandat

Ted Opitz

Opitz v. Wrzesnewskyj et. al.
La Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l’affaire Opitz c. Wrzesnewskyj et. al., le premier appel jamais interjeté en Cour suprême au sujet d’une requête en contestation d’élection en vertu de la Loi électorale du Canada. La décision rendue à 4 contre 3 a confirmé le résultat de l’élection, en mai 2011, de Ted Opitz, le député conservateur du comté de Etobicoke Centre, et a établi le critère pour trancher les futures requêtes en contestation d’élection. La requête avait été soumise initialement à la Cour supérieure de justice de l’Ontario par Borys Wrzesnewskyj, l’adversaire de M. Opitz dans la campagne fédérale de 2011. M. Wrzesnewskyj invoquait dans sa requête des irrégularités uniquement de la part des fonctionnaires d’Élections Canada à dix bureaux de scrutin différents dans le comté d’Etobicoke Centre, comme des cahiers du scrutin mal remplis, des certificats d’inscription manquants et des électeurs votant au mauvais bureau de scrutin. Aucun candidat n’a formulé d’allégation de fraude, de manœuvre frauduleuse ou d’acte illégal en Cour supérieure. Dans une décision rendue le 18 mai 2012, le juge saisi de la requête a conclu que 79 votes « constituaient des irrégularités ayant influé sur le résultat de l’élection » au sens de la Loi électorale du Canada. Il a annulé l’élection de M. Opitz parce que selon le critère du « nombre magique », le nombre de votes irréguliers excédait la majorité de 26 voix ayant permis l’élection de M. Opitz. La Loi électorale du Canada prévoit un droit d’appel obligatoire devant la Cour suprême, laquelle doit statuer sur l’appel « sans délai ». M. Opitz a interjeté appel de la décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario le 28 mai 2012. M. Wrzesnewskyj a quant à lui formé un appel incident à l’égard des votes que le juge saisi de la requête n’avait pas rejetés. La Cour suprême a entendu l’appel le 10 juillet 2012 dans le cadre d’une audience estivale extraordinaire. Se prononçant au nom de la majorité, les juges Rothstein et Moldaver (appuyés par les juges Deschamps et Abella) ont adopté une approche qualifiée de substantielle pour déterminer si des votes devaient être écartés pour cause d’irrégularités, protégeant ainsi le droit de vote prévu à l’article 3 de la Charte, dont l’objet est de permettre à toutes les personnes qui ont le droit de voter de participer au scrutin. Les juges majoritaires craignaient qu’une approche stricte « privilégie la forme aux dépens du fond » et risque d’élargir la marge de contestation en invitant les candidats défaits à examiner les registres électoraux en quête d’erreurs techniques de nature administrative dans l’espoir d’obtenir une seconde chance à une élection. L’approche substantielle comporte deux étapes. D’abord, le requérant doit prouver qu’il y a eu violation d’une disposition législative visant à établir qu’une personne a le droit de voter (c’est à dire que l’électeur est un citoyen canadien, qu’il a 18 ans ou plus et qu’il réside dans la circonscription pertinente). Ensuite, le requérant doit démontrer qu’en raison de cette violation, une personne a voté sans en avoir le droit. Tout au long des procédures, le fardeau de la preuve incombe au requérant, bien que l’intimé puisse présenter des éléments de preuve, comme des preuves après les faits, pour prouver le droit de l’électeur de voter. Ayant appliqué le critère, les juges majoritaires ont conclu que le juge saisi de la requête avait commis deux erreurs de droit. Il avait mal énoncé et mal appliqué le fardeau de preuve en tirant ses conclusions au sujet des votes enregistrés à deux bureaux de scrutin, et il avait omis de tenir compte d’éléments de preuve importants en tirant ses conclusions au sujet des votes à deux autres bureaux de scrutin. Les juges majoritaires ont établi qu’en raison de ces erreurs, il n’y avait pas lieu de faire preuve de retenue à l’égard des conclusions du juge saisi de la requête. De plus, comme le dossier de cour était constitué uniquement de documents et que l’appel devait être entendu sans délai, la Cour pouvait tirer ses propres conclusions au sujet de la validité des votes en question. Les juges majoritaires ont examiné la preuve et ont conclu que pour la majorité des votes écartés par le juge saisi de la requête, le requérant avait omis soit de prouver une « irrégularité » en vertu de la Loi électorale du Canada, soit d’établir qu’une irrégularité prouvée avait influé sur le résultat de l’élection. Les juges majoritaires ont donc rétabli 59 des 79 votes (et n’ont pas examiné les 20 autres). Puisque le nombre de 20 votes restants était inférieur à la majorité du candidat élu M. Opitz, l’appel a été accueilli et la requête en contestation d’élection a été rejetée. Bien que les juges majoritaires aient adopté le critère du « nombre magique » pour en venir à leur décision, ils n’ont pas écarté la possibilité de recourir, à l’avenir, à une méthode « plus réaliste » pour trancher les requêtes en contestation d’élection. La juge en chef McLachlin (appuyée par les juges LeBel et Fish) a exprimé sa dissidence, faisant valoir que la qualité d’électeur ne constitue pas un critère suffisant; l’électeur doit également remplir les conditions d’inscription et d’identification, puisqu’il s’agit de mesures de contrôle essentielles à l’intégrité du système électoral. Les juges dissidents ont cependant convenu que le fardeau de la preuve incombait au requérant tout au long des procédures. Or, les juges dissidents ont conclu qu’une « irrégularité » s’entend de tout manquement aux exigences de la Loi électorale du Canada (à l’exception de manquements de pure forme ou insignifiants), et qu’un tel manquement entache l’élection s’il est susceptible d’influer sur le résultat de l’élection et de toucher un nombre suffisant de votes pour avoir influé sur ce résultat. Les juges dissidents ont établi que le juge saisi de la requête avait appliqué le bon fardeau de preuve et qu’il n’avait pas commis d’erreur à l’égard de 65 bulletins de vote écartés. Puisque ce nombre dépassait la majorité du candidat élu, les juges dissidents auraient rejeté l’appel et annulé l’élection. Les juges majoritaires ont rejeté l’appel incident, ne voyant aucune raison de modifier les conclusions du juge saisi de la requête à l’égard de ces votes. Les juges dissidents ont estimé quant à eux inutile de se pencher sur la question. W. Thomas Barlow et Nicholas Shkordoff, avec l’aide de Zohaib Maladwala, de Fasken Martineau DuMoulin LLP, ont représenté l’intimé (l’appelant) Ted Opitz en Cour supérieure et en Cour suprême.

Équipe

  • W. Thomas Barlow, c.r., Associé, Toronto, ON, +1 416 868 3403, tbarlow@fasken.com
  • Zohaib I. Maladwala, Associé, Toronto, ON, +1 416 868 3453, zmaladwala@fasken.com