L'Espace RH est rédigé sous la direction de Lyne Duhaime, de Karen M. Sargeant et de Brian P. Smeenk.
Un employé difficile déclare qu'il démissionne et prend la porte. Le problème est-il résolu ou les problèmes ne font-ils que commencer? Des causes récentes montrent qu'il est difficile de savoir quand un employé a vraiment démissionné, du moins, du point de vue des tribunaux. Se tromper pourrait engendrer des coûts importants pour l'employeur.
Tenir compte de la conduite passée des parties dans le cadre de la relation de travail
Dans l'affaire Haftbaradaran v. St. Hubertus Estate Winery Ltd. (PDF - disponible en anglais seulement), il semblait évident à première vue que l'employé avait démissionné. Après une dispute avec son patron, l'employé avait déposé ses clés sur le bureau de ce dernier, lui avait serré la main et lui avait souhaité bonne chance avec son entreprise. Il avait ensuite ramassé ses effets personnels et avait quitté les lieux. Malgré ces faits, la Cour suprême de la Colombie-Britannique n'a pas admis la conclusion de l'employeur selon laquelle M. Haftbaradaran avait démissionné.
La Cour a estimé que la conduite de l'employé devait être jugée à la lumière de la conduite passée des parties et selon une interprétation raisonnable de la situation. Dans cette affaire, l'employeur savait que M. Haftbaradaran était hypersensible et « émotionnellement instable». Il avait tendance à pleurer facilement et à avoir d'autres réactions émotives. Il lui était déjà arrivé de déposer ses clés sur le bureau de son patron et de le défier de le congédier. Compte tenu de ces antécédents et du fait que l'employeur connaissait les coups d'éclat de M. Haftbaradaran, le tribunal a déclaré qu'un observateur raisonnable n'aurait pas considéré cette éruption d'émotions de l'employé comme une démission sans équivoque.
Par contre, le courriel que l'employeur a envoyé ensuite à Haftbaradaran, dans lequel il supposait que la relation d'emploi était terminée et ne laissait à M. Haftbaradaran aucune marge de manœuvre pour négocier, a été considéré comme un congédiement. Bien que l'employé n'eût que 23 mois d'ancienneté, la Cour a conclu que l'employeur devait lui verser 8 mois de salaire tenant lieu de préavis. Elle a tenu compte des difficultés de M. Haftbaradaran à trouver un emploi et de la nature très spécifique de son travail. De plus, la Cour a ordonné à l'employeur de payer 2 000 $ pour les séances d'aide psychologique auxquelles M. Haftbaradaran a eu recours pour traiter sa dépression!
Tenir compte de la façon et du moment choisis pour la « démission »
L'affaire Balogun v. Deloitte & Touche LLP (PDF - disponible en anglais seulement) est une autre cause de la Colombie-Britannique où le tribunal n'a pas admis la conclusion de l'employeur selon laquelle un employé avait démissionné.
M. Balogun croyait qu'il méritait une augmentation salariale, mais son employeur n'était pas du même avis et a plutôt demandé à M. Balogun de combler certaines lacunes dans son travail. M. Balogun a répondu que lui seul était capable d'évaluer son travail. Lorsque son patron lui a demandé ce que cela signifiait pour l'avenir, il a répliqué : « moi, je m'en vais ». M. Balogun a quitté la réunion et son lieu de travail et a pris des vacances prévues. L'employeur a conclu que cette déclaration constituait une démission et a fait préparer les documents pertinents.
La Cour a conclu que la conduite et la déclaration de M. Balogun ne constituaient pas une démission « claire et sans équivoque », comme l'exige la loi. Étant donné les vacances prévues de M. Balogun, l'employeur aurait dû demander à M. Balogun de préciser son intention. Ce qu'il n'a pas fait. Par conséquent, l'employeur était réputé avoir mis fin à la relation d'emploi.
Conséquences pour les employeurs
Les tribunaux de la Colombie-Britannique favorisent peut-être davantage les employés que certains autres tribunaux du Canada, mais les décisions ci-dessus montrent à quel point il est important pour tout employeur canadien de clarifier les intentions de l'employé dans tous les cas de démission volontaire. Même dans les cas où la démission semble ambiguë, comme dans l'affaire Haftbaradaran, les tribunaux canadiens tiendront compte d'éléments tels que la conduite passée des parties dans le cadre de la relation de travail et le moment choisi pour la démission. Une pratique d'emploi prudente serait de toujours obtenir de l'employé, préférablement par écrit, une confirmation qu'il quitte volontairement son emploi avant de mettre fin officiellement à la relation d'emploi.