L'utilisation des services d'un chauffeur-livreur par une pharmacie oeuvrant dans le commerce de détail prend généralement trois (3) formes juridiques. La pharmacie peut embaucher le chauffeur‑livreur à titre de salarié, soit utiliser les services d'un travailleur autonome ou recourir aux services d'une entreprise spécialisée. Ces trois (3) formes contractuelles comportent des droits et obligations pour la pharmacie que nous proposons de revoir brièvement.
L'embauche du chauffeur-livreur à titre de salarié
La nature du contrat
Le contrat qui intervient entre la pharmacie et le chauffeur-livreur salarié est un contrat de travail au sens des articles 2085 et 2087 du Code civil du Québec (ci-après le « Code civil »). Le contrat de travail est également régi par certaines dispositions d'ordre public dont celles contenues à la Loi sur les normes du travail, L.R.Q., c. N-1.1 (ci-après la « Loi sur les normes »), à la Loi sur la santé et la sécurité du travail, L.R.Q., c. S-2.1 (ci-après la « Loi sur la santé et sécurité ») et à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001 (ci‑après la « Loi sur les accidents du travail »).
À titre de salarié, le chauffeur-livreur est également sujet aux dispositions du Code du travail en matière de syndicalisation.
Les obligations et responsabilités de la pharmacie
À titre d'employeur du chauffeur-livreur, les obligations et responsabilités de la pharmacie sont nombreuses. Conformément à la Loi sur la santé et sécurité, la pharmacie doit assurer la santé et la sécurité du travail du chauffeur-livreur.
Sujet à la Loi sur les normes, la pharmacie doit assurer au chauffeur-livreur les normes minimales de travail prévues à cette loi, notamment celles relatives au salaire, au temps supplémentaire, aux vacances, aux jours fériés et aux congés sociaux.
En vertu des lois fiscales, la pharmacie doit effectuer les déductions à la source pour les fins d'impôt sur le revenu, des cotisations au Régime des rentes du Québec, de l'assurance-emploi et autres charges sociales auxquelles elle doit aussi contribuer.
Finalement, la pharmacie demeure responsable auprès des tiers des fautes commises par son chauffeur-livreur dans le cadre de l'exécution de ses fonctions.
La terminaison du contrat
À titre d'employeur, la pharmacie ne peut terminer le contrat de travail du chauffeur‑livreur sans lui donner un délai de congé raisonnable au sens du Code civil. De plus, la pharmacie ne peut mettre fin au contrat de travail pour un des motifs interdits par l'article 122 de la Loi sur les normes. Finalement, le chauffeur-livreur qui a plus de deux (2) ans de service continu auprès d'une pharmacie, jouit d'une protection d'emploi. La pharmacie ne peut mettre fin à son emploi sans une cause juste et suffisante (Loi sur les normes, art. 124).
Les considérations pratiques
Pour maintenir un emploi et intéresser un chauffeur‑livreur à titre de salarié, la pharmacie doit justifier un volume minimal de livraisons ou subsidiairement garantir une forme de rémunération, ce qui peut être onéreux dans certains cas. De plus la pharmacie dispose de peu de flexibilité pour utiliser des services de livraison additionnels et temporaires en période de pointe.
L'utilisation des services du chauffeur-livreur à titre de travailleur autonome
La forme contractuelle
Le contrat qui intervient entre la pharmacie et le chauffeur-livreur travailleur autonome en est un de service au sens des articles 2098 à 2129 du Code civil.
Cependant, même si le chauffeur-livreur peut être considéré comme travailleur autonome pour les fins du Code civil et des lois fiscales, il peut être considéré salarié au sens de la Loi sur les normes et la Loi sur les accidents du travail qui ont été rédigées de façon à protéger le « petit entrepreneur dépendant ». C'est souvent le cas lorsque le chauffeur-livreur est une personne physique qui a contracté directement avec son unique client.
Les obligations et responsabilités de la pharmacie
L'établissement du statut du chauffeur-livreur travailleur autonome sera capital dans la détermination des obligations et responsabilités de la pharmacie qui utilise ses services.
Si le chauffeur-livreur est considéré à titre de salarié, les obligations de la pharmacie qui utilise ses services sont les mêmes que celles d'un employeur telles que plus amplement décrites à la première section.
Tout en étant reconnu à titre de travailleur autonome, le chauffeur-livreur peut également être considéré « travailleur à l'emploi » de la pharmacie suivant les articles 1 et 9 de la Loi sur les accidents du travail. Il s'ensuit que la pharmacie doit inclure la rémunération du chauffeur‑livreur dans sa masse salariale aux fins de cotisation. La pharmacie demeure également imputable des accidents du travail potentiels de son chauffeur-livreur.
Par ailleurs, si un lien de préposition est établi entre le chauffeur-livreur et la pharmacie, cette dernière demeure responsable auprès des tiers des dommages résultant des fautes commises par le chauffeur-livreur dans le cadre de l'exécution de ses fonctions.
La résiliation du contrat
En principe, la pharmacie peut résilier unilatéralement, en tout temps, le contrat de service avec le chauffeur-livreur travailleur autonome. Cependant, il arrive fréquemment qu'au moment de la résiliation du contrat et surtout lorsque le chauffeur-livreur est une personne physique qui a contracté directement avec son seul client, qu'un débat survienne sur son véritable statut.
Évidemment, si l'entreprise est considérée comme l'employeur du chauffeur-livreur, elle devient responsable de toutes et chacune des obligations et responsabilités de l'employeur plus amplement décrites à la première section.
Les considérations pratiques
L'utilisation des services d'un chauffeur-livreur à titre de travailleur autonome offre généralement plus de souplesse à la pharmacie. Toutefois, cette souplesse est limitée lorsque la pharmacie requiert des services de livraison additionnels et temporaires en période de pointe.
Cependant, l'utilisation d'un chauffeur-livreur à titre de travailleur autonome requiert beaucoup d'attention de la pharmacie qui utilise ses services. Elle doit s'assurer de légalement bien faire les choses tout au long de la relation contractuelle sous risque d'être reconnue à titre d'employeur du chauffeur-livreur.
L'utilisation des services de livraison d'une entreprise spécialisée
Il est également fréquent que la pharmacie utilise les services d'une entreprise spécialisée dans la cueillette et livraison de messagerie et petits colis.
La forme contractuelle
Le contrat qui intervient entre la pharmacie et l'entreprise spécialisée est régi par les dispositions du Code civil concernant le contrat de service. Généralement, l'entreprise spécialisée est une société et il n'existe aucun lien contractuel entre la pharmacie et le chauffeur-livreur. C'est l'entreprise spécialisée qui transige directement avec le chauffeur-livreur.
Les obligations et responsabilités de la pharmacie
Dans la mesure où la pharmacie ne s'immisce pas dans les relations contractuelles entre l'entreprise spécialisée et le chauffeur-livreur ni dans la direction de l'exécution des services de livaison, elle n'a que pour seule responsabilité de payer le prix convenu à l'entreprise spécialisée. À ce titre, la pharmacie n'encoure aucune responsabilité quant aux lois du travail ni quant à la faute potentielle du chauffeur-livreur à l'égard des tiers.
La résiliation du contrat
Compte tenu que le contrat qui intervient entre la pharmacie et l'entreprise spécialisée est un véritable contrat de service au sens du Code civil, la pharmacie peut y mettre fin en tout temps sans motifs et sans préavis. La pharmacie n'est alors tenue qu'à payer les services déjà rendus et rembourser les dépenses encourues par l'entreprise spécialisée, le cas échéant.
Les considérations pratiques
Le recours aux services d'une entreprise spécialisée peut s'avérer une forme flexible d'utilisation de services de livraison additionnels et temporaires pour des périodes de pointe, et ce, sans créer d'obligation pour la pharmacie. Dans la mesure où la pharmacie ne s'immisce pas dans les relations contractuelles du chauffeur-livreur et l'entreprise spécialisée ni dans la direction de l'exécution des services de livraison, elle n'encoure aucune responsabilité à titre d'employeur. Elle demeure cliente de l'entreprise spécialisée et redevable envers cette dernière uniquement.