Un employé qui s'absente de son travail de façon inattendue peut mettre son employeur dans l'embarras. Il faut alors réaménager l'horaire de travail des autres employés, le service à la clientèle peut en souffrir et la confiance de l'employeur vis-à-vis de son employé peut en être ébranlée. Au vu de ces problèmes, un employeur est-il en droit de congédier un employé au motif que celui-ci a menti pour expliquer son absence? La Cour du Banc de la Reine de l'Alberta s'était déjà penchée sur cette question, mais un arrêt récent de la Cour d'appel de l'Alberta, Telus Communications Inc. v Telecommunications Workers Union (PDF - disponible en anglais seulement), est venu confirmer que le congédiement dans de telles circonstances peut être approprié.
Contexte
Un employé avait demandé une journée de congé pour pouvoir participer à un tournoi de balle lente. Pour des raisons de disponibilité de personnel, le congé avait été refusé. Le matin même du tournoi, l'employé a envoyé un message texte à son gestionnaire pour lui annoncer qu'en raison de « circonstances imprévues », il lui était incapable de venir travailler. Pris de soupçons, le gestionnaire s'est rendu sur les lieux du tournoi, où il a pu voir l'employé en train de lancer la balle. Plus tard, questionné sur la raison de son absence, l'employé a invoqué une diarrhée sévère. Il a soutenu qu'il pouvait gérer ce problème de santé sur le terrain de jeu, mais que cela lui aurait été impossible au domicile d'un client, alors que c'est ce qu'il aurait dû faire s'il s'était présenté au travail. Questionné avec insistance, il a fini par dire qu'il s'était rendu sur les lieux voir son équipe de balle lente jouer, en précisant qu'il n'avait pas participé au tournoi. Lorsqu'on lui a dit que son gestionnaire l'avait vu lancer la balle, il a répondu qu'il avait seulement lancé la balle, mais ne s'était pas présenté au bâton. L'employeur l'a congédié en invoquant un motif valable. Le syndicat a contesté le congédiement par voie de grief.
L'arbitre a statué que l'employeur devait réintégrer l'employé, après avoir conclu que l'explication donnée par l'employé de sa maladie était plausible et que son employeur n'avait pas la preuve qu'il n'avait pas été malade. De plus, l'employé avait prévenu de son absence et était conscient de l'impact sur les clients. Enfin, l'arbitre n'a pas trouvé de raison suffisante pour lui permettre de conclure que le lien de confiance entre l'employé et l'employeur avait été irrémédiablement rompu.
L'employeur a déposé une demande en contrôle judiciaire de cette décision auprès de la Cour du Banc de la Reine (PDF - disponible en anglais seulement), laquelle a annulé la sentence arbitrale et a confirmé le congédiement de l'employé. La Cour a conclu que l'arbitre n'avait pas évalué la preuve de façon appropriée. La seule conclusion raisonnable était que l'employé avait menti en affirmant être malade. Le mensonge de l'employé justifiait son congédiement.
Décision de la Cour d'appel
La Cour d'appel de l'Alberta a rejeté l'appel du syndicat à l'encontre de la décision de la Cour du Banc de la Reine. Elle a notamment jugé qu'il était déraisonnable de la part de l'arbitre d'exiger que l’employeur prouve si l'employé avait été malade ou non. Parce que la question de savoir si l'employé était trop malade pour travailler était cruciale pour établir le motif valable, l'arbitre aurait plutôt dû soupeser l'ensemble de la preuve et procéder à une analyse approfondie de la crédibilité de l'employé. De plus, pour évaluer la crédibilité de l'employé, l'arbitre aurait dû apprécier la cohérence de l'explication qu'il avait donnée au regard de l'ensemble des circonstances.
La Cour a également jugé déraisonnable la décision de l'arbitre d'ordonner la réintégration de l'employé. Les nombreux mensonges de ce dernier avaient causé une rupture irrémédiable du lien de confiance, en plus d'avoir perturbé le service à la clientèle de l'employeur. De plus, comme l'employé occupait un poste de confiance qui exigeait qu'il travaille de manière indépendante et sans supervision, le lien de confiance revêtait une importance encore plus grande.
Répercussions pour les employeurs
Ce jugement de la plus haute cour de l'Alberta est très favorable aux employeurs. Il confirme qu'un employeur a un « motif valable » de congédiement lorsque l'employé a fait preuve de malhonnêteté en faisant une utilisation abusive de la politique de son employeur en matière de congés de maladie et d'assiduité au travail. Il appuie également l'imposition par les employeurs d'autres mesures disciplinaires énergiques aux employés faisant une utilisation abusive de ces politiques.
Pour les employés, cette affaire est une leçon de prudence : le fait de prendre des jours de congé de maladie non autorisés et de mentir à ce sujet peut être un motif valable de congédiement.