Passer au contenu principal
Bulletin

Orientations gouvernementales pour un gouvernement plus transparent

Fasken
Temps de lecture 11 minutes
S'inscrire
Partager

Aperçu

Bulletin Protection de l'information et de la vie privée

Modernisation de la Loi sur l'accès : une transparence accrue des organismes publics

Le 17 mars dernier, le ministre responsable de l'Accès à l'information et de la Réforme des institutions démocratiques présentait un document d'orientations annonçant l'intention du gouvernement de modifier en profondeur la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (« Loi sur l'accès ») en vue d'opérer un « changement de culture » en faveur de la transparence au sein des organismes publics.

Le document de près de 200 pages intitulé « Pour un gouvernement plus transparent, dans le respect du droit à la vie privée et la protection des renseignements personnels », développé à partir d'une comparaison des différentes solutions retenues au Canada et dans le monde, met la table pour la consultation publique à venir à l'Assemblée nationale, étape préliminaire d'un futur projet de loi. 

Parmi les 31 mesures proposées, en voici quelques-unes qui pourraient modifier la façon dont les organismes publics traitent les demandes d'accès.  

Limitation des restrictions

  • Le document préconise un changement d'approche à la Loi sur l'accès : le droit d'accès aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions serait la norme, à moins d'une exception prévue à la loi.
  • Le gouvernement propose de passer en revue les restrictions afin de s'assurer de leur pertinence plus de trente ans après l'adoption de la loi.
  • Le principe selon lequel les restrictions au droit d'accès doivent recevoir une interprétation restrictive serait désormais explicitement inscrit dans la loi. 
  • La formulation « peut refuser de communiquer » contenue à certains articles serait ainsi remplacée par « doit communiquer, sauf…».
  • Les organismes publics seraient désormais tenus de dénoncer d'emblée les restrictions au soutien de leur refus. Ils ne pourraient invoquer de nouveaux motifs en cas de contestation, sauf  circonstances exceptionnelles.

Le gouvernement reconnaît que les intérêts économiques des sociétés d'État doivent être protégés afin de ne pas nuire à leur compétitivité. En effet, les organismes publics à vocation commerciale ou financière doivent bénéficier des mêmes règles du jeu que les entreprises du secteur privé afin de mener à bien leur mission. Nous notons que leur statut particulier ne semble toutefois pas se refléter pleinement dans les modifications proposées à la Loi sur l'accès.

Exigence supplémentaire liée à la motivation

  • Le gouvernement veut exiger des organismes publics qu'ils motivent davantage leurs décisions.
  • Les restrictions invoquées par les organismes publics devraient être démontrées et directement liées aux préjudices réels (et non simplement appréhendés).

Nous comprenons que le gouvernement souhaite que les organismes publics rendent une décision intelligible quant à leur refus de divulgation et précisent les motifs au soutien de leurs prétentions.

Or, la Loi sur l'accès prévoit déjà l'obligation pour les organismes publics de motiver leur refus et d'indiquer les dispositions de la loi sur lesquelles ils s'appuient.

La portée de cette exigence est donc pour l'instant difficile à évaluer, mais nous espérons qu'elle n'ira pas jusqu'à imposer l'équivalent d'affidavits détaillés! Il serait plutôt incongru d'exiger que les organismes publics émettent des motifs plus étayés qu'en matière quasi-judiciaire, où la Cour suprême reconnaît qu'une décision n'a pas à expliciter tous les arguments et détails, en autant qu'on puisse en comprendre les fondements et qu'ils soient acceptables.

Les décisions des organismes publics sont des décisions administratives qui devraient rester brèves, tant qu'elles exposent minimalement leurs motifs, d'autant plus que les délais de réponse demeurent inchangés. En outre, l'exigence de motivation qui est imposée à l'administration publique en vertu de l'article 8 de la Loi sur la justice administrative implique que la décision comporte les éléments essentiels à la compréhension de cette dernière. Nous sommes d'avis qu'il devrait en être de même en l'espèce et que l'exigence en question ne saurait aller au-delà de ce principe.

On peut se questionner sur les conséquences appropriées d'une motivation jugée insuffisante :

  • Les restrictions invoquées seront-elles simplement rejetées parce qu'insuffisantes (auquel cas le tribunal devrait assurer la protection des renseignements personnels)?
  • La décision sera infirmée et le dossier renvoyé à l'organisme public afin qu'il étudie de nouveau les exemptions applicables aux faits et motive sa décision en conséquence?
  • Enfin, un organisme public qui découvre des éléments qu'il n'était pas en mesure de connaître au moment de prendre sa décision pourra-t-il les invoquer au moment de l'audition de la contestation?

Quant à la hausse des exigences de preuve du préjudice, elle ne doit pas faire en sorte de nier que le risque demeure toujours une potentialité, susceptible ou non de se matérialiser. 

Avis aux tiers

  • Désormais, la Loi sur l'accès mentionnerait explicitement que le fardeau de preuve incombe au tiers.
  • Le tiers devrait dès lors démontrer pourquoi les renseignements ne devraient pas être divulgués. À cet égard, les nouvelles orientations semblent vouloir « rehausser les exigences de motivation du refus de communiquer de la part du tiers ».
  • Il est fait état que le délai de vingt (20) jours octroyé au tiers afin de transmettre sa réponse au responsable de l'accès est trop court.

La décision de transférer le fardeau de preuve sur le tiers nous surprend quelque peu. En effet, il faut garder à l’esprit que le tiers est généralement une personne privée qui, le plus souvent, est peu rompue aux raisonnements juridiques. Par conséquent, la volonté de vouloir faire assumer au tiers le fardeau d’une motivation plus exigeante constitue certes une recommandation louable, mais peu adaptée à la situation des tiers qui ne bénéficient pas des ressources et de l’expertise suffisantes en cette matière pour se décharger convenablement de ce fardeau.

Enfin, les orientations demeurent muettes sur les conséquences d’une insuffisance de motivation de la part du tiers. Compte tenu du fait que le fardeau incomberait à ce dernier, une telle insuffisance impliquerait-elle que le responsable de l’accès serait autorisé à communiquer les renseignements en raison du fait que, par son omission à rencontrer un tel standard, le tiers serait présumé avoir consenti à la divulgation? Est-ce à dire que le responsable de l’accès deviendrait, en pratique, l’arbitre ultime de l’existence d’un consentement présumé (ou non)?

Recours entendus par le Tribunal administratif du Québec 

  • La Commission d'accès à l'information (« CAI ») deviendrait un organisme non juridictionnel à deux volets en matière d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels;
  • La section juridictionnelle serait confiée au Tribunal administratif du Québec (« TAQ »).

Ce transfert de la compétence juridictionnelle de la CAI au TAQ soulève des questions pratiques.

D'une part, nous nous demandons si les règles actuelles permettant l'examen à huis clos des documents en litige seront transférées telles quelles devant le TAQ qui n'est pas rompu à une application aussi étendue de la règle du huis clos, laquelle s'avère nécessaire dans ce genre de litige.

D'autre part, nous nous demandons ce qu'il adviendra du droit d'appel : les règles actuelles seront-elles maintenues (appel de plein droit à la Cour du Québec sur toute question de droit ou de compétence) ou les règles gouvernant les appels des décisions du TAQ s'appliqueront-elles désormais?

Déclaration obligatoire des incidents de sécurité

  • Les organismes publics seraient désormais tenus de déclarer systématiquement à la CAI les incidents de sécurité impliquant des renseignements personnels.
  • Les organismes publics devraient également aviser les personnes concernées en cas de risque de préjudice significatif à leurs droits.

L'avis qui serait exigé des organismes publics aux personnes affectées par les incidents de sécurité semble notamment s'inspirer du projet de loi S-4 du fédéral visant à modifier la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (« LPRPDÉ »), lequel retient une exigence semblable quant au risque de préjudice.

Il faut également s'attendre à ce que l'introduction de telles dispositions augmente le nombre de recours collectifs à l'encontre des organismes publics québécois.

En bref, voici une liste de certaines autres propositions contenues au document d'orientations :

  • Introduction d'un chapitre complet sur la diffusion proactive;
  • Réduction de près de la moitié des délais maximum d'inaccessibilité des documents;
  • Augmentation du nombre d'organisations assujetties à la Loi sur l'accès;
  • Introduction des critères de validité du consentement;
  • Introduction de nouvelles dispositions encadrant les services en ligne;
  • Précision des modalités de communication des données personnelles à l'extérieur du Québec;
  • Mise en place et diffusion d'un registre des demandes d'accès traitées;
  • Établissement d'un site centralisé de demandes d'accès en ligne;
  • Révision des dispositions pénales prévues à la Loi sur l'accès.

Ceci n'est qu'un sommaire des mesures proposées au document d'orientations. Il reste à voir si la volonté du gouvernement d'être un modèle de transparence saura s'accompagner des  ressources humaines, matérielles et organisationnelles nécessaires à la mise en œuvre de ce vaste chantier.

Il faut noter que des consultations publiques seront tenues avant le dépôt d'un projet de loi formel visant à modifier la Loi sur l'accès. Il est donc possible que le résultat final soit différent des mesures discutées dans le présent document.

Contactez l'auteur

Pour plus d'informations ou pour discuter d'un sujet, veuillez nous contacter.

Contactez l'auteur

Auteur

  • Marc-André Boucher, Avocat, Montréal, QC, +1 514 397 5257, mboucher@fasken.com

    Abonnement

    Recevez des mises à jour de notre équipe

    S'inscrire