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Les photographies prises à l’embauche peuvent être valides pour des utilisations ultérieures | L'Espace RH

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Bulletin Travail, emploi et droits de la personne

Le droit à la vie privée est en constante évolution et laisse place à différentes applications, notamment en milieu de travail. Récemment, un arbitre du Québec a conclu dans l'affaire Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Brasserie Labatt (CSN) et Brasserie Labatt du Canada (PDF) que la décision de l'employeur d'afficher les photographies des salariés à leurs postes de travail était conforme.

Les faits

L'employeur opère une usine qui œuvre dans le domaine de la production et de la distribution de bière commercialisée sous différentes marques. L'accès à l'établissement de l'employeur est contrôlé et seules les personnes autorisées peuvent pénétrer dans l'usine. Ainsi, tous les travailleurs de l'usine se voient remettre au moment de leur embauche une carte d'accès magnétique avec photographie de l'employé. La carte d'accès permet notamment d'accéder à l'usine, au stationnement et également à pointer leurs heures de travail.

Afin d'uniformiser le système de gestion de toutes ses entreprises à travers le monde, l'employeur adopte un mécanisme d'amélioration continue de la production. Ce mécanisme permet de connaître la performance de l'usine parmi les autres usines, la performance de chaque département et même la performance de chaque employé. Essentiellement, l'application de la politique chez l'employeur implique que chaque employé se voit apposer à son poste de travail un tableau avec sa photo prise à l'embauche et qui contient des indicateurs de performance. 

Le syndicat conteste cette politique au motif qu'il s'agit là d'une violation au droit à la vie privée. Le syndicat invoque entre autres que l'employeur n'a pas obtenu le consentement des employés pour utiliser les photographies aux fins de la nouvelle politique.

La décision

L'arbitre rejette le grief. Sa décision traite des sujets du droit de gérance de l'employeur, du consentement à l'utilisation d'un renseignement personnel et de l'atteinte au droit à la vie privée.

Droit de gérance

L'arbitre rappelle qu'en vertu de son droit de gérance, l'employeur possède le pouvoir de mettre en place des politiques et directives de nature à régir la production et l'efficacité de ses opérations. Il est toutefois important que ces politiques respectent la convention collective ainsi que la législation applicable au Québec, et ce, malgré son objectif d'uniformiser les méthodes de travail à l'échelle internationale; bien qu'une entreprise possède des établissements partout dans le monde, elle doit se conformer aux lois applicables dans chacun des pays où elle opère.

Le consentement à l'utilisation des photographies

L'arbitre aborde ensuite l'argument selon lequel l'employeur aurait dû obtenir le consentement de ses employés afin d'utiliser la photographie prise lors de l'embauche aux fins de la nouvelle politique. À ce sujet, l'arbitre constate que les photographies ont été initialement prises de consentement à des fins d'identification des salariés et de la comptabilisation de leurs heures de travail et que le but de la nouvelle politique est d'évaluer le résultat de la prestation de travail. Ainsi, selon l'arbitre, l'usage des photographies s'inscrit dans le même objectif pour lequel elles ont été prises initialement, soit l'identification et la gestion de la production. Puisque la finalité était la même, l'employeur n'était pas tenu d'obtenir un nouveau consentement pour l'utilisation de la photographie.

Droit à la vie privée

Puisque le grief se situe dans un contexte de relation d'emploi, l'arbitre rappelle que la subordination des employés au droit de direction de l'employeur ne suffit pas pour conclure qu'il y a renonciation implicite à la protection de la vie privée. Il existe donc toujours une sphère d'autonomie personnelle sur les lieux du travail. L'arbitre retient que le droit à la vie privée comprend trois volets : le droit à l'anonymat, le droit à la solitude et le droit au secret et à la confidentialité. Suite à l'analyse de ces volets, l'arbitre conclut qu'il y a absence d'atteinte au droit à la vie privée.

D'abord, pour être en présence d'une atteinte au droit à l'anonymat, il faut entre autres une diffusion publique. Or, l'arbitre souligne que l'affichage d'une photo à un poste de travail dans une usine ne saurait être assimilé à une diffusion publique puisque l'usine de l'employeur ne peut pas être considérée comme un lieu ouvert au public.

En ce qui a trait au droit à la solitude, l'arbitre retient que la politique vise la productivité de l'usine et établit un mécanisme d'amélioration continue de la production. Ce faisant, la politique ne vise pas les choix personnels ou privés des employés.

Finalement, concernant le droit au secret et à la confidentialité, l'arbitre conclut simplement que la politique ne le remet aucunement en cause.

Conclusion

Dans un contexte de mondialisation, plusieurs entreprises ont désormais des opérations dans plusieurs pays. Puisque chaque pays possède son propre système de législation, il est important que l'employeur s'assure que la politique provenant de sa société mère, possiblement établie dans un autre pays, est conforme à la législation locale. La décision de l'arbitre met en exergue les conséquences juridiques auxquelles peut faire face un employeur en cas de violation à la législation ou à la convention collective. Au regard de cette décision, il est également intéressant de constater que l'employeur n'est pas tenu d'obtenir le consentement de son employé pour l'utilisation d'un renseignement personnel le concernant lorsqu'il l'a déjà obtenu et que la finalité de l'utilisation est de même nature.



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Auteur

  • Alexis Charpentier, CRIA, Associé, Montréal, QC, +1 514 397 7457, acharpentier@fasken.com

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