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Les employés fédéraux sont protégés contre les congédiements non motivés – l’affaire Wilson c. EACL | L'Espace RH

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Bulletin Travail, emploi et droits de la personne

Dans Wilson c. Énergie Atomique du Canada Ltée, une Cour suprême du Canada très divisée a annulé une décision de la Cour d'appel fédérale et conclu que sous réserve de quelques exceptions, les employeurs fédéraux ne peuvent pas congédier des employés non syndiqués sans motif. Cette interdiction s'applique même si un employeur est disposé à donner à un employé un préavis et une indemnité de départ généreux.

Cette interprétation des dispositions sur le « congédiement injuste » de la partie III du Code canadien du travail (le « Code ») est conforme à une certaine jurisprudence. Toutefois, les motifs de la majorité de la Cour suprême sont très généraux et pourraient avoir des répercussions importantes sur les pratiques en matière de ressources humaines des employeurs fédéraux.

La prémisse de common law a été « remplacée complètement », mais le recours pour congédiement illégal est toujours possible

Au nom des six juges majoritaires sur cette question, la juge Abella a conclu que l'« objet global » des dispositions sur le congédiement injuste consiste à assurer aux employés fédéraux non syndiqués une protection contre le congédiement sans motif. Selon elle, l'objectif législatif de ces dispositions était d'élargir les droits en matière de congédiement des employés non syndiqués de manière à les rendre « analogues » à ceux des employés syndiqués. Dans le même ordre d'idées, la juge Abella a conclu que la prémisse fondamentale du régime de common law, à savoir qu'il existe un droit de congédier un employé sans motif, avait été « remplacée complètement » par les dispositions en matière de congédiement injuste.

Toutefois, pour des motifs particulièrement vagues, la juge Abella a ensuite conclu que dans le cas où un employé fédéral ne souhaiterait pas faire de réclamation en matière de congédiement injuste selon le Code, il pouvait choisir d'introduire un recours auprès des tribunaux civils pour congédiement illégal afin d'obtenir des dommages tenant lieu de préavis raisonnable en vertu des règles de common law.

Tous les employés ne sont pas admissibles à un préavis et à une indemnité de départ

La juge Abella a également conclu que les dispositions sur le préavis et l'indemnité de départ prévues à la partie III du Code ne s'appliquaient pas aux employés couverts par les dispositions en matière de congédiement injuste. Ces dispositions sur le préavis et l'indemnité de départ s'appliquent uniquement aux gestionnaires, aux employés licenciés en raison d'un manque de travail ou de la suppression d'un poste, aux employés ayant trois à douze mois de service continu, et à tout autre employé non couvert par les dispositions du Code en matière de congédiement injuste.

La dissidence

Dans une dissidence rédigée en termes tranchants, les trois juges minoritaires ont conclu que les employeurs fédéraux avaient le droit de congédier des employés sans motif sous réserve qu'ils leur donnent un préavis et une indemnité de départ raisonnables. Selon eux, les règles de common law s'appliquent toujours; les dispositions en matière de congédiement injuste donnent simplement aux employés qui souhaitent contester leur congédiement un recours supplémentaire qui est plus efficace et la possibilité d'obtenir d'autres remèdes (comme la réintégration).

Écrivant pour la minorité, les juges Côté et Brown ont insisté sur le fait que l'approche de la majorité comportait une faille grave. Ils ont souligné, entre autres, que l'approche de la majorité permettait en réalité à un employé de décider, après son congédiement, quel régime juridique s'appliquerait : les dispositions en matière de congédiement injuste ou les règles de common law. Selon eux, ceci donnerait des résultats « absurdes » dans lesquels un employeur ne serait pas en mesure de connaître ses obligations légales à l'avance, puisque ces obligations dépendraient du choix de l'employé de contester son congédiement au moyen d'une réclamation pour congédiement injuste (en vertu de laquelle le congédiement non motivé est interdit) ou par un recours pour congédiement illégal (en vertu duquel l'employé a droit au préavis raisonnable du régime de common law).

Les conclusions et le raisonnement de la minorité rejoignent en grande partie la décision de la Cour d'appel fédérale, et la position des Employeurs des transports et communications de régie fédérale (ETCOF) et de l'Association canadienne des avocats d'employeurs (ACAE) qui sont intervenus devant la Cour suprême du Canada.

Les répercussions pour les employeurs

Les motifs et les conclusions de la majorité dans la décision Wilson c. EACL sont extrêmement généraux et, sur certains points, très confus. Il est par conséquent difficile d'établir quelles seront les conséquences de la décision sur le plan pratique pour les employeurs fédéraux. À ce stade, les conséquences suivantes semblent découler de la décision :

  • Les employeurs fédéraux n'ont pas le droit de congédier des employés non syndiqués qui n'occupent pas de poste de gestion et  qui ont au moins 12 mois de service continu sans motif, même s'ils sont disposés à leur offrir un préavis et une indemnité de départ généreux. Les employeurs peuvent toutefois encore licencier ces employés en raison d'un manque de travail ou de la suppression d'un poste.
  • Un employé peut choisir de contester la légalité de son congédiement en vertu des dispositions sur le congédiement injuste ou au moyen d'un recours pour congédiement illégal devant les tribunaux civils afin d'obtenir un préavis raisonnable en vertu des règles de common law.
  • Seuls les employés qui ne sont pas couverts par les dispositions sur le congédiement injuste ont droit au préavis légal et à l'indemnité de départ en vertu de la partie III du Code.
  • La protection contre un congédiement non motivé pourrait maintenant constituer une « norme minimale » en vertu de la partie III du Code. Par conséquent, il est permis de se demander si un contrat de travail ou une entente de fin d'emploi qui prévoit un congédiement non motivé pourrait être contesté par un employé comme étant une tentative illicite de déroger au Code.

Malheureusement, les motifs des juges majoritaires ne donnent pas d'explications claires sur diverses questions pratiques découlant de ces principes (par exemple, existe-t-il des circonstances dans lesquelles un employé peut à la fois introduire une plainte pour congédiement injuste et une poursuite civile pour préavis raisonnable?). Nous vous tiendrons au courant des développements à venir lorsque la décision de la Cour suprême sera interprétée et appliquée.

Christopher Pigott et Christina Hall ont représenté l'ETCOF et l'ACAE devant la Cour suprême du Canada



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Auteur

  • Christopher Pigott, Associé | Travail, emploi et droits de la personne, Toronto, ON, +1 416 865 5475, cpigott@fasken.com

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