Le 23 mai 2017 a marqué la conclusion d'un processus de consultation abondamment discuté sur l'état actuel du droit du travail et de l'emploi en Ontario avec la publication du rapport final de l'Examen portant sur l'évolution des milieux de travail (PDF) (le « rapport »). Ce rapport, préparé par les conseillers spéciaux C. Michael Mitchell et John C. Murray, aborde une série de problèmes et propose 173 modifications à la Loi de 2000 sur les normes d'emploi (la « LNE ») et à la Loi de 1995 sur les relations de travail (la « LRT ») de l'Ontario.
La réaction du gouvernement de l'Ontario a été rapide : il a immédiatement annoncé son intention d'apporter d'importantes modifications législatives à la suite de ces recommandations. Le 1er juin 2017, le gouvernement a présenté un projet de loi devant l'Assemblée législative, la Loi de 2017 pour l'équité en milieu de travail et de meilleurs emplois, dans le but de modifier la LNE et la LRT pour « créer plus d'occasions et de sécurité » pour les travailleurs.
Les modifications législatives les plus importantes à venir sont décrites ci-dessous.
Modifications proposées aux normes du travail
- Augmentation du salaire minimum
- À quelques exceptions près, le salaire minimum sera porté à 14 $/heure en 2018 et à 15 $/heure en 2019, ce qui fera de l'Ontario la province la plus généreuse à cet égard, aux côtés de l'Alberta. En plus de cette modification, les salaires poursuivront leurs augmentations en fonction des taux d'inflation.
- Égalité salariale pour un même travail pour les employés occasionnels, à temps partiel, temporaires et saisonniers
- Ces modifications visent non seulement à assurer que ces employés reçoivent le même salaire que leurs collègues travaillant à temps plein, mais également qu'ils puissent le vérifier en demandant une révision salariale s'ils estiment que ce n'est pas le cas, sans crainte de représailles.
- Les employés d'agences de placement temporaire (APT) auront droit à la même rémunération que les employés permanents et à un préavis de fin d'emploi (ou une indemnité de cessation d'emploi en tenant lieu) d'une semaine si l'affectation était prévue pour plus de trois mois.
Ces modifications auront sans aucun doute d'importantes conséquences pour les employeurs ainsi que les agences de placement temporaire et les employeurs qui en font appel. Les modifications entreraient en vigueur le 1er avril 2018.
- Droits relatifs aux horaires
- Les employés auront le droit de demander des changements d'horaire ou de lieu de travail après trois mois de service. Les employeurs ne sont pas tenus d'accepter : la modification vise à protéger les employés qui font de telles demandes contre les représailles.
- Les employés auront le droit de refuser d'effectuer des quarts de travail ou d'être sur appel s'ils ont reçu moins de 96 heures de préavis.
- Les employés dont le quart de travail est annulé dans un délai de 48 heures ou les employés qui travaillent régulièrement plus de trois heures par jour, mais qui se voient offrir moins de trois heures lorsqu'ils se présentent au travail, devront être rémunérés pour trois heures. Les employés « sur appel » qui ne sont pas appelés à travailler devront également être rémunérés pour trois heures par période de 24 heures.
Ces modifications visent à favoriser une plus grande prévisibilité pour les employés. L'employeur qui reçoit une telle demande devra en discuter avec l'employé et l'informer de sa décision dans un délai raisonnable. L'employeur qui refuse une demande devra fournir les raisons du refus à l'employé. Le nombre de demandes que les employés pourront faire n'est pas précisé.
- Heures supplémentaires
- Pour les employés occupant plusieurs postes, le taux utilisé pour calculer la rémunération des heures supplémentaires sera celui du poste occupé au moment des heures supplémentaires. Les taux pondérés seront éliminés, ce qui, bien que simplifiant l'administration, pourra augmenter les coûts de main-d'œuvre pour certains employeurs.
- Classification erronée des employés en tant qu'entrepreneurs indépendants
- Il incombera aux employeurs confrontés à un différend sur la classification d'un entrepreneur indépendant de prouver que cette personne n'est pas un employé. Les employeurs qui ne le font pas pourraient maintenant faire l'objet de poursuites, d'une divulgation publique, d'une condamnation et de sanctions pécuniaires.
Ces modifications législatives, qui devraient entrer en vigueur le 1er janvier 2018, feront sans doute en sorte que les employeurs y penseront à deux fois avant d'engager des entrepreneurs indépendants.
- Responsabilité conjointe facilitée pour les entreprises liées
- À partir du 1er janvier 2018, il sera maintenant plus facile de prendre des mesures contre une entreprise liée pour une infraction à la LNE d'une autre entreprise. La disposition actuelle qui exige une preuve d'« intention ou effet » de faire échec à l'objet de la LNE sera éliminée, ce qui facilitera la collecte d'argent dû d'entreprises tierces liées.
- Augmentation du seuil de vacances payées
- À compter du 1er janvier 2018, l'Ontario se joindra au petit nombre de provinces canadiennes qui offrent des congés annuels plus généreux : les employés auront droit à trois semaines de vacances payées après cinq ans de service.
- Congé d'urgence rémunéré
- Tous les employeurs devront accorder dix journées de congé d'urgence personnelle aux employés, quelle que soit la taille de leurs effectifs. Deux de ces journées de congé d'urgence personnelle devront maintenant être payées, et il sera interdit aux employeurs d'exiger un certificat d'un praticien de la santé qualifié, mais ils pourront tout de même exiger que l'employé fournisse une « preuve raisonnable ». Cette modification entrerait en vigueur le 1er janvier 2018. Fait intéressant : le rapport recommandait plutôt que les billets du médecin soient payés par les employeurs.
- Augmentation de la durée du congé familial pour raison médicale
- Ce congé, utilisé pour fournir du soutien ou des soins aux membres de la famille mourants, passera à 27 semaines sur une période de 52 semaines à compter du 1er janvier 2018.
- Ententes par voie électronique
- Un changement positif pour les employeurs, la LNE précisera maintenant que les « accords » entre les employeurs et les employés peuvent être conclus par voie électronique, par courriel par exemple, à compter du 1er janvier 2019, incluant ce qui a trait aux heures de travail et aux heures supplémentaires.
- Accent mis sur l'application des normes
- Plusieurs mesures sont attendues concernant l'application de la législation. Notamment, le ministère du Travail a mentionné que les sanctions pécuniaires pour la non-conformité passeront de 250 $, 500 $ et 1 000 $ à 350 $, 700 $ et 1 500 $ respectivement. Ces montants seront fixés par règlement. Le recouvrement des salaires, que ce soit par le gouvernement ou par un agent de recouvrement autorisé, sera facilité par divers moyens à compter du 1er janvier 2018.
En plus des modifications législatives, le gouvernement a également fait part de son intention d'investir massivement dans l'application de la LNE en embauchant jusqu'à 175 agents des normes d'emploi qui seront responsables, entre autres, d'inspecter les lieux de travail et d'enquêter sur les plaintes.
Le ministère du Travail a également annoncé son intention, dans le cadre de cette réforme, de procéder dès cet automne à un examen plus approfondi des diverses exemptions de la LNE et des règles spéciales par secteur. Cet examen devrait comprendre des exemptions pour les gestionnaires et les superviseurs.
Modifications proposées à la Loi sur les relations de travail
- Retour au modèle d'accréditation syndicale fondée sur les cartes d'adhésion
- L'accréditation sera maintenant fondée sur les cartes d'adhésion dans des secteurs spécifiques : les secteurs des agences de placement temporaire, des fournisseurs de services de gestion d’immeubles, des soins à domicile et des services communautaires.
Comme l'ont noté les conseillers spéciaux, les résultats des accréditations fondées sur les cartes d'adhésion sont nettement meilleurs pour les syndicats, et ces modifications auront vraisemblablement des conséquences importantes pour ces milieux de travail.
- Faciliter l'accréditation automatique
- Les syndicats seront plus facilement accrédités lorsqu'un employeur contrevient à la LRT.
- Arbitrage de la première convention collective
- Cette modification vise à faciliter l'accès à l'arbitrage de la première convention collective ainsi qu'à la médiation.
- Scrutin secret
- Les votes à l'extérieur du lieu de travail seront maintenant permis, y compris par téléphone et par voie électronique. La CRTO sera également autorisée à donner des directives relativement au processus de vote.
- Accès à une liste des employés et à leurs coordonnées
- Un syndicat pourra maintenant présenter une requête à la CRTO pour avoir accès à une liste des employés. Si la CRTO est convaincue que le syndicat a obtenu l'appui d'au moins 20 pour cent des employés, celui-ci aura maintenant le droit d'avoir accès à une liste des employés. Cette liste devra comprendre le nom de chaque employé compris dans l'unité de négociation proposée et le numéro de téléphone et l'adresse électronique personnelle de chaque employé, si ces renseignements ont été fournis à l'employeur.
- Structure des unités de négociation lorsqu'il y a plusieurs unités
- À l'instar du secteur fédéral et fait intéressant pour les employeurs, la CRTO sera habilitée à modifier la structure des unités de négociation lorsqu'elles ne sont plus appropriées et à regrouper des unités de négociation nouvellement accréditées avec d'autres unités de négociation existantes pour un même employeur après la présentation d'une requête par les employeurs ou les syndicats.
- Protection rehaussée concernant les grèves ou les lock-out légaux et contre les congédiements sans motif valable
- La limite actuelle de six mois pour un droit de retour au travail après une grève ou un lock-out légal sera éliminée.
- Tout aussi significative est l'obligation pour les employeurs de prouver qu'ils avaient un motif valable pour imposer des mesures disciplinaires ou pour congédier un employé durant la période entre la date à laquelle les employés font légalement la grève ou sont en lock-out et la conclusion de la première convention collective ainsi que durant la période entre le moment où le syndicat est accrédité et la conclusion d'une première convention collective.
Toutes les modifications apportées à la LRT doivent entrer en vigueur six mois après que la Loi de 2017 pour l'équité en milieu de travail et de meilleurs emplois ait reçu la sanction royale.
Les prochaines étapes
À la grande surprise de plusieurs, le gouvernement de l'Ontario a rapidement présenté le projet de loi avant que l'Assemblée ne soit prorogée pour l'été. Ce projet de loi a également été rapidement renvoyé au Comité permanent des finances et des affaires économiques. Il s'agira peut-être de la dernière chance pour les employeurs d'être entendus à propos des modifications avant qu'elles n'entrent en vigueur, compte tenu de la majorité détenue par le parti au pouvoir à l'Assemblée législative. Les employeurs voudront donc suivre cette affaire de près, au fur et à mesure que le projet de loi est examiné par le Comité et que les questions liées aux exemptions prévues par la LNE deviennent ouvertes aux commentaires et à la discussion entre le gouvernement et les différents intervenants.
Il sera intéressant de voir si le travail du Comité fera en sorte que d'autres recommandations des conseillers spéciaux se retrouvent dans ce projet de loi ou dans de futures modifications apportées à la LNE et à la LRT. Le milieu des affaires et les organisations syndicales étant préoccupés par la portée des recommandations des conseillers spéciaux, il reste à voir si le gouvernement de l'Ontario arrivera à trouver l'équilibre souhaité dans cette initiative importante.