Il y a quinze ans, la Cour suprême du Canada rendait une décision selon laquelle le piquetage secondaire était généralement considéré légal à moins qu'il ne soit accompagné d'une conduite fautive comme la violence ou le barrage. Cette décision signifiait que les membres d'un syndicat pouvaient effectuer du piquetage devant des entreprises tierces ne participant pas à un conflit de travail afin de mettre de la pression sur l'employeur visé par la grève. À cet égard, soulignons que la décision de la Cour suprême dans l'arrêt S.D.G.M.R., section locale 558 c. Pepsi-Cola Canada Beverages (West) Ltd. (PDF), infirmait quarante années de droit empêchant les syndicats d'entreprendre du piquetage secondaire.
La décision Pepsi-Cola a permis aux gouvernements provinciaux d'adopter des lois restreignant la possibilité d'entreprendre du piquetage à d'autres endroits que l'emplacement visé par la grève. Les lois diffèrent à l'échelle du Canada. Le Labour Relations Code de la Colombie-Britannique (le « Code » - disponsible en Anglais seulement) constitue un exemple de loi qui interdit encore le piquetage secondaire. En effet, le piquetage secondaire est illégal en Colombie-Britannique, à moins que le syndicat en grève ne puisse obtenir une déclaration que l'entreprise ou l'emplacement tierce s'est allié avec l'employeur visé par la grève et aide indûment ce dernier. Les fournisseurs et les autres entreprises affectées peuvent organiser leurs activités en tenant compte des grèves et des lock-outs sans être déclarés des alliés, ce qui signifie que l'« entraide » est permise.
Décision récente
Une décision récente de la Labour Relations Board de la Colombie-Britannique (la « Commission ») a analysé l' « entraide » sous un nouvel angle, rendant encore plus difficile pour les entreprises d'éviter les piquetages secondaires dans cette province. La Commission a examiné les exigences en matière de déclaration d'une entité à titre d'« alliée » de l'employeur visé par la grève aux fins de piquetage dans l'affaire Canada Bread Company, Limited -and- Bakery, Confectionery, Tobacco Workers and Grain Millers International Union, Local Union No. 468, BCLRB No. B101/2017 (PDF - disponsible en Anglais seulement).
Dans cette affaire, Canada Bread a mis les employés de sa boulangerie de Langley en lock-out, ce qui a entraîné une grève du syndicat. Il s'agit d'une importante boulangerie institutionnelle qui dessert une grande partie de l'industrie de l'épicerie dans l'Ouest canadien.
Le syndicat a présenté une demande en vertu de l'article 65 du « Code » pour faire déclarer le centre de distribution Canada Bread un allié de la boulangerie de façon à ce que les membres du syndicat soient autorisés à y effectuer du piquetage. La société a contesté la demande, alléguant que le centre de distribution n'avait ni changé sa relation avec la boulangerie, ni effectué de travail au profit de la boulangerie.
La boulangerie et le centre de distribution ont des activités séparées et des administrations distinctes. Le centre de distribution n'a pas le même syndicat que la boulangerie. Normalement, le centre de distribution reçoit un peu plus de 50 % de son volume de la boulangerie. Toutefois, pour compenser la pénurie en volume de la boulangerie au cours de la grève, Canada Bread a élaboré un [traduction] « plan de contingence robuste afin de parer à toute éventualité » et elle a augmenté le volume de produits livrés par d'autres boulangeries. En raison de cette situation, le syndicat a plaidé que la société utilisait le centre de distribution pour éviter les répercussions économiques de la grève.
Canada Bread a plaidé que pour être considéré un « allié » en vertu du Code, le centre de distribution devait agir dans l'intérêt particulier de la boulangerie et non de la société de façon générale. Elle s'est appuyée sur le fait que le centre de distribution continuait d'accepter tous les produits que la boulangerie envoyait, comme avant. Le centre de distribution n'avait pas modifié son rôle par rapport à la boulangerie et n'avait pas l'intention particulière d'aider la boulangerie à faire front à la grève.
La Commission n'était pas du même avis. Même si elle a conclu que la boulangerie et le centre de distribution constituaient des activités séparées et distinctes et, de ce fait, des employeurs distincts aux fins du Code, elle a néanmoins conclu que le centre de distribution était un allié de la boulangerie. En effet, la Commission a conclu qu'il n'était pas nécessaire que la partie alliée ait l'intention d'aider l'employeur touché à résister à la grève ou encore que l'aide apportée touche directement le travail normalement effectué par les salariés en grève.
Dans cette affaire, le centre de distribution recevait un plus important volume de produits d'Edmonton, de Calgary et de Winnipeg pour compenser la pénurie de produits de la boulangerie visée. La Commission a conclu que les actions du centre de distribution visaient à remplir les commandes et à approvisionner les clients de la boulangerie, et non à protéger ses propres intérêts. Les actions du centre de distribution ont protégé la boulangerie de la pression économique et lui ont permis de faire front à la grève. S'appuyant sur cette logique, la Commission a conclu que le centre de distribution avait modifié sa relation avec la boulangerie, la menant à déclarer le centre de distribution un allié de la boulangerie en vertu de l'article 65 du Code. Ainsi le piquetage au centre de distribution était autorisé.
À retenir
Cette décision souligne les difficultés concernant l'élaboration de plans de contingence pour les entreprises confrontées à des conflits de travail potentiels. Peu importe le territoire de compétence dans lequel une entreprise exerce ses activités, les gestionnaires doivent prévoir les sources d'approvisionnement et la continuité des activités soigneusement afin d'ouvrir la voie à une issue positive dans le cas d'un conflit de travail.