Les exigences en matière de propriété et de contrôle canadiens ne s'appliquent plus à l'égard d'un large éventail d'entreprises de télécommunications exerçant des activités au Canada et ne s'appliquent pas à un nombre croissant d'entreprises de radiodiffusion diffusant du contenu au Canada sur appareils mobiles ou sur Internet. Par contre, ces exigences s'appliquent toujours aux diffuseurs canadiens. Par ailleurs, les non-Canadiens souhaitant établir une nouvelle entreprise de télécommunications ou de radiodiffusion au Canada ou acquérir le contrôle de ce genre d'entreprise dans certaines circonstances doivent tenir compte des dispositions de la Loi sur Investissement Canada.
Télécommunications
Depuis 2012, en vertu de la Loi sur les télécommunications, les restrictions relatives à la propriété étrangère ne s'appliquent qu'aux entreprises qui détiennent plus de 10 pour cent du marché, pourcentage établi en fonction du revenu global des entreprises de télécommunications, lequel revenu est déterminé par le CRTC. Selon ces restrictions, 80 % des actions comportant un droit de vote d'une entreprise de télécommunications doivent être détenues par des Canadiens, 80 % des membres du conseil d'administration de l'entreprise doivent être des Canadiens et l'entreprise ne doit pas être contrôlée de fait par des non-Canadiens. Une société actionnaire d'une entreprise de télécommunications sera considérée comme étant canadienne si au moins 66 2/3 pour cent des actions comportant un droit de vote appartiennent à des Canadiens et qu'elle n'est pas contrôlée de fait par des non-Canadiens.
Dans son tout dernier Rapport de surveillance des communications, le CRTC a indiqué que le revenu global des entreprises de télécommunications canadiennes en 2017 s'est élevé à 48,7 G$, de sorte que les entreprises canadiennes de télécommunications dont les revenus sont inférieurs à 4,87 G$ ne sont pas assujetties aux restrictions relatives au contrôle par des entreprises étrangères, prescrites par la Loi sur les télécommunications. D'ailleurs, il n'y aurait que trois entreprises de télécommunications au Canada qui demeurent assujetties à ces restrictions selon le seul critère du revenu de télécommunications.
Radiodiffusion
Les exigences relatives à la propriété et au contrôle canadiens s'appliquent toujours aux radiodiffuseurs titulaires de permis émis en vertu de la Loi sur la radiodiffusion et à la plupart des radiodiffuseurs exemptés de permis en vertu de cette loi. Ces exigences sont similaires, quoique non identiques, à celles prescrites par la Loi sur les télécommunications : 80 % des actions comportant un droit de vote d'une entreprise de radiodiffusion doivent être détenues par des Canadiens, 80 % des membres de son conseil d'administration ainsi que son chef de la direction doivent être des Canadiens et le radiodiffuseur ne doit pas être contrôlé de fait par des non-Canadiens. Une société actionnaire d'une entreprise de radiodiffusion sera considérée comme étant canadienne si au moins 66 2/3 pour cent des actions comportant un droit de vote appartiennent à des Canadiens et qu'elle n'est pas contrôlée de fait par des non-Canadiens.
Plusieurs entreprises de télécommunications ont des activités de radiodiffusion qui sont assujetties aux exigences de propriété et de contrôle canadiens en vertu de la Loi sur la radiodiffusion même si leurs revenus de télécommunications sont inférieurs à 4,87 G$ et qu'elles ne sont donc pas assujetties à ces exigences de la Loi sur les télécommunications.
Les exigences relatives à la propriété et au contrôle canadiens ne s'appliquent pas aux radiodiffuseurs qui diffusent du contenu uniquement sur appareils mobiles ou sur Internet, appelés des « services par contournement », et qui sont exploités en vertu de l'Ordonnance d'exemption relative aux entreprises de radiodiffusion de médias numériques du CRTC. En raison du fait que le nombre de ces diffuseurs augmente de jour en jour au fil de l'évolution du système de radiodiffusion, comparativement aux diffuseurs traditionnels (par radio, par câble ou par satellite) les radiodiffuseurs non assujettis à ces exigences de propriété et de contrôle canadiens sont de plus en plus nombreux au Canada.
Loi sur Investissement Canada
Bien que les exigences de propriété et de contrôle canadiens de la Loi sur les télécommunications et de la Loi sur la radiodiffusion n'aient pas la portée de jadis, les entreprises non canadiennes souhaitant lancer une nouvelle entreprise de télécommunications ou de radiodiffusion au Canada, ou acquérir le contrôle de telles entreprises, doivent également tenir compte des dispositions de la Loi sur Investissement Canada (la « LIC »).
En vertu de la LIC, un non-Canadien souhaitant constituer une nouvelle entreprise ou faire l'acquisition d'une entreprise existante au Canada doit déposer un avis d'investissement. Dans certains cas, par exemple, lorsque les seuils sont dépassés, le non-Canadien doit également déposer une demande d'examen de l'investissement. Lorsque l'investissement est sujet à examen, le non-Canadien doit établir que l'investissement procurera un « avantage net pour le Canada ».
Normalement, le dépôt d'un avis d'investissement relatif à la constitution d'une nouvelle entreprise canadienne n'est qu'une simple formalité en vertu de la LIC. Toutefois, si la nouvelle entreprise entend exercer des activités commerciales prescrites qui, selon le ministre, font partie du patrimoine culturel du Canada ou de l'identité nationale (une « entreprise culturelle »), le ministre pourrait exiger que l'investissement fasse l'objet d'un examen exhaustif de « l'avantage net pour le Canada » en vertu de la LIC. De nombreuses activités de radiodiffusion, notamment la production, la distribution, la vente ou la présentation de films ou d'enregistrements vidéo et d'enregistrements de musique audio ou vidéo, sont incluses dans la définition d'entreprise culturelle.
Pour ce qui est de l'acquisition d'une entreprise canadienne existante, l'investissement sera sujet à examen uniquement si la valeur de l'entreprise ou, dans certains cas, la valeur de l'actif de l'entreprise canadienne dépasse les seuils prescrits.
Par exemple, le seuil actuel pour les investisseurs dont le contrôle ultime est situé dans un pays membre de l'Organisation mondiale du commerce (l'« OMC ») et qui ne sont pas des entreprises d'État est fixé à 1 milliard de dollars. Le seuil actuel pour les investisseurs dont le contrôle ultime est situé dans un pays signataire d'un accord commercial précisé avec le Canada (notamment l'ALENA et l'AECG) et qui ne sont pas des entreprises d'État est actuellement de 1,5 milliard de dollars. Pour les entreprises d'État qui sont des investisseurs membres de l'OMC, le seuil actuel est de 398 millions de dollars. Les acquisitions de contrôle par des investisseurs qui ne sont pas membre de l'OMC ainsi que les acquisitions de contrôle d'entreprises culturelles par tout non canadien sont assujetties à des seuils beaucoup plus bas : 5 millions de dollars pour des investissements directs et 50 millions de dollars pour des investissements indirects.
Qu'un investissement soit lié ou non à une entreprise culturelle, ou qu'il dépasse ou non les seuils prescrits, la LIC prescrit qu'un investissement est sujet à examen si le ministre a des motifs raisonnables de croire que l'investissement est susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale. Il existe au moins deux cas où l'acquisition de contrôle d'entreprises canadiennes du secteur des télécommunications ou de secteurs connexes a été refusée pour des motifs de sécurité nationale. Il convient de noter que ni l'un ni l'autre de ces investissements n'aurait nécessité que l'entité acquise respecte les exigences de propriété et de contrôle canadiens de la Loi sur les télécommunications.
Si un investisseur est tenu de démontrer un avantage net pour le Canada, il peut soumettre des engagements écrits envers le Canada pour appuyer ses déclarations à cet égard. En vertu de la LIC, un investisseur est tenu de soumettre les renseignements requis de temps à autre pour permettre au gouvernement canadien d'évaluer si l'investissement est effectué conformément à la demande d'examen déposée par l'investisseur ainsi qu'aux observations formulées et aux engagements pris à l'égard de l'investissement.
Le plus grand régisseur sera la LIC. Cette loi prévoit les recours possibles du ministère en cas de non-conformité à tout engagement, y compris une demande de s'y conformer et une ordonnance judiciaire obligeant l'investisseur à se départir du contrôle d'une entreprise canadienne ou à payer une pénalité.
Les exigences de la LIC peuvent s'avérer plus importantes que celles de la Loi sur les télécommunications et de la Loi sur la radiodiffusion en matière de propriété et de contrôle canadien pour la constitution par des non-Canadiens de nouvelles entreprises de télécommunications et de radiodiffusion ou pour l'acquisition par des non-Canadiens d'entreprises de télécommunications et de radiodiffusion existantes.
Stephen Whitehead est un avocat-conseil au bureau d'Ottawa de Fasken possédant une vaste expertise en droit des communications et des affaires. Il est actuellement directeur de la publication Perspectives de la capitale.
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