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Délais de conservation des renseignements sur les employés

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Bulletin Droit du travail et de l'emploi

Les entreprises faisant affaire au Québec collectent divers renseignements sur les candidats potentiels et les employés avant, pendant et à l’occasion de la fin de leur relation d’emploi.

Les renseignements recueillis lors du processus d’embauche peuvent notamment inclure les curriculum vitae des candidats de même que les résultats aux évaluations et réponses à des questionnaires. Durant la période d’emploi, les données collectées sont d’autant plus nombreuses : registres de paies, feuilles de temps et vacances, documents fiscaux, données sur les formations suivies, etc. À la terminaison de l’emploi, des documents supplémentaires sont susceptibles d’être recueillis, notamment des lettres de démission ou de congédiement, des relevés d’emploi ainsi que toute preuve soutenant l’imposition du congédiement comme mesure administrative ou disciplinaire.

La conservation des renseignements personnels ainsi recueillis implique diverses obligations, notamment en termes d’accès à l’information[1] et de confidentialité[2].

L’instauration de telles mesures implique des coûts non négligeables pour les entreprises, notamment quant à l’hébergement ou à l’entreposage des données. Les entreprises faisant affaire au Québec se doivent donc d’assurer la conservation et la confidentialité des données recueillies pour une période suffisante eu égard à leurs obligations légales. Toutefois, elles ont tout autant intérêt à en réduire les coûts inhérents en limitant la période de conservation à ce qui est nécessaire afin de protéger leurs intérêts.

Nous avons préparé un tableau résumant les périodes de conservation obligatoires et recommandées quant aux renseignements recueillis avant, pendant et à l’occasion de la fin d’emploi, lequel se trouve à la fin du présent document.

Quant aux différentes périodes de conservation, il serait opportun d’adopter une approche à deux ou trois niveaux. La taille de l’entreprise, la quantité de documents à conserver ainsi que la quantité de demandes d’accès aux renseignements ou de rectifications sont des facteurs à considérer.

Une approche à deux niveaux consiste en la conservation selon deux délais, soit :

  • six ans à compter de la fin de l’exercice financier ou de la dernière année d’imposition à l’égard duquel les documents en cause ont été tenus (ou l’équivalent de sept ans)[3] pour tous les documents, de nature financière ou non, pour une durée minimalement conforme aux exigences légales les plus strictes;
  • de façon permanente pour les documents dont l’importance justifie une telle conservation.

Une approche à trois niveaux consiste en la conservation selon trois délais :

  • six ans à compter de la fin de l’exercice financier ou de la dernière année d’imposition à l’égard duquel les documents en cause ont été tenus (ou l’équivalent de sept ans)[4] pour les documents de nature financière (par exemple, les documents fiscaux et les documents relatifs à l’assurance-emploi ou au Régime des rentes du Québec, etc.), d’assurances ou d’équité salariale, pour une durée minimalement conforme aux exigences légales les plus strictes;
  • trois ans de la fin d’emploi (ou de la fin des prestations de retraite) pour tous les autres documents; 
  • de façon permanente pour les documents dont l’importance justifie une telle conservation.

Dans tous les cas, un délai doit être prolongé dans le cas d’un litige en cours pour lesquels les documents sont ou pourraient être nécessaires. À ce titre, rappelons que la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé oblige spécifiquement une entreprise qui refuse une demande d’accès ou de rectification à conserver les renseignements personnels en question pour une période de temps suffisamment longue afin de permettre à la personne concernée d’exercer son droit d’accès à l’information ou de rectification de ses renseignements personnels et tout droit de recours en vertu de ladite loi[5].

Par ailleurs, rappelons qu’à défaut d’un délai de conservation expressément prévu à une loi ou un règlement, il est recommandé de conserver tout document relatif à l’emploi pendant une période d’au moins trois ans, et ce, en conformité avec le délai de prescription prévu par le Code civil du Québec, lequel est applicable à la majorité des recours personnels[6].

Mentionnons également que, en vertu du Code civil du Québec[7] et de la Loi sur les normes du travail[8], l’employeur a l’obligation de fournir à l’employé, au moment où prend fin le contrat d’emploi, un certificat de travail faisant état uniquement de la nature et de la durée de l’emploi. L’article 2096 C.c.Q. « reprend en substance les règles édictées sur la remise d'un certificat de travail par l’article 84 de la Loi sur les normes du travail. Il a paru souhaitable d'incorporer une telle obligation dans le droit commun, pour éliminer les exceptions prévues à l'article 3 de cette même loi, qui prévoit que la Loi sur les normes de travail ne s'applique pas à certains salariés, tels l'employé de ferme, le gardien d'enfants, etc. »[9]. Quant à la période de conservation des informations devant être contenues au certificat de travail, une approche d’interprétation littérale porte à croire que ces informations ne doivent être disponibles qu’« au moment où le contrat prend fin »[10] ou « à l’expiration du contrat de travail »[11]. Ainsi, il ne semble y avoir aucune obligation légale de conserver des renseignements plus longtemps après la fin de l’emploi uniquement pour fournir un certificat de travail.

En tout état de cause, il est recommandable pour toute entreprise d’élaborer un calendrier de conservation des documents ou une politique établissant les pratiques en matière de gestion des renseignements personnels des employés tout en précisant les durées minimales et maximales de conservation de ces documents.

Nature des documents 

Période obligatoire 

Période recommandée 

Dossiers de candidature des candidats retenus ou non (curriculum vitae, vérification des antécédents criminels, évaluations médicales ou de compétence, etc.)

Aucune période obligatoire

Minimalement 3 ans, à compter de la fin du processus d’embauche[12]

Registres de paies, feuilles de temps et vacances

3 ans[13]

Minimalement 3 ans suivant la fin de la relation d’emploi[14]

Documents fiscaux et documents quant aux formations complétées par les employées (programmes, contrats, inscriptions, factures)

6 ans suivant la fin du dernier exercice financier auquel les documents se rapportent[15]

7 ans 

Documents relatifs à l’assurance-emploi, y compris les relevés d’emploi

6 ans suivant la fin de l’année à l’égard de laquelle les documents en cause ont été tenus, sauf autorisation écrite du ministre de s’en départir avant la fin de cette période[16]

ou 

Jusqu’à ce qu’une décision soit rendue (y compris l’expiration de l’appel) lors d’un litige[17]

7 ans

Renseignements utilisés pour compléter un programme d’équité salariale

5 ans à compter de l’affichage des résultats d’une évaluation du maintien ou de l’instauration d’un programme d’équité salariale ou tout renseignement utilisé pour évaluer le maintien de l’équité salariale[18]

6 ans

Autres documents d’emploi (contrats d’emploi, lettres de congédiement, preuves de sanctions disciplinaires, etc.)

Aucune période obligatoire

Minimalement 3 ans suivant la fin du dernier de l’un de ces trois événements :

Fin de la relation d’emploi[19];

Paiement de prestations, y compris les prestations de retraite, le cas échéant;

Ou plus de 3 ans dans la mesure où  un litige est pendant

Documents relatifs à la retraite d’un employé (régime de retraite de l’entreprise, Régime des rentes du Québec, etc.)

Aucune période obligatoire

Minimalement 3 ans à compter de l’exigibilité du régime de retraite, soit le décès de l’employé retraité[20]

 

 

 

 


[1] L’article 27, alinéa 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, RLRQ c. P-39.1 prévoit que « toute personne qui exploite une entreprise et détient un dossier sur autrui doit, à la demande de la personne concernée, lui en confirmer l’existence et lui donner communication des renseignements personnels la concernant ». 

[2] Voir notamment l’article 10 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, RLRQ c. P-39.1, lequel dispose que « toute personne qui exploite une entreprise doit prendre les mesures de sécurité propres à assurer la protection des renseignements personnels collectés, utilisés, communiqués, conservés ou détruits et qui sont raisonnables compte tenu, notamment, de leur sensibilité, de la finalité de leur utilisation, de leur quantité, de leur répartition et de leur support ».   

[3] Loi sur l'administration fiscale, RLRQ c. A-6.002, art. 35.1 et Loi de l'impôt sur le revenu, LRC 1985, c. 1 (5e suppl), art. 230(4).

[4] Ibid.

[5] Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, RLRQ c. P-39.1, art. 36.

[6] Code civil du Québec, RLRQ c. CCQ-1991, art. 2925. (« C.c.Q. »).

[7] Art. 2096 C.c.Q.

[8] Loi sur les normes du travail, RLRQ c. N-1, art. 84.

[9] Ministère de la Justice, Commentaires  du ministre de la Justice - Le Code civil du Québec , t. 2, Québec, Les Publications du Québec, 1993, art. 2096.

[10] Art. 2096 C.c.Q.

[11] Loi sur les normes du travail, supra note 8, art. 84.

[12] Art. 2925 C.c.Q.

[13] Règlement sur la tenue d'un système d'enregistrement ou d'un registre, RLRQ c. N-1.1, r. 6, art. 2.

[14] Art. 2925 C.c.Q.

[15] Loi sur l'administration fiscale, supra note 3, art. 35.1 et Loi de l'impôt sur le revenu, supra note 3, art. 230(4) ; Règlement sur les dépenses de formation admissibles, c. D-8.3, r. 3, art.  4.

[16] Loi sur l'assurance-emploi, LC 1996, c. 23, art. 87(3) et 87(4).

[17] Ibid.

[18] Loi sur l’équité salariale, RLRQ c. E-12.001, art. 14.1 et 76.8.

[19] Art. 2925 C.c.Q.

[20] Ibid.

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