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La législation canadienne sur les élections fédérales prend de l’ampleur et acquiert du mordant : serez-vous prêt si le commissaire aux élections fédérales décide de faire preuve de plus de fermeté?

Fasken
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Bulletin droit politique

Les entreprises, les militants et les individus qui ne se sont jamais préoccupés des lois électorales devraient maintenant s’y intéresser. De modifications significatives à la loi électorale fédérale entreront bientôt en vigueur. De nouvelles infractions, de nouveaux pouvoirs de contrôle d’application et de nouvelles obligations exposeront une foule de personnes et d'organisations à de nouveaux risques juridiques.

Une série ambitieuse de réformes institutionnelles et réglementaires venant modifier la Loi électorale du Canada entreront bientôt en vigueur. De nouvelles infractions s'appliqueront afin de réglementer tous les aspects des élections fédérales, comme la publicité, l'influence exercée sur les électeurs par l'intermédiaire d'Internet, et même la durée des périodes électorales futures. De plus, le commissaire aux élections fédérales se verra conférer de nouveaux pouvoirs pour faire appliquer la Loi électorale du Canada , notamment celui d'engager des poursuites.

À l'approche des élections fédérales de 2019, les entreprises et les acteurs politiques ont tout intérêt à évaluer leurs obligations légales en vertu de la Loi électorale du Canada afin de s'assurer qu'ils s'y conforment.

Prolongation de la période d'imposition de restrictions au discours politique

Une fois en vigueur, la nouvelle Loi électorale du Canada   prolongera la période durant laquelle des restrictions au discours politique sont imposées.

Pour la première fois dans le cadre d'une élection fédérale, une période préélectorale sera assujettie à ses propres règles applicables, tant aux diffuseurs de messages publicitaires qu'aux candidats pressentis et aux partis politiques. À compter du 30 juin et jusqu'au début de la période électorale, un large éventail d'activités auparavant non surveillées sera soumis à la surveillance attentive du commissaire aux élections fédérales.

Les nouvelles exigences légales durant la période préélectorale sont notamment les suivantes :

  • Obligation d'inscription des tiers diffuseurs de messages publicitaires.
  • Établissement de plafonds de dépenses pour les tiers diffuseurs de messages publicitaires qui favorisent un candidat ou un parti en particulier ou s'y opposent (à l'exclusion des messages publicitaires portant sur un enjeu).
  • Interdictions visant les tiers étrangers engageant des dépenses à l'égard de messages publicitaires qui favorisent un candidat ou un parti en particulier ou s'y opposent (à l'exclusion de la publicité portant sur un enjeu).
  • Restrictions concernant les dépenses consacrées aux sondages électoraux.

Durant la période préélectorale, la publicité portant sur un enjeu (qui n'a pas pour effet de favoriser un candidat ou un parti politique ou de s'y opposer) demeure non réglementée[1].

La longueur de la période électorale elle-même a été modifiée. Auparavant, la période électorale avait une durée indéterminée qui allait de la date du déclenchement de l'élection au jour du scrutin. Les nouvelles modifications limitent la durée des périodes électorales futures à 50 jours maximum.

Restrictions imposées en matière d'influence et de capitaux étrangers

Un des objectifs des nouvelles modifications apportées à la Loi électorale du Canada est de restreindre fortement l'influence étrangère sur les élections fédérales canadiennes. Il sera désormais impossible aux groupes de militants d'utiliser des capitaux étrangers pour diffuser de la publicité électorale durant la période électorale. Tous les tiers annonceurs publicitaires doivent désormais vérifier d'où provient leur financement afin de s'assurer qu'ils respectent bien les nouvelles règles.

De plus, il est interdit de vendre de l'espace publicitaire en vue de la diffusion d'un message de publicité électorale à des annonceurs publicitaires étrangers pendant la période électorale. Les fournisseurs d'espaces publicitaires en tous genres doivent déterminer de façon judicieuse quel type d'espace publicitaire, et à qui, ils peuvent vendre de l'espace publicitaire.

De plus, une nouvelle infraction a été créée selon laquelle il est interdit aux acteurs étrangers d'exercer une influence indue sur des électeurs, notamment en engageant des dépenses pour directement favoriser un candidat ou un parti ou s'y opposer[2]. Le fait d'agir de concert avec un acteur étranger en vue d'exercer une influence indue sur des électeurs[3] constitue également une infraction.

Nouvelles exigences applicables aux plateformes en ligne

Par ailleurs, la Loi électorale du Canada révisée assujettit à certaines restrictions le discours politique en ligne en imposant des obligations aux plateformes en ligne. Durant la période préélectorale et la période électorale réglementaires, les plateformes en ligne les plus importantes[4] devront tenir un registre des messages de publicité électorale qui y sont publiés. De plus, ces registres de messages publicitaires devront demeurer en ligne pendant les deux années suivant l'élection et, par la suite, être conservés pendant cinq ans par les plateformes en ligne.

La Loi électorale du Canada prévoit également certaines exigences particulières concernant les types de messages devant être inclus et les renseignements devant figurer dans le registre.

Le commissaire dispose désormais de pouvoirs accrus

Comme pour mieux souligner la nature ambitieuse de ces modifications, le gouvernement a également procédé à une restructuration du rôle du commissaire aux élections fédérales. De toute évidence, le gouvernement entendait donner du mordant à ses modifications, en conférant au commissaire de nouveaux pouvoirs importants en matière d'application de la loi Loi électorale du Canada.

Une fois que les modifications apportées à la Loi électorale du Canada seront en vigueur, le commissaire aura le pouvoir de déposer des accusations s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction à la Loi électorale du Canada    a été commise. Les pouvoirs d'une telle nature sont habituellement exercés par les procureurs de la Couronne et par des unités d'enquêtes graves dans les domaines relevant de la police[5]. De tels pouvoirs viendront rationaliser le processus que doit suivre le commissaire pour poursuivre les auteurs d'infractions en lui conférant davantage de latitude pour intenter des recours dans les cas les plus graves de violation de la Loi électorale du Canada.

Le commissaire aux élections fédérales sera également investi du pouvoir d'engager des procédures administratives pouvant l'amener à infliger des sanctions administratives pécuniaires et à produire un rapport public. S'il a des motifs raisonnables de croire qu'il y a eu violation de certaines dispositions de la Loi électorale du Canada, il pourra mener une enquête administrative. 

De surcroît, le commissaire se voit conférer divers autres pouvoirs lui permettant de faire appliquer la Loi électorale du Canada auprès des contrevenants présumés en concluant des ententes de conformité ou en acceptant des engagements de conformité. De telles mesures et leurs résultats seront rendus publics, ce qui risque grandement de nuire à la réputation des personnes en cause.  

Nouvelles infractions à la législation électorale

Les nouvelles infractions créées par les modifications apportées à la Loi électorale du Canada incluent les suivantes :

  • Le fait pour un tiers d'accepter une contribution d'un acteur étranger en vue de financer une publicité électorale.
  • Le fait de dépasser les plafonds de dépenses établis pour la période préélectorale.
  • Le fait de publier sciemment une fausse déclaration sur le désistement d'un candidat.
  • Le fait de faire ou de publier une fausse déclaration selon laquelle un candidat, le chef d'un parti politique ou une personnalité publique associée à un parti politique a commis une infraction ou fait l'objet d'une enquête, avec l'intention d'influencer les résultats d'une élection.
  • Le fait de faire ou de publier une fausse déclaration concernant la citoyenneté, le lieu de naissance, les études, les qualifications professionnelles ou l'appartenance à un groupe d'un candidat, du chef d'un parti politique ou d'une personnalité publique associée à un parti politique, avec l'intention d'influencer les résultats d'une élection.
  • Le fait pour les propriétaires et les exploitants de plateformes en ligne de ne pas s'acquitter de leurs obligations en vertu de la Loi électorale du Canada. Il existe également une autre infraction, plus grave, de ne pas s'acquitter de ces obligations en toute connaissance de cause.

Prochaines étapes

Pour de plus amples informations, veuillez contacter Guy Giorno.


 

[1] La question de savoir si la publicité portant sur un enjeu peut être assujettie à des restrictions durant la période préélectorale a été contestée en vertu de la Charte en Colombie-Britannique. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a confirmé la décision du tribunal inférieur selon laquelle il est inconstitutionnel de restreindre la publicité portant sur un enjeu pendant la période préélectorale. Voir : B.C. Teachers' Federation c. B.C. (Attorney General), 2011 B.C.C.A. 408.

[2] Loi électorale du Canada modifiée, par. 282.4(1) et art.  491.2.

[3] Ibid., par. 282.4(4) modifié.

[4] Les plateformes dont les services en anglais reçoivent en moyenne trois millions de visites par mois ou les services en français, en moyenne un million de visites par mois.

[5] À titre d'exemple, l'Unité des enquêtes spéciales de l'Ontario, qui fait enquête sur les incidents graves mettant en cause des policiers, a le pouvoir de déposer des accusations. Les unités administratives sont souvent tenues par la loi de s'en remettre à la police en ce qui concerne la décision de porter des accusations. Tel est le cas notamment de la commissaire au lobbying, qui doit aviser un agent de la paix si elle a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis une infraction.

 

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