Depuis le 1er avril dernier, la loi de l'Île-du-Prince-Édouard sur le lobbyisme est en vigueur. La loi comprend des dispositions d'application rigoureuses. Les entreprises et les particuliers qui interagissent avec le secteur public de l'Î.-P.-É. doivent maintenant se conformer aux nouvelles exigences en matière d'inscription.
Le Lobbyists Registration Act de l'Île-du-Prince-Édouard est entrée en vigueur le 1er avril 2019. L'Î.-P.-É. est la dernière province canadienne à adopter une loi sur la transparence en matière de lobbyisme.[1] La loi intéressera les entreprises qui interagissent avec les élus ou les fonctionnaires du gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard, ainsi que les consultants et leurs clients.
Loi sur le lobbyisme de l'Î.-P.-É.
La notion de lobbyisme telle que définie dans la loi de l'Î.-P.-É. est cohérente avec celle des autres lois provinciales en la matière. Les activités de lobbyisme sont la communication avec un titulaire de charge publique afin de tenter d'influencer :
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les lois, règlements, politiques et programmes gouvernementaux;
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les subventions gouvernementales, les contributions et autres avantages financiers;
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la privatisation, l'approvisionnement par le privé et la sous-traitance.
Dans le cas des consultants, les activités de lobbyisme comprennent également l'organisation de rencontres avec un titulaire de charge publique, de même que les démarches en vue d'influencer la prise de décisions relatives à l'attribution d'un contrat du gouvernement.
Un appel au grand public constitue également une forme de lobbyisme. Cela constitue une exception au principe que le lobbyisme suppose des communications directes avec un titulaire de charge publique. Ce type de communications se défini comme un appel adressé au grand public en vue de faire pression sur les titulaires de charges publiques. On peut le voir comme une forme de lobbyisme par laquelle le lobbyiste communique indirectement avec le titulaire d'une charge publique en ayant recours à l'aide du public. Le projet de loi de l'Î.-P.-É. exigerait que les lobbyistes déclarent leurs appels au grand public.
Comme cela est courant ailleurs au Canada, les titulaires de charge publique comprennent les personnes élues, employées ou nommées à un poste au gouvernement provincial et les personnes nommées par le cabinet ou par un ministre. Les membres, les dirigeants et les employés des institutions du secteur de l'éducation sont également titulaires de charge publique.
De plus, les membres, les dirigeants et les employés de 22 sociétés d'État provinciales, dont la Prince Edward Island Cannabis Management Corporation, la Prince Edward Island Liquor Control Corporation et la Island Waste Management Corporation, sont titulaires de charge publique.
Exclusion expresse pour les employés municipaux et possibilité d'exceptions futures
La loi sur le lobbyisme de l'Î.-P.-É. exclut toute activité de lobbyisme effectuée par des dirigeants, des administrateurs ou des employés de la Federation of Prince Edward Island Municipalities. Cette exemption est semblable aux exclusions des lois de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse, mais cette exemption n'est pas prévue dans les lois de la plupart des autres provinces. Les lois sur le lobbyisme n'exemptent habituellement pas nommément les organismes de promotion et de défense de droits.
De plus, la loi sur le lobbyisme de l'Î.-P.-É. prévoit que le cabinet provincial pourra exempter de l'exigence d'inscription toute catégorie de lobbyistes qu'il choisit. Cette situation n'est pas sans précédent. L'Alberta, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador et la Saskatchewan autorisent leur cabinet à exempter des catégories de lobbyistes des exigences prévues par la loi. Au Québec, certaines catégories de personnes ou d'organismes sont exclues de la définition de « lobbyiste » par règlement.
Le cabinet de l'Î.-P.-É. n'a exempté aucun lobbyiste pour le moment. Cela n'empêche toutefois pas le cabinet de le faire à l'avenir.
Inscription au registre
De façon similaire à l'approche adoptée par la plupart des provinces et des territoires canadiens, dans le cas d'activités d'un lobbyiste-conseil, la loi de l'Île-du-Prince-Édouard imposerait l'obligation de s'inscrire à chaque lobbyiste-conseil de manière individuelle.[2]
Dans le cas d'activités d'un lobbyiste salarié, l'Î.-P.-É. rend l'employé plutôt que le chef de la direction responsable de l'inscription ses activités de lobbyisme. Ce modèle est utilisé dans les deux provinces maritimes, mais nulle part ailleurs au Canada.[3] Dans le cas d'activités de lobbyisme par des organismes sans but lucratif, le plus haut dirigeant de l'organisation aura à déposer une déclaration mentionnant tous les employés et dirigeants effectuant des activités de lobbyisme.
Les lobbyistes salariés d'entreprises seront tenus de s'enregistrer soit lorsque leurs fonctions individuelles comprennent au moins 50 heures d'activités de lobbyisme au cours d'une période de trois mois ou soit lorsque leurs fonctions, combinées à celles d'autres employés effectuant des activités de lobbyisme, représentent au moins 50 heures d'activités de lobbyisme au cours d'une période de trois mois. Les lobbyistes salariés sont individuellement responsables de la production des déclarations dans les deux mois suivant le jour où ce seuil est atteint, le renouvellement étant ensuite exigé deux fois par année.
Un lobbyiste-conseil doit s'inscrire dans les 10 jours suivant le début de ses activités de lobbyisme et renouveler son inscription de façon semestrielle par la suite. Pour les lobbyistes salariés, à partir du moment où l'employé se qualifie comme un lobbyiste salarié, l'inscription sera exigée dans les deux mois suivant[4] et l'inscription devra être renouvelée de façon semestrielle par la suite. Ces délais sont conformes à ceux qui sont prévus dans d'autres juridictions canadiennes.
Le cabinet de l'Î.-P.-É. a imposé des frais pour le dépôt et la mise à jour de la plupart des inscriptions. Les inscriptions initiales des dirigeants d'organismes à but non lucratif sont gratuites.
Règles d'après-mandat
La loi interdit à un petit nombre de fonctionnaires d'exercer toute activité de lobbyisme après avoir quitté leur poste. Il est ainsi interdit aux anciens titulaires de charge publique d'exercer toute activité de lobbyisme, comme lobbyiste-conseil ou comme lobbyiste salarié, pour une période de six mois après la cessation de leur charge publique. C'est le cas pour :
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les ministres;
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les députés;
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les hauts fonctionnaires de l'Assemblée législative;
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les sous-ministres (notamment toute personne occupant un poste équivalent au sein du cabinet du premier ministre);
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le secrétaire du Conseil du Trésor;
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le greffier ou le greffier adjoint du conseil exécutif;
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toute personne qui a occupé le poste de plus haut dirigeant ou qui a siégé au conseil d'administration de certaines sociétés d'État ou d'organismes publics liés à l'éducation.
Dans le cas des anciens ministres, les restrictions mentionnées ci-dessus s'appliqueraient parallèlement aux restrictions existantes prévues à la Conflict of Interest Act[5]. En vertu de cette loi, un ancien ministre ne peut pas faire des démarches auprès du gouvernement, que ce soit pour son compte ou pour celui d'une autre personne, en ce qui concerne un contrat ou un avantage pendant une période de six mois après avoir cessé d'occuper sa charge publique. Il est également interdit à un ancien ministre de conclure un contrat ou d'accepter un avantage de la part d'un membre du cabinet ou d'un employé du gouvernement ou d'accepter un contrat ou un avantage d'une personne à qui un contrat ou un avantage a été accordé par le ministère au sein duquel il était ministre.
Une lacune importante de la loi est l'absence d'un code de déontologie pour les lobbyistes. Les codes de déontologie des lobbyistes du gouvernement fédéral, du Québec et de Terre-Neuve-et-Labrador énumèrent des règles d'éthique qui doivent être suivies par les lobbyistes. En Ontario, un code de déontologie des lobbyistes devrait être adopté prochainement.
Application
Le non-respect de la nouvelle loi sur le lobbyisme de l'Î.-P.-É. fera l'objet de poursuites judiciaires. La loi crée 24 infractions distinctes, y compris :
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les activités de lobbyisme effectuées lorsqu'une personne n'est pas inscrite au registre des lobbyistes.[6]
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le défaut de déposer une inscription de lobbyiste-conseil dans les dix jours du début des activités de lobbyisme et de façon semestrielle par la suite;
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le défaut de déposer une inscription dans les dix jours suivant l'entrée en vigueur de la loi lorsque les activités de lobbyisme d'un lobbyiste-conseil sont déjà en cours ;
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le défaut de déposer une inscription de lobbyiste salarié dans les deux mois où l'employé d'une entreprise devient un lobbyiste salarié et de façon semestrielle par la suite;
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le défaut de déposer une inscription dans les deux mois de l'entrée en vigueur de la loi lorsqu'un lobbyiste salarié occupe déjà un emploi au sein de l'entreprise ;
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le défaut d'un chef de direction (haut dirigeant) d'une organisation de déposer une inscription de lobbyiste salarié dans les deux mois de l'embauche d'un ou de plusieurs lobbyistes et de façon semestrielle par la suite.
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le défaut d'inclure le contenu prescrit dans une inscription de lobbyiste-conseil;
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le défaut d'un lobbyiste salarié d'une entreprise d'inclure le contenu prescrit dans une inscription de lobbyiste salarié;
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le défaut d'un chef de direction (haut dirigeant) d'une organisation d'inclure le contenu prescrit dans une inscription de lobbyiste salarié;
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le défaut de corriger ou de mettre à jour les renseignements d'une inscription dans les 30 jours suivant un changement.[7]
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le défaut de mettre fin à une inscription dans les 30 jours de la fin ou de la résiliation d'un mandat de lobbyiste-conseil;
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le défaut d'informer le registraire dans les 30 jours de la fin des activités de lobbyisme ou de la fin de l'emploi d'un lobbyiste salarié;
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le défaut de répondre dans les 30 jours à une demande de renseignements de la part du registraire;
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recevoir ou verser des honoraires ou une rémunération conditionnels au résultat des activités de lobbyisme dans le cas d'un lobbyiste-conseil.[8]
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la violation des règles d'après-mandat, c'est-à-dire l'interdiction d'exercer des activités de lobbyisme pour certains anciens titulaires de charge publique;
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faire sciemment une déclaration fausse ou trompeuse dans une inscription ou dans un autre document soumis au registraire;
- dans le cadre d'activités de lobbyisme, placer sciemment le titulaire de charge publique dans une position de conflit d'intérêt réel ou potentiel.[9]
Après condamnation, l'amende maximale s'élèvera à 25 000 $ pour chaque infraction. Des poursuites ne peuvent pas être engagées lorsque deux ans se sont écoulés depuis la conduite alléguée.
Prochaines étapes
Les entreprises et les individus qui communiquent avec le secteur public à l'Île-du-Prince-Édouard devraient évaluer s'ils sont tenus de s'inscrire et d'adopter des politiques et des procédures strictes pour assurer leur conformité aux exigences d'inscription. Pour de plus amples renseignements sur le contenu de ce bulletin, veuillez communiquer avec les auteurs ou un membre de l'équipe de droit du lobbyisme de Fasken.
[1] Parmi les gouvernements territoriaux, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut n'ont pas à l'heure actuelle de lois sur le lobbyisme. L'Assemblée législative du Yukon a adopté une loi visant à mettre en œuvre l'exigence d'inscription des lobbyistes, mais celle-ci n'est pas encore en vigueur. Consulter : Matthew Welch, « La loi sur le lobbyisme actuellement étudiée par l'Assemblée législative du Yukon imposera de nouvelles obligations légales aux entreprises et aux particuliers ».
[2] Seule l'Alberta n'exige pas une inscription individuelle distincte de la part des lobbyistes-conseils.
[3] Il y a seulement au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse que l'inscription sur une base individuelle est obligatoire pour les lobbyistes salariés d'une entreprise.
[4] C'est-à-dire dans les deux mois suivant l'atteinte d'un volume global d'activités de lobbyisme de 50 heures au cours d'une période de trois mois.
[5] R.S.P.E.I., c. C-17.1, art. 24.
[6] Deux infractions distinctes visant les lobbyistes-conseils et les lobbyistes salariés;
[7] Trois infractions distinctes visant les lobbyistes-conseils, les lobbyistes salariés d'une entreprise et les chefs de direction (haut dirigeants) qui déposent des inscriptions d'activités de lobbyisme pour le compte de leur organisation.
[8] Deux dispositions concernant des infractions distinctes, l'une pour la réception d'un paiement conditionnel et l'autre pour avoir fait un tel paiement;
[9] Deux infractions distinctes visant les lobbyistes-conseils et les lobbyistes salariés;