Une décision récente constitue un important rappel aux employeurs d'être prudents à l'égard de la façon dont ils évaluent et traitent les candidats au cours du processus d'embauche. Dans l'affaire Moore v. Ferro (Estate), 2019 HRTO 526, le Tribunal des droits de la personne de l'Ontario (le « Tribunal ») a jugé qu'un cabinet d'avocats avait exercé de la discrimination envers un plaignant en raison de son âge et de sa race en omettant d'enquêter à l'égard de sa plainte en matière de discrimination. Le Tribunal estime aussi que le cabinet d'avocats a fait preuve de représailles.
Que s'est-il passé?
Le plaignant avait 45 ans et s'identifiait comme un homme noir d'origine afro-caribéenne. Il a soumis sa candidature à un cabinet d'avocats en Ontario et a passé plusieurs entrevues.
À la conclusion du processus d'embauche, le cabinet fait savoir au candidat qu'il ne recevra pas d'offre d'emploi. Le candidat envoie alors un courriel de cinq pages au cabinet faisant valoir que ce dernier a exercé de la discrimination à son égard en raison de son âge et de sa race. Dans le cadre de l'échange de courriels qui s'en est suivi, l'avocat principal du cabinet a fait bon nombre de remarques désobligeantes au candidat, y compris celle qui suit : « vous n'auriez jamais passé le cap de l'entrevue avec moi – indépendamment d'où vous venez et de votre composition génétique – car vous êtes étonnamment embarrassant et je ne vous aurais certainement pas embauché ».
Le plaignant dépose alors une plainte contre le cabinet d'avocats pour violation aux droits de la personne.
Quelle a été la décision du tribunal?
Le tribunal a énoncé que les principes qui suivent s'appliquent dans l'évaluation d'une plainte en matière de discrimination fondée sur l'âge et la race :
- Ni l'âge ni la race ne doivent être le seul facteur ou le facteur principal menant à la conduite discriminatoire; il est suffisant qu'il s'agisse d'un facteur.
- Il n'est pas nécessaire d'établir l'intention ou la motivation d'exercer de la discrimination; l'accent est mis sur l'effet des actions de l'intimé sur le plaignant.
- Une preuve directe de discrimination n'a pas besoin d'être présentée; la discrimination sera le plus souvent établie par une preuve circonstancielle et par inférence.
- Les stéréotypes liés à l'âge et à la race découlent habituellement de croyances, de préjugés et de partis pris subtils et inconscients.
Le tribunal a conclu que les actions du cabinet d'avocats étaient discriminatoires parce que l'âge du plaignant avait été un facteur dans la décision de ne pas faire une offre d'emploi au plaignant. À titre d'exemple, dans les notes d'entrevue, une personne a qualifié le demandeur de « plus vieux » candidat et a observé que les autres candidats étaient « jeunes ». Les interviewers ont également attribué des caractéristiques positives aux candidats plus jeunes comme l'ambition, la vivacité d'esprit, des opinions arrêtées et des compétences en informatique. Selon le Tribunal, cette preuve démontrait que l'intimé s'était fié à des stéréotypes liés à l'âge. En se tournant vers l'allégation de discrimination raciale, le Tribunal a déclaré que le fait que seuls des candidats de minorités visibles avaient assisté à des entrevues de groupe ne suffisait pas pour démontrer qu'un processus de recrutement différent a été utilisé pour ces candidats.
Néanmoins, le Tribunal a jugé que le cabinet avait fait preuve de discrimination fondée sur la race en ne prenant aucune mesure pour traiter sérieusement la plainte de discrimination formulée par le plaignant, pour enquêter sur celle-ci et pour répondre correctement à ladite plainte, et en justifiant sa réaction à la plainte en accusant le plaignant de [traduction] « jouer la carte raciale ». Le Tribunal a également conclu que le cabinet a exercé des mesures de représailles en répondant aux allégations du plaignant par des remarques inappropriées, comme qualifier le demandeur de [traduction] « jeune homme très fâché et déçu ».
Ce que les employeurs doivent retenir
Cette décision émane de l'Ontario, mais les employeurs à travers le pays peuvent en tirer des leçons. Les employeurs doivent être conscients de la facilité avec laquelle le processus d'embauche peut être terni par des croyances, des préjugés et des partis pris. Dans la présente affaire, la croyance selon laquelle les candidats plus jeunes possédaient certains traits positifs contrairement aux candidats plus âgés n'avaient pas contribué à la conclusion qu'il y avait eu discrimination.
Les employeurs doivent être courtois dans leurs communications avec tous les candidats à l'embauche. Il faut éviter de s'engager dans un débat. Il ne faut pas faire de remarques désobligeantes à l'égard des habiletés professionnelles ou de la personnalité d'un candidat, même si celui-ci a un comportement qui est jugé comme étant grossier. En revanche, dans le cas où un candidat allègue avoir fait l'objet de discrimination, il doit être pris au sérieux. En effet, il pourrait être approprié de compléter une enquête à l'égard de la plainte afin d'établir s'il faut prendre d'autres mesures.