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Veuillez garder la ligne : Quoi faire quand on reçoit un appel d’un agent d’assurance-emploi?

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Bulletin Travail, emploi et droits de la personne | L'Espace RH

Au terme de son examen à l'égard d'allégations de congédiement injuste en vertu du Code canadien du travail (le « Code »), un arbitre a récemment statué qu'un employeur ne pouvait pas alléguer un congédiement pour inconduite puisque cette question avait déjà été tranchée par un agent d'assurance-emploi. L'agent en question avait accordé des prestations d'assurance-emploi à l'employé. La décision rendue dans l'affaire Alexander c. Huron Commodities Inc. [1] est un rappel pour les employeurs qu'ils doivent éviter de trop parler et faire preuve de prudence lorsqu'ils communiquent avec un agent d'assurance-emploi après un congédiement. Les employeurs doivent également tenir compte des conséquences possibles de ne pas en appeler d'une décision d'un agent d'assurance-emploi.

Les faits

Le 24 janvier 2018, l'on met fin à l'emploi du plaignant. La raison du congédiement n'est pas précisée dans la lettre de congédiement. Le 1er février 2018, l'employé reçoit un relevé d'emploi dans lequel il est indiqué que le relevé est émis à la suite d'un « congédiement ». L'employé présente ensuite une demande de prestations d'assurance-emploi.

En mars 2018, l'agent d'assurance-emploi qui traite la demande communique avec chacune des parties pour déterminer l'admissibilité de l'employé à des prestations d'assurance-emploi. Au cours de la conversation téléphonique avec l'employeur, ce dernier mentionne qu'il a congédié l'employé pour plusieurs raisons, notamment parce qu'il manquait de carburant dans le camion de l'entreprise que l'employé utilisait. Toutefois, l'employeur n'avait pas enquêté ces allégations. Après avoir parlé à l'employé, l'agent d'assurance-emploi détermine que l'employé n'a pas été congédié pour inconduite et qu'en conséquence il a le droit de recevoir des prestations d'assurance-emploi.

Le 14 mars 2018, la Commission de l'assurance-emploi du Canada (la « Commission ») envoie à l'employeur une lettre l'informant que des prestations d'assurance-emploi sont accordées à l'employé parce que la raison de son congédiement n'est pas l'inconduite. Il y est également mentionné que l'employeur peut soit fournir des renseignements supplémentaires qui pourraient amener la Commission a changer sa décision, soit demander un nouvel examen de la demande de prestations. L'employeur ne fait ni l'un ni l'autre.

Le plaignant dépose une plainte pour congédiement injustifié en vertu de l'article 240 du Code. En réponse à cette plainte, l'employeur allègue que l'employé a été congédié en raison de son inconduite ou, à défaut, de son incapacité de s'acquitter correctement de ses fonctions.

Décision provisoire

Au cours d'une audience préliminaire, l'arbitre statue que le principe juridique de préclusion découlant d'une question déjà tranchée s'applique. Ce principe juridique, qui vise à s'assurer qu'une même question ne fasse pas l'objet d'un second litige, empêche l'employeur de faire valoir que le plaignant a été congédié pour raison d'inconduite. La conclusion de l'arbitre est fondée sur trois critères d'application du principe de la préclusion soit que : (1) une décision a été rendue relativement à la même question; (2) la décision précédente était finale; et (3) les parties sont les mêmes dans les deux procédures. [2]

L'arbitre a analysé les faits en fonction de ces critères et a constaté que les trois critères étaient rencontrés :

  1. La question de l'inconduite du plaignant qui est soumise à l'arbitre est la même question qui a été tranchée par l'agent d'assurance-emploi et cette question était un élément fondamental de la décision d'accorder des prestations d'assurance-emploi.
  2. L'agent d'assurance-emploi était habilité à rendre la décision relativement à l'absence d'inconduite. Il s'agissait d'une décision quasi judiciaire et cette décision était finale.
  3. Les parties au dossier d'assurance-emploi sont les mêmes que les parties devant l'arbitre.

Se fondant sur le large pouvoir discrétionnaire qui lui est accordé d'appliquer le principe de la préclusion, l'arbitre a conclu que l'exercice de ce pouvoir n'occasionnerait pas d'injustice pour l'employeur. [3] En parvenant à cette conclusion, l'arbitre a jugé que les facteurs suivants étaient particulièrement pertinents :

Cependant, l'arbitre n'a pas exclu la possibilité de traiter l'autre allégation de l'employeur selon laquelle le congédiement était attribuable au piètre rendement du plaignant. L'agent d'assurance-emploi n'avait pas tranché cette question.

Ce que les employeurs doivent retenir

Les employeurs sous réglementation fédérale et provinciale doivent être prudents lorsqu'un agent d'assurance-emploi communique avec eux, surtout s'il s'agit d'inconduite. Dans de telles situations, les employeurs doivent demander des conseils juridiques afin de déterminer quelle est la meilleure réponse à donner. Plus important encore, ils ne doivent pas ignorer un appel d'un agent d'assurance-emploi. S'ils le font, cela pourrait les empêcher d'invoquer l'inconduite dans de futures procédures pour congédiement injuste ou injustifié, surtout si, après avoir été informé de la décision de l'agent d'assurance-emploi d'accorder des prestations, l'employeur ne fournit pas de renseignements supplémentaires ou ne conteste pas les conclusions de la Commission.


[1] Huron Commodities Inc. v Alexander, 2019 CanLII 11915 (CA LA).

[2] Rasanen c. Rosemount Instruments Limited, 1994 CanLII 608 (ON CA), [1994] O.J. No. 200 (C.A.).

[3] Le vaste pouvoir discrétionnaire accordé aux arbitres quant à l'application du principe de préclusion pour la même question en litige est confirmé dans l'arrêt Danyluk v. Ainsworth Technologies Inc. 2001 CSC 44 (CanLII), [2001] 2 RCS 460.

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Auteure

  • Sophie Arseneault, Associée, Ottawa, ON, +1 613 696 6904, sarseneault@fasken.com

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