Un jugement récent confirme à nouveau que les employés ont une obligation de retourner au travail après un congédiement déguisé afin de limiter leurs dommages si un tel retour n'est pas considéré comme étant gênant, humiliant et/ou dégradant. Dans l'affaire Gent v Strone Inc, 2019 ONSC 155, le tribunal a conclu qu'un employé aurait dû retourner au travail afin de limiter ses dommages après un congédiement déguisé.
Quels sont les faits ?
L'employé, âgé de 53 ans, occupe le poste de spécialiste de la formation en santé et sécurité et travaille pour son employeur depuis environ 22,5 ans.
En 2014, l'employeur voit son volume d'affaires diminuer considérablement. Cette baisse entraîne un certain nombre de pertes d'emploi, dont 22 licenciements et trois mises à pied.
Le 15 octobre 2015, l'employé est mis à pied et on lui dit qu'on le rappellera au travail dès que possible lorsque les affaires s'amélioreront. Cette information lui est communiquée dans le cadre d'une rencontre, puis expliquée dans la lettre de mise à pied qui lui est remise. L'employeur s'engage à maintenir les avantages de l'employé durant la période de mise à pied et demande à ce dernier de le tenir au courant de sa disponibilité et de lui fournir ses coordonnées afin qu'il puisse le rappeler au travail dès que possible. Toutefois, l'employé doit retourner tout l'équipement appartenant à la société, y compris la voiture mise à sa disposition.
L'employeur répond à l'employé en lui expliquant qu'il pourrait se voir rappeler au travail et que la société lui donnera des nouvelles le 9 novembre 2015. L'employé, par l'entremise de son avocat, répond à l'employeur que la relation a été rompue et qu'il ne retournera pas au travail.
Le 10 novembre 2015, la société rappelle l'employé pour qu'il retourne au travail selon essentiellement les mêmes modalités et conditions de travail, mais celui-ci refuse.
Décision
Dans le cadre d'une requête en jugement sommaire, le tribunal a déclaré que l'employé avait en effet été congédié de façon déguisée lors de sa mise à pied. D'une part, le contrat d'emploi de l'employé ne permettait pas à l'employeur de mettre à pied l'employé et, d'autre part, ce dernier n'avait pas consenti à cette mise à pied.
- La lettre indiquait une date de retour au travail tout en donnant à l'employé la possibilité de convenir d'une autre date;
- La lettre mentionnait que l'employeur ne tenait pas rigueur à l'employé ni ne gardait du ressentiment envers lui et qu'il considérait l'employé comme étant important pour la société;
- La lettre mentionnait également que l'employé ne ferait l'objet d'aucune mesure de représailles s'il retournait au travail;
- La lettre reconnaissait que l'employé ne consentait pas à des mises à pied futures; et
- La lettre invitait l'employé à communiquer avec la société s'il avait des questions.
Le tribunal a conclu qu'une personne raisonnable placée dans la même situation que l'employé n'aurait pas trouvé trop gênant, humiliant ou dégradant de retourner au travail. En outre, l'employé n'a fourni aucune preuve pour démontrer en quoi ou pourquoi un retour au travail aurait été gênant, humiliant et/ou dégradant.
Le tribunal a également rejeté l'argument de l'employé selon lequel il n'avait pas à retourner au travail du fait qu'il avait déjà engagé une procédure contre l'employeur au moment où celui-ci lui offrait de retourner au travail. Selon le tribunal, bien que ce fait soit à prendre en considération, il n'est pas déterminant et il ne l'empêche pas de conclure que l'employé doit retourner au travail.