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La nouvelle Loi sur l’évaluation d’impact fédérale

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Bulletin Droit de l’environnement

Les 28 et 29 août 2019, la Loi sur l’évaluation d’impact (« LEI ») entrera en vigueur, accompagnée d’un nouvel ensemble de règlements. À la suite d’un examen en profondeur, cette législation a reçu la sanction royale le 21 juin 2019, la dernière journée où le Sénat siégeait avant la pause estivale et les élections fédérales de l’automne. Maintenant que les règlements sont prêts, le gouvernement émet des décrets visant l’entrée en vigueur du nouveau cadre juridique (à l’exception d’un nombre limité de dispositions).

La LEI remplace la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012) (« LCEE de 2012 ») et diffère considérablement de cette dernière à plusieurs égards. Notre bulletin Du vieux et du neuf: la loi canadienne proposée sur l'évaluation des impacts  présente les principaux changements proposés au processus d’évaluation environnementale. Bien que le Sénat ait apporté des changements au texte législatif depuis, la description du nouveau processus d’évaluation environnementale dans ce bulletin demeure pertinente.

Dans le présent bulletin, nous présentons un résumé de la LEI, de ses règlements et du nouveau processus d’évaluation environnementale.

Un seul organisme responsable - l’Agence canadienne d’évaluation d’impact

En vertu de la LEI, l’Agence canadienne d’évaluation environnementale sera maintenue sous le nom d’Agence canadienne d’évaluation d’impact (l’« Agence ») et sera la seule agence responsable de la gestion et de la coordination des évaluations d’impact (contrairement à la LCEE de 2012, en vertu de laquelle trois différentes agences étaient responsables d’effectuer des évaluations environnementales). L’Agence aura le pouvoir de déléguer toute partie d’une évaluation d’impact à un gouvernement provincial ou à un corps dirigeant autochtone.

Le Sénat a apporté des modifications de sorte que la LEI renforce l’indépendance de l’Agence par rapport au ministre de l’Environnement et du Changement climatique. Par exemple, l’Agence, plutôt que le ministre, aura le pouvoir principal en matière de gestion des délais au cours du processus d’évaluation.

Déclenchement d’un processus d’évaluation d’impact

En vertu de la LEI, une évaluation est requise pour les « projets désignés », qui sont établis de deux façons :

Projets désignés par règlement (la « liste des projets »)

La LEI reprend l’approche adoptée dans la LCEE de 2012 pour désigner les projets par type et selon les critères prescrits par règlement. Les types de projets désignés par le Règlement en tant que « projets pouvant faire l’objet d’un examen » en vertu de la LEI sont très similaires à ceux pour lesquels une évaluation environnementale était requise en vertu de la LCEE de 2012, la majorité des seuils quantitatifs associés demeurent les mêmes ou ont été augmentés, même si de nouveaux types de projets ont été ajoutés et que les autres types de projets englobent davantage de variantes. Par exemple, les projets ayant des composantes qui donnent lieu à des changements à l’environnement dans un parc national ou dans une aire marine protégée sont plus susceptibles de déclencher une évaluation d’impact fédérale qu’auparavant. Il y a lieu de mentionner également les nouveaux types de projets comme les projets d’énergie éolienne extracôtiers. Quelques exemptions motivées par l’intérêt public ont disparu (p. ex., celles entourant la construction de postes d’amarrage maritimes sur des terrains portuaires existants) et d’autres ont été ajoutées (p. ex., les projets de sables bitumineux situés dans des provinces qui ont atteint les cibles provinciales d’émissions de gaz à effet de serre établies par la loi).

Discrétion ministérielle

Comme la LCEE de 2012, la LEI octroie au ministre la discrétion de désigner les projets qui ne sont pas visés par règlement lorsque le ministre est d’avis que l’exercice de l’activité « peut entraîner des effets relevant d’un domaine de compétence fédérale qui sont négatifs ou des effets directs ou accessoires négatifs, ou que les préoccupations du public concernant ces effets le justifient ». La LEI prévoit également expressément que le ministre peut prendre en compte les répercussions préjudiciables sur les peuples autochtones, y compris les femmes autochtones.

De plus, comme le prévoyait la LCEE de 2012, un projet qui est réalisé sur un territoire domanial, même s’il n’est pas « désigné », ne peut être exécuté à moins que l’autorité compétente ait établi qu’il n’est pas susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants, ou, le cas échéant, que le gouverneur en conseil décide que ces effets sont justifiables dans les circonstances.

Une nouvelle étape préparatoire

La LEI introduit une nouvelle étape préparatoire qui vise à aider l’Agence à décider si elle doit réaliser une évaluation, si elle doit se coordonner avec d’autres instances ou agences (comme un gouvernement provincial, une autorité fédérale ou un corps dirigeant autochtone) et quelle sera l’étendue de l’évaluation. L’étape préparatoire donne également l’occasion au ministre de mettre fin à un projet avant le début d’une évaluation si le ministre conclut qu’il est évident que le projet entraînerait des effets relevant d’un domaine de compétence fédérale qui relèvent de l’environnement et qui sont inacceptables ou si une autre autorité fédérale ayant juridiction sur le projet l’informe qu’elle n’émettra pas le permis nécessaire pour le projet.

Cette étape préparatoire commence lorsque le promoteur fournit une description du projet comprenant les renseignements requis. Le Règlement sur les renseignements et la gestion des délais, qui entre également en vigueur le 28 août, énonce des exigences détaillées à l’égard de la description initiale du projet. Les promoteurs auront beaucoup de travail de préparation à faire en amont et devront procéder à certaines études bien avant l’initiation de l’étape préparatoire aux termes de la LEI

La description initiale du projet sera publiée en ligne et l’Agence doit offrir au public l’occasion de formuler des commentaires. La LEI n’a plus de « critères liés au droit de participation » à l’égard de la participation du public comme en vertu de la LCEE de 2012, dans laquelle la définition de « partie intéressée » était limitée à une personne « directement touchée » par le projet ou qui « possède des renseignements pertinents ou une expertise appropriée ». En vertu de la LEI, l’Agence a la discrétion nécessaire pour veiller à ce que le public ait la possibilité de participer de façon significative au processus.

De plus, pendant l’étape préparatoire, l’Agence est tenue d’offrir de consulter toute instance qui a des attributions relatives à l’évaluation des effets environnementaux du projet et tout groupe autochtone qui peut être touché par la réalisation du projet.

À la fin de l’étape préparatoire, l’Agence doit fournir au promoteur un résumé des questions qu’elle juge pertinentes, y compris celles soulevées par le public ou par une autre instance ou un groupe autochtone. Le promoteur devra alors fournir à l’Agence un avis indiquant comment il entend répondre aux questions. 

L’évaluation d’impact

L’Agence doit décider, dans les 180 jours suivant l’affichage en ligne d’une copie de la description initiale du projet, si elle mènera une évaluation d’impact (l’Agence peut, dans certaines circonstances, suspendre ou prolonger ce délai). La LEI énumère les facteurs que l’Agence doit prendre en compte lors de sa prise de décision, ce qui comprend la possibilité d’effets négatifs, les répercussions préjudiciables sur les droits des peuples autochtones et les commentaires du public. L’Agence a également la discrétion de prendre en compte « tout autre élément que l’Agence estime utile ».

Portée

L’avis de l’Agence prévoyant le début de l’évaluation d’impact prévoira également la portée des éléments faisant l’objet d’une évaluation, ainsi que les renseignements et les études que le promoteur devra fournir. La LEI ajoute un nombre d’éléments, comparativement à la LCEE de 2012, avec l’élargissement de la portée des effets environnementaux des projets proposés, notamment :

  • la nécessité du projet;
  • les solutions de rechange au projet;
  • les connaissances traditionnelles des peuples autochtones et les connaissances des collectivités;
  • la contribution du projet envers la durabilité;
  • l’interaction du sexe et du genre avec d’autres facteurs identitaires;
  • la mesure dans laquelle les effets du projet portent atteinte ou contribuent à la capacité du gouvernement fédéral de respecter ses obligations en matière environnementale et ses engagements à l’égard des changements climatiques (le gouvernemental fédéral est en voie d’élaborer une « évaluation stratégique des changements climatiques » qui guidera les évaluations d’impact aux termes de la LEI);
  • les répercussions sur les droits, les communautés et les cultures autochtones.

Les deux premiers éléments (la nécessité du projet et ses solutions de rechange) ne sont pas nouveaux en ce qui a trait à l’évaluation environnementale. Même s’ils ne sont pas compris dans la LCEE de 2012, ils se trouvent dans la version précédente de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale qui a été remplacée par la LCEE de 2012. Les autres éléments, bien qu’ils ne soient pas expressément indiqués en tant que critères prévus à la LCEE de 2012, ont souvent été intégrés en pratique dans la portée des évaluations.

Le processus de l’Agence

Le processus standard d’une évaluation d’impact en vertu de la LEI est similaire à celui prévu en vertu de la LCEE de 2012, à quelques exceptions près, notamment :

  • L’étape préparatoire dont il est question plus haut.
  • L’ébauche du rapport : L’Agence doit afficher une copie de l’ébauche de son rapport afin d’obtenir les commentaires du public avant de finaliser le rapport d’évaluation d’impact.
  • Le délai de rédaction du rapport : L’Agence doit finaliser son rapport d’évaluation d’impact et doit le présenter au ministre au plus tard 300 jours après la conclusion que le promoteur a fourni tous les renseignements demandés.
  • Les prolongations et suspensions : Si l’Agence décide qu’un plus long délai est nécessaire pour permettre une coopération avec toute instance ou pour tenir compte « des circonstances particulières à [ce projet] », l’Agence doit prendre cette décision avant le début de l’évaluation. Le ministre peut prolonger le délai de seulement 90 jours seulement, mais le gouverneur en conseil peut accorder une ou plusieurs prolongations du délai. À certains stades du processus, l’Agence peut suspendre les délais clés (c’est-à-dire « arrêter le compteur ») dans les circonstances prévues dans le Règlement sur les renseignements et la gestion des délais.

Processus de la commission d’examen

La LEI exige que le ministre renvoie l’évaluation d’impact d’un projet désigné pour examen par une commission si le projet est régi par :

  • la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, ou
  • la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie (cette Loi entrera également en vigueur le 28 août et l’Office national de l’énergie deviendra la Régie de l’énergie du Canada).

Le délai de ces évaluations ne devrait pas excéder 300 jours, mais il peut être prolongé à 600 jours dans certaines circonstances.

S’il l’estime dans l’intérêt du public, le ministre peut renvoyer l’évaluation d’impact pour examen par une commission. Si l’évaluation est renvoyée pour examen dans ces circonstances, l’Agence fixe les délais à la commission pour présenter son rapport et ses recommandations. Les délais fixés ne peuvent excéder 600 jours (par rapport aux 2 ans prévus par la LCEE de 2012) sauf si, de l’avis de l’Agence, la commission a besoin de plus de temps pour lui permettre de coopérer avec toute instance ou pour tenir compte des circonstances particulières au projet. À l’instar d’un examen par une agence, à ce stade, le ministre ne peut pas prolonger le processus de plus de 90 jours, néanmoins le gouverneur en conseil peut accorder une ou plusieurs prolongations. De même, le Règlement sur les renseignements et la gestion des délais prévoit les circonstances dans lesquelles l’Agence peut suspendre le délai.

Commission d’examen conjoint

Comme le prévoyait la LCEE de 2012, le ministre peut former une commission d’examen conjoint avec d’autres instances, qui se verra alors confier les attributions pour procéder à l’évaluation.

Substitution

Dans certaines circonstances, comme le prévoyait la LCEE de 2012, le ministre peut autoriser la substitution d’un processus d’évaluation de toute autre instance (au sens de la LEI) à l’évaluation d’impact prévue en vertu de la LEI.

Prise de décision relative à l’évaluation d’impact

Le processus décisionnel prévu par la LEI repose sur la question de savoir si les effets négatifs identifiés dans le rapport d’évaluation sont dans l’« intérêt du public ». Le ministre doit répondre à cette question ou la renvoyer au gouverneur en conseil. Ce processus se distingue de celui de la LCEE de 2012 pendant lequel le ministre (ou toute autre autorité responsable) devait décider si un projet était susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs et importants, et si c’était le cas, le gouverneur en conseil devait décider si ces effets étaient justifiables dans les circonstances.

La prise de décision en fonction de l’« intérêt public » doit se fonder sur les éléments suivants :

  • la mesure dans laquelle le projet contribue à la durabilité;
  • la mesure dans laquelle les effets négatifs sont importants;
  • la mise en œuvre des mesures d’atténuation (définies comme comprenant « les mesures de réparations de tout dommage causé par ces effets, notamment par remplacement, restauration ou indemnisation »);
  • les répercussions sur les peuples autochtones et leurs droits reconnus et confirmés par l’article 35;
  • la mesure dans laquelle les effets portent atteinte ou contribuent au respect des obligations du Canada en matière environnementale et de ses engagements à l’égard du climat.

La déclaration remise au promoteur peut comprendre des conditions relatives aux effets négatifs, et notamment des mesures d’atténuation et un programme de suivi.

La déclaration doit également fixer la période dans laquelle le promoteur doit « débuter l’essentiel » de la réalisation du projet désigné. L’expression « débuter l’essentiel » n’est pas définie, néanmoins la LEI précise que le point de vue du promoteur sera pris en considération pour fixer cette période. Les options mises à la disposition des promoteurs en cas d’évènements imprévus et inévitables qui pourraient entraîner des retards (par exemple, une baisse soudaine du prix des produits de base ou une catastrophe naturelle comme un feu de forêt) demeurent incertaines.

Des délais doivent être respectés pour remettre la déclaration. Lorsqu’ils prennent une décision, le ministre dispose de 30 jours et le gouverneur en conseil dispose de 90 jours suivant l’affichage du rapport d’évaluation. Cela étant dit, ces délais peuvent être prolongés.

Les dispositions transitoires

La LEI décrit le processus pour les projets qui ont été soumis ou entrepris en vertu de la LCEE de 2012 avant l’entrée en vigueur de la LEI :

Examen préalable sous le régime de la LCEE de 2012

Si le promoteur a fourni à l’ancienne agence une description du projet désigné et que l’ancienne agence n’a pas affiché un avis de sa décision, l’examen préalable prendra fin. La description du projet désigné fournie sera néanmoins réputée être la description initiale du projet fournie au sens de la LEI.

Évaluation environnementale sous le régime de la LCEE de 2012

Si l’ancienne agence a affiché l’avis du début de l’évaluation environnementale au titre de la LCEE de 2012, l’évaluation se poursuivra sous le régime de la LCEE de 2012. Le promoteur est tenu de fournir à l’Agence les études ou les renseignements exigés par l’Agence ou par l’ancienne agence en vertu de la LCEE de 2012 dans les délais requis, sinon l’évaluation environnementale prendra fin. De plus, dans les 60 jours qui suivent la date d’entrée en vigueur de la LEI, un promoteur peut demander à l’Agence de poursuivre l’évaluation environnementale comme une évaluation d’impact en vertu de la LEI.

La commission sous le régime de la LCEE de 2012

Une evaluation renvoyée à une commission au titre de la LCEE de 2012 continuera sous le régime de la LCEE de 2012. Un promoteur peut demander au ministre de poursuivre cette évaluation comme une évaluation d’impact en vertu de la LEI.

Substitution

Une évaluation environnementale commencée sous le régime de la LCEE de 2012 pour laquelle le ministre a autorisé un processus de substitution se poursuivra sous le régime de la LCEE de 2012.

Projet réalisé sur un territoire domanial

La LEI ne s’applique pas aux projets pour lesquels une autorité fédérale a déjà pris une décision à l’égard de l’importance des effets négatifs du projet sur le territoire domanial au titre de l’article 67 de la LCEE de 2012.

Priorité aux peuples autochtones

Les peuples autochtones sont au cœur de la LEI, qui prévoit diverses dispositions visant à s’assurer que leurs droits, leur culture et leurs connaissances traditionnelles soient pris en considération aux différents stades de l’évaluation d’impact. Cela ressort de l’énoncé de l’objet de la LEI, notamment :

  • promouvoir la collaboration et la coordination des activités avec les corps dirigeants autochtones qui sont des instances;
  • promouvoir la communication et la collaboration avec les peuples autochtones;
  • veiller au respect des droits des peuples autochtones;
  • veiller à prendre en compte les connaissances autochtones et les connaissances des collectivités.

Pour obtenir plus de renseignements sur les modifications de la législation qui se rapporte spécifiquement aux peuples autochtones, vous pouvez consulter notre précédent bulletin sur le sujet intitulé Projets de loi C-68 et C-69 : un plus grand rôle à jouer pour les communautés autochtones dans les processus d’évaluation environnementale.

Conclusion

Le gouvernement actuel fait la promotion de la LEI en tant que transformation fondamentale du processus d'examen des projets, et l'opposition conservatrice affirme que cette nouvelle loi freinera la réalisation de projets. Reste à voir dans la pratique à quel point le processus sera différent.  Quoi qu'il en soit, une planification minutieuse et stratégique en amont du processus sera essentielle pour en assurer le bon déroulement.

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Pour plus d'informations ou pour discuter d'un sujet, veuillez nous contacter.

Contactez les auteurs

Auteurs

  • Kai Alderson, Associé | Droit des Autochtones, Responsabilité sociale d’entreprise, Vancouver, BC, +1 604 631 4956, kalderson@fasken.com
  • Bridget Gilbride, Associée | Droit des Autochtones, Vancouver, BC, +1 604 631 4891, bgilbride@fasken.com
  • Stephanie Sanger, Associée | Droit des Autochtones, Vancouver, BC, +1 604 631 4810, ssanger@fasken.com

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