L'octroi d'une prime discrétionnaire à la cessation d'un emploi pourrait ne pas être discrétionnaire. Si la prime est devenue une partie intégrante de la rémunération d'un employé, celui-ci pourrait avoir droit à cette prime lors d'une période de préavis raisonnable. Pour en arriver à cette conclusion, le tribunal prendra en considération certains facteurs, dont le fait que la prime ait été accordée chaque année, que des primes aient été accordées par le passé, que l'employeur n'ait jamais utilisé son pouvoir discrétionnaire au détriment de l'employé et que la prime constituait une partie importante de la rémunération totale de l'employé.
Dans une décision récente, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a statué que, pendant la durée de l'emploi, une prime discrétionnaire a été octroyée de manière à ce que l'employé pouvait croire que cette discrétion serait exercée à son avantage et donc que le refus de l'employeur de payer la prime d'une manière qui n'était pas équitable ni transparente pourrait permettre de conclure que l'employeur enfreignait les droits contractuels de l'employé.
Dans le dossier Thoma v. Schaefer Elevator Components Inc., 2019 BCSC 100, l'employé, B.T., avait conclu avec Schaefer Elevator un contrat de travail avec une durée déterminée de cinq ans. En plus de son salaire de base, l'employé devait recevoir une prime annuelle pouvant aller « jusqu'à » 24 000 $ par année, ladite prime était déterminée selon des « objectifs fixés d'un commun accord » et le « degré d'atteinte » de ces mêmes objectifs par l'employé. Le contrat d'emploi prévoyait que Schaefer Elevator pouvait y mettre fin moyennant un préavis de six mois et que, le cas échéant, l'employé aurait droit à « la rémunération convenue au contrat pendant sa période de préavis de six mois ».
L'emploi de B.T. a pris fin en octobre 2017 et l'entreprise lui a versé six mois de son salaire de base. Il a alors réclamé des dommages pour violation de contrat découlant de la cessation d'emploi, alléguant que Schaefer Elevator avait manqué à son obligation contractuelle de lui verser la rémunération totale à laquelle il avait droit aux termes de son contrat lors de sa dernière année d'emploi en 2017 et durant la période de préavis de six mois. Il soutenait que sa prime annuelle faisait partie intégrante de sa rémunération et que, compte tenu du comportement antérieur de l'employeur à l'égard du paiement des primes lorsque les conditions préalables n'étaient pas remplies, l'employé était raisonnablement en droit de s'attendre à ce que l'employeur n'exerce pas son pouvoir discrétionnaire contre lui en refusant de payer la prime.
Schaefer Elevator a allégué qu'elle n'avait pas l'obligation de payer la prime puisque les modalités du régime de primes étaient expressément indiquées dans le contrat d'emploi. Elle a ajouté qu'étant donné que l'employé n'avait pas rempli les conditions préalables figurant dans le contrat de travail à l'égard de l'attribution de la prime, il n'y avait pas droit contractuellement.
Bien que les conditions préalables écrites du régime de primes n'aient pas été remplies, le tribunal a néanmoins considéré les facteurs énoncés précédemment afin de déterminer si l'employé avait droit à la prime et il en est venu à la conclusion que dans ce cas, l'employé y avait droit. Fait important, le tribunal a établi qu'en raison de la conduite passée de Schaefer Elevator à l'égard du paiement des primes lorsque les conditions préalables figurant dans le contrat n'étaient pas remplies, l'employé avait une attente raisonnable concernant la manière dont son employeur allait exercer son pouvoir discrétionnaire prévu au contrat lors du paiement de la prime. B.T. a obtenu une prime de 20 000 $ pour la dernière année de son contrat d'emploi. Cependant, il est intéressant de noter qu'il n'a toutefois pas reçu de prime en lien avec la période de préavis. Le tribunal a statué que la cessation d'emploi était conforme au contrat d'emploi et que par conséquent, l'employé n'avait pas été privé à tort de la possibilité d'obtenir une prime annuelle.
Ce que les employeurs doivent retenir
Même lorsque les modalités d'un régime de primes indiquent expressément que le versement de la prime est discrétionnaire, la conduite d'un employeur peut avoir une incidence quant à l'aspect discrétionnaire de la prime lors de la cessation d'emploi. Les employeurs devraient connaître et respecter les modalités du régime de primes et surtout, ils devraient garder à l'esprit l'incidence de la constance et de l'historique de l'exercice du pouvoir discrétionnaire lors de l'attribution de primes au cours des années de service d'un employé.