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Contre la montre : dix jours cruciaux pour contester un marché public visé par un accord commercial

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Si un marché public est visé par un accord commercial, les délais pour soumettre une opposition à une institution gouvernementale ou porter plainte au Tribunal canadien du commerce extérieur sont courts et appliqués de manière stricte. Pour conserver vos droits si votre soumission n'est pas retenue, il est important de comprendre quand et comment ces délais sont déclenchés.

Les choses ne se sont pas déroulées comme prévu… Que se passe-t-il maintenant?

Les soumissionnaires de marchés publics du gouvernement fédéral visés par un accord commercial[1] peuvent recourir au processus de plaintes du Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE). Le TCCE est un tribunal spécialisé qui donne accès à un processus d'instruction de plaintes rapide et efficace comme solution de rechange ou complémentaire aux poursuites judiciaires intentées devant un tribunal provincial ou fédéral.

Une fois que le TCCE accepte d'instruire une plainte, il doit rendre une décision définitive dans un délai maximal de 135 jours. Par souci d'efficacité, les délais applicables aux contestations relatives aux marchés publics sont très courts et appliqués de manière stricte.

Contestation d'une décision d'une institution gouvernementale

Le Règlement sur les enquêtes du TCCE sur les marchés publics prévoit un processus de règlement des différends liés à une soumission en deux étapes. Toutefois, la première étape est parfois redondante, auquel cas le soumissionnaire non retenu doit passer à la deuxième étape pour conserver ses droits.

Première étape : soumettre une opposition

Bien que le processus d'opposition soit un processus moins formel que le dépôt d'une plainte auprès du TCCE, ne le prenez pas à la légère pour autant. Les chances d'avoir gain de cause dans une plainte déposée ultérieurement auprès du TCCE dépendent en grande partie du moment où l'opposition est soumise et de son contenu.

Le processus d'opposition permet au soumissionnaire et à l'institution gouvernementale d'essayer de régler une contestation relative à un marché public en amont du processus plus formel du dépôt d'une plainte auprès du TCCE. Le soumissionnaire non retenu soumet son opposition directement à l'institution gouvernementale, laquelle répond directement au soumissionnaire non retenu.

Un soumissionnaire non retenu doit soumettre une opposition à l'institution gouvernementale dans les dix jours ouvrables qui suivent le jour où il a pris connaissance du fondement de l'opposition ou aurait dû en prendre connaissance.

Sur quoi l'opposition doit-elle porter?

Il n'y a aucun formulaire précis à remplir pour soumettre une opposition. Toutefois, le contenu de l'opposition revêt une importance primordiale : tous les motifs connus d'opposition doivent y être inclus. Si un soumissionnaire décide ultérieurement de déposer une plainte en bonne et due forme auprès du TCCE, celui-ci pourrait refuser d'examiner tout motif invoqué dans la plainte s'il conclut que le soumissionnaire en connaissait l'existence ou aurait raisonnablement dû en connaître l'existence, mais avait omis de l'inclure dans l'opposition initiale déposée auprès de l'institution gouvernementale.

Le TCCE traite les oppositions au cas par cas et, de manière générale, considère que les oppositions qui sont vagues, qui manquent de précision ou qui ne permettent pas à l'institution gouvernementale de bien saisir l'objet de la plainte ne répondent pas aux exigences fondamentales applicables aux oppositions énoncées dans le Règlement. Le TCCE a précisé qu'une opposition doit :

  • indiquer expressément ce qui est contesté dans le processus d'approvisionnement;
  • fournir suffisamment de détails pour permettre à l'institution gouvernementale de comprendre l'objet de l'opposition et d'y répondre;
  • fournir un niveau de détail équivalant au niveau de détail fourni par l'institution gouvernementale. Par exemple, si l'institution a expliqué en détail pourquoi une soumission ne respectait pas un critère donné, un soumissionnaire qui se contente d'indiquer qu'il est en « désaccord » avec cette décision sans donner d'explication n'apporte rien d'utile au processus;
  • demander réparation (Quel est le résultat souhaité de l'opposition? Une réévaluation de la soumission? L'attribution d'un contrat? Une relance de l'appel d'offres?).

Si la réponse de l'institution gouvernementale n'est pas satisfaisante ou si l'institution gouvernementale refuse d'accorder la réparation demandée dans l'opposition, le deuxième délai commence alors à courir. Le soumissionnaire n'a que dix jours ouvrables après le jour où il a reçu la réponse de l'institution gouvernementale pour déposer une plainte auprès du TCCE.

Deuxième étape : déposer une plainte auprès du TCCE

Toute plainte auprès du TCCE doit être faite par écrit et conformément aux exigences de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur. La plainte doit : renfermer un énoncé clair et détaillé des motifs de la plainte; énoncer la nature de la réparation demandée et comprendre tous les renseignements et documents pertinents à la plainte, y compris les documents à l'appui et les communications se rapportant à l'opposition. Comme le TCCE ne tient habituellement pas d'audiences de vive voix, la qualité de la plainte écrite déposée auprès du TCCE est primordiale.

Contre la montre : quand les délais commencent-ils à courir?

Oppositions

Parfois, le début du délai de dix jours pour soumettre une opposition est évident. Par exemple, si la soumission retenue répond à toutes les exigences obligatoires et propose le prix le moins élevé, une lettre de regret de l'institution gouvernementale indiquant le nom du soumissionnaire retenu et le montant de la soumission retenue sera considérée par le TCCE comme le fondement d'une opposition.

Il y a une différence entre les renseignements qui aident un soumissionnaire non retenu à mieux comprendre la situation et les renseignements qui, bien qu'ils soient partiels, permettent à un soumissionnaire de comprendre que le TCCE pourrait conclure que le soumissionnaire savait ou aurait dû raisonnablement savoir qu'il existe un fondement à son opposition.

Par ailleurs, le fondement d'une opposition n'est pas toujours aussi clair et il est possible qu'un soumissionnaire ait besoin de renseignements supplémentaires pour mieux comprendre s'il existe ou non un fondement à une opposition. Par exemple, si une lettre de regret indique seulement que le soumissionnaire non retenu a obtenu un pointage inférieur à celui du soumissionnaire retenu, sans donner de raison pour ce pointage inférieur, il est alors difficile d'établir les motifs possibles d'une opposition.

Dans un tel cas, un soumissionnaire non retenu devra demander des renseignements supplémentaires à l'institution gouvernementale pour décider s'il soumettra ou non une opposition. Toutefois, les soumissionnaires ne doivent pas oublier qu'ils ne peuvent se fier qu'aux renseignements qui leur ont réellement été fournis pour déterminer si le dépôt d'une plainte est justifié (et non sur les renseignements que l'institution gouvernementale leur a simplement promis ou qu'ils s'attendent à recevoir de celle-ci).

Plaintes

Les conséquences stratégiques et pratiques d'une opposition correctement formulée sont encore plus importantes lorsqu'une plainte est déposée auprès du TCCE. Dans sa décision d'enquêter ou non sur une plainte, le TCCE établira si une opposition a été formulée (ou aurait dû être formulée) et si l'institution gouvernementale a répondu ou non à l'opposition.

Un volet fondamental de l'examen du TCCE à ce stade-ci consiste à déterminer si l'opposition et la plainte ont été signifiées dans le délai de dix jours applicable. Quand est-ce que le soumissionnaire « savait ou aurait dû raisonnablement savoir » qu'il existait un fondement à une opposition ou une plainte? Le soumissionnaire a-t-il formulé une opposition? Y a-t-il eu réel refus de réparation de la part de l'institution gouvernementale et à quel moment ce refus a-t-il été exprimé?

Il est important de garder à l'esprit que même si un compte rendu avec l'institution gouvernementale est prévu, toute information échangée ou toute interaction entre le soumissionnaire et l'institution gouvernementale avant le compte rendu peut faire courir le délai.

Qu'entend-on par « connaissance directe ou par déduction du refus »?

Un soumissionnaire prend directement connaissance du refus de réparation lorsque l'institution gouvernementale rejette explicitement son opposition. Par exemple, en réponse à une lettre d'opposition, l'institution gouvernementale informe le soumissionnaire qu'elle maintient sa décision et que le contrat contesté a été attribué à un autre soumissionnaire. Un refus de réparation peut aussi être formulé directement dans une lettre de regret. Plus les détails fournis concernant la méthodologie d'évaluation sont abondants et plus la lettre de regret est personnalisée en fonction des exigences particulières de la demande de soumissions, plus la lettre de regret est susceptible de démarrer le compte à rebours.

Lorsque l'institution gouvernementale n'a pas directement refusé la réparation, le soumissionnaire peut, selon les faits en cause, prendre connaissance du refus par déduction. Pour déterminer s'il y a connaissance du refus par déduction, on procède à une analyse au cas par cas.

Par exemple, le TCCE a conclu qu'un soumissionnaire a pris connaissance du refus de réparation par déduction dans une affaire où le soumissionnaire avait soumis une lettre d'opposition, mais n'avait pas reçu de réponse de l'institution gouvernementale après « l'écoulement d'un délai raisonnable ». Dans d'autres situations, le TCCE a fixé une période à l'intérieur de laquelle le gouvernement devait répondre à une opposition, faute de quoi il y avait connaissance par déduction du refus de réparation (l'absence de réponse s'apparentait à un refus de réparation implicite).

Un refus de réparation n'est pas toujours donné par écrit : il peut l'être verbalement, en personne ou par téléphone. Il n'a pas besoin d'être donné officiellement dans le cadre d'un compte rendu. Toutefois, si un compte rendu a lieu, le TCCE considérera vraisemblablement que le soumissionnaire a pris connaissance du fondement de sa plainte à ce moment-là.

Si le refus de réparation est manifeste, ou si la réponse de l'institution gouvernementale peut être interprétée comme un refus de réparation, même si elle est accompagnée d'une promesse que l'examen de l'opposition sera approfondi, le délai de dix jours commence à courir et le soumissionnaire doit déposer une plainte auprès du TCCE pour conserver son droit de recours.

Un exercice risqué : tenter de faire prolonger le délai en entretenant une communication continue

Les soumissionnaires qui tentent d'obtenir une prolongation du délai de prescription en multipliant les réunions et les campagnes épistolaires alors qu'il est évident que le fondement d'une plainte est déjà connu obtiennent rarement gain de cause auprès du TCCE.

Même si un compte rendu est prévu ou si l'institution gouvernementale continue de discuter de l'affaire, de répondre à des appels ou d'assister à des rencontres, s'il y a eu refus de réparation, le délai pour déposer une plainte ne sera pas prolongé. À ce jour, personne n'a réussi à convaincre le TCCE de prolonger le délai en invoquant essentiellement les mêmes points à répétition ou en présentant des arguments supplémentaires concernant le même motif de plainte.

Résumé

Les accords commerciaux offrent aux soumissionnaires un processus accessible et rapide pour gérer les contestations relatives à des marchés publics. Toutefois, pour assurer l'efficacité du processus, les délais sont courts et appliqués de manière stricte. Il n'est pas toujours simple de déterminer le moment où l'institution gouvernementale en cause a rejeté une plainte et, par conséquent, le moment où le délai pour déposer une plainte officielle auprès du TCCE commence à courir. Pour conserver son droit de recours, un soumissionnaire non retenu doit impérativement travailler avec une équipe juridique ayant une connaissance pratique de l'ensemble du processus d'approvisionnement – y compris la préparation de comptes rendus, les oppositions et les processus et procédures du TCCE.

 

Nous remercions tout spécialement Novera Khan de ses contributions au présent bulletin.



 

[1] Les accords commerciaux qui s'appliquent à un marché public seront précisés dans l'avis d'appel d'offres, habituellement dans la section intitulée « Détails » ou « Description ».

 

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Pour plus d'informations ou pour discuter d'un sujet, veuillez nous contacter.

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Auteures

  • Marcia Mills, Associée | Cochef, Sécurité nationale, Ottawa, ON | Toronto, ON, +1 613 696 6881, mmills@fasken.com
  • Novera Khan, Avocate, Ottawa, ON, +1 613 696 6874, nkhan@fasken.com

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