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Montrer des photos de son pénis à sa superviseure : un motif de congédiement valable même pour un employé de longue date

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Bulletin Travail, emploi et droits de la personne | L'Espace RH

L'attitude à l'égard du harcèlement sexuel a changé au cours des dernières années et ce changement se répercute petit à petit dans la jurisprudence en matière de harcèlement sexuel en milieu de travail. Il n'y a pas si longtemps, un arbitre aurait pu, dans certains cas, réintégrer un employé congédié pour harcèlement sexuel, voire même pour attouchements non consensuels. Or, les arbitres adoptent maintenant une position différente. Une décision rendue récemment dans le contexte d'un arbitrage, Calgary (City) v CUPE, Local 37 (Mossman Grievance), confirme que le congédiement peut constituer une sanction appropriée pour un employé de longue date qui se livre à du harcèlement sexuel même si son dossier disciplinaire est vierge.

Les faits

Le plaignant dans cette affaire était un employé qui comptait trente années de services auprès de son employeur à titre de conducteur-opérateur-ouvrier. Il avait un dossier disciplinaire sans tache. Les employés qui exercent des fonctions de conducteur-opérateur-ouvrier ont l'habitude de communiquer par messages textes avec leur contremaître et leur contremaître de secteur. Le plaignant et AB, une contremaîtresse de secteur, échangeaient des messages textes en lien avec leur travail. Toutefois, à partir de février 2017, le plaignant a commencé à ajouter à ses messages textes des commentaires romantiques et des insinuations à caractère sexuel. Entre autres, il s'adressait fréquemment à AB en utilisant des surnoms affectueux, comme « chérie » (dear) et disait qu'elle était « séduisante » (good-looking), ou qu'elle lui manquait. Le plaignant a également envoyé à AB deux photos de pénis « humoristiques » tirées d'Internet.

AB ne s'est pas plainte d'emblée au sujet de ces messages. Elle ignorait les commentaires, les balayait du revers de la main et ramenait la conversation sur des sujets liés au travail, ou faisait quelques brèves plaisanteries sexuelles en réponse aux blagues.

En avril 2018, le plaignant montrait à AB des photos de dommages causés à son camion sur son téléphone portable. En faisant défiler les photos, il a montré une photo de son pénis en érection. En riant, il a dit  « oups » et qu'il n'aurait pas dû lui montrer cette photo-là. AB était fortement choquée. Le plaignant a offert à deux reprises d'envoyer la photo à AB. Elle ne lui a pas répondu.

AB a alors signalé la conduite du plaignant à la direction. Le plaignant a été suspendu et on lui a dit de ne pas communiquer avec d'autres employés au sujet de ces allégations. Malgré cet avertissement, le plaignant a contacté son contremaître par l'entremise de Facebook pour lui parler de sa suspension et l'a prévenu de se méfier d'AB, lui disant « Ne lui fait pas confiance » (Don't fkn [sic] trust her).

Lors d'une réunion d'enquête, le plaignant a prétendu qu'il avait montré la photo à AB par erreur. Il a admis qu'il n'avait pas de remords et qu'il n'avait pas pensé aux conséquences de sa conduite sur AB. À la conclusion de l'enquête, l'employeur a conclu que le plaignant avait fait preuve d'une inconduite répréhensible, et il a été congédié.

La décision

L'arbitre a conclu que le plaignant avait l'intention de montrer la photo de son pénis à AB et que l'inconduite dont il avait fait preuve était extrêmement grave. L'arbitre a ajouté que même si tous les cas de harcèlement sexuel sont répréhensibles, il existe divers degrés d'inconduite. Les commentaires s'apparentant à de la séduction formulés à l'égard d'AB étaient importuns et agaçants, mais ce genre de harcèlement sexuel n'est pas trop grave. L'envoi de photos de pénis qu'il avait trouvé sur Internet était grossièrement inapproprié, mais le geste de harcèlement sexuel le plus grave était d'avoir intentionnellement montré à AB une photo de son pénis en érection et d'avoir ensuite fait pression sur elle pour qu'elle accepte d'en recevoir une copie.

Afin d'évaluer si le congédiement était exagéré ou non, l'arbitre a pris en compte les facteurs suivants :

  • le plaignant a fait preuve d'une inconduite de plus en plus grave;
  • le plaignant n'a pas accepté la responsabilité de ses actes; et
  • le plaignant n'a exprimé aucun remords.

L'arbitre a souligné que le fait que le plaignant ait tenté de nuire à AB lors de l'enquête en disant à son contremaître de se méfier d'elle était un facteur aggravant.

L'arbitre a affirmé que l'inconduite du plaignant avait détruit la confiance nécessaire au lien d'emploi. Il a maintenu le congédiement.

Principaux points à retenir

Il s'agit d'une décision importante pour les employeurs en milieu syndiqué, qui démontre que le harcèlement sexuel peut être suffisant pour justifier un congédiement, et ce, même lorsque la personne congédiée est un employé de longue date au dossier disciplinaire vierge. Cette décision démontre également à quel point les arbitres prennent au sérieux le harcèlement sexuel en milieu de travail, particulièrement à l'ère #moiaussi. De plus, cette décision rappelle aux employeurs l'importance de prendre des notes détaillées au cours d'une enquête, y compris quant à l'attitude d'une personne, étant donné que l'absence de remords du plaignant et son incapacité à accepter la responsabilité de ses actes ont pesé lourd dans la décision de l'arbitre de confirmer le congédiement.

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Auteure

  • Megan Beal, Associée, Toronto, ON, +1 416 865 5442, mbeal@fasken.com

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