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Réconciliation et renouvellement : ce que vous devez savoir au sujet de la nouvelle directive applicable aux marchés d’approvisionnement et aux baux du gouvernement fédéral au Nunavut

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Bulletin Approvisionnement

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La nouvelle Directive sur les marchés de l'État, incluant les baux immobiliers, dans la région du Nunavut (la « Directive ») entrera en vigueur le 20 décembre 2019.

La Directive met en œuvre des exigences à l'échelle du gouvernement fédéral afin de s'assurer qu'un appui est fourni aux entreprises inuites pour leur permettre de participer aux processus concurrentiels en vue d'obtenir des marchés de l'État, y compris les baux immobiliers, et de s'assurer d'une mise en œuvre uniforme des obligations prévues aux termes du plus important règlement de revendications territoriales au Canada, l'Accord entre les Inuits de la région du Nunavut et Sa Majesté la Reine du chef du Canada (l'« Accord relatif au Nunavut ») (PDF - disponible en Anglais seulement), qui a été conclu en 1993.

L'article 24 de l'Accord relatif au Nunavut énonce les principes fondamentaux de la conclusion de marchés d'approvisionnement, mais la Directive précise et impose des objectifs, des rôles et des responsabilités bien déterminés pour les responsables gouvernementaux – de la planification et la conception préalables, jusqu'à l'attribution et l'administration de ces marchés.

Le présent bulletin fournit un aperçu de l'incidence de la Directive sur les marchés d'approvisionnement du gouvernement fédéral au Nunavut. À la fin du présent bulletin, nous indiquons quelles questions restent en suspens relativement aux exigences de la Directive et relativement à la mise en œuvre de ces exigences.

Contexte

En 2001, Nunavut Tunngavik Incorporated (« NTI ») et le gouvernement fédéral ont entrepris des négociations en vue de mettre en œuvre les obligations prévues aux termes de l'Accord relatif au Nunavut. Ces négociations n'ont pas abouti et, en 2006, NTI a intenté une poursuite contre le gouvernement fédéral au motif que celui-ci n'avait pas respecté les conditions de l'Accord relatif au Nunavut[1].

Les parties ont réglé la poursuite en 2015 et l'accord de règlement intervenu entre NTI, le gouvernement du Canada et le gouvernement du Nunavut contient des promesses renouvelées du gouvernement du Canada et du gouvernement du Nunavut de respecter leurs obligations aux termes de l'Accord relatif au Nunavut, y compris les obligations énoncées à l'article 23 (Embauche des Inuits au sein du gouvernement) et à l'article 24 (Marchés de l'État).

À qui et à quoi la Directive s'applique-t-elle?

La Directive s'applique :

En cas d'incompatibilité entre une exigence de la Directive et une exigence de tout autre instrument de politique ministériel ou du Conseil du Trésor (y compris la Stratégie d'approvisionnement auprès des entreprises autochtones), l'exigence de la Directive s'appliquera. La Directive est subordonnée à toutes obligations juridiques contradictoires, notamment aux obligations juridiques contenues dans l'Accord relatif au Nunavut, dans d'autres accords de règlement de revendications territoriales globales ou dans d'autres lois.

Il faut noter que les obligations prévues aux termes de la Directive couvrent les sollicitations de soumissions effectuées dans la région du Nunavut et les marchés attribués dans la région du Nunavut, ainsi que les sollicitations de soumissions et les marchés dont les livrables ou l'exécution doivent avoir lieu dans la région du Nunavut.

La Directive ne s'applique pas aux marchés de l'État, y compris les baux immobiliers, ni aux sollicitations de soumissions ou aux appels d'offres qui ont été conclus ou lancés avant le 20 décembre 2019.

Quelle sera l'incidence de la Directive sur les marchés d'approvisionnement au Nunavut?

La Directive a précisé et imposé certaines obligations prévues aux articles 8, 9, 24 et 33 de l'Accord relatif au Nunavut. Elle a notamment :

Sollicitations de soumissions et marchés de l'État accordant une préférence aux entreprises inuites

Réserver les marchés de l'État aux entreprises inuites

Seules les entreprises inuites qualifiées indiquées ci-après peuvent présenter des soumissions relativement à des marchés de l'État dans la région du Nunavut :

Produits et services

Valeur du marché 

5 000 $ à 25 000 $

Plus de 25 000 $

Nombre d'entreprises inuites figurant dans la liste des entreprises inuites de NTI relativement au produit ou au service visé

0

1

2+

0

1

2+

Réservé aux entreprises inuites

Non

Oui

Oui

Non

Non

Oui

Baux immobiliers

Valeur du marché 

100 000 $ ou moins

Plus de 100 000 $

Nombre d'entreprises inuites figurant dans la liste des entreprises inuites de NTI relativement au produit ou au service visé

0

1

2+

0

1

2+

Réservé aux entreprises inuites 

Non

Oui

Oui

Non

Non

Oui          

Dans les cas où la concurrence irait à l'encontre de l'intérêt du public ou de la sécurité nationale, ou lorsqu'il existe une extrême urgence mettant en danger la qualité de vie ou la sécurité de Canadiens, le gouvernement conserve le droit de s'approvisionner auprès d'un fournisseur exclusif; mais il devra faire de son mieux pour que ce fournisseur exclusif soit une entreprise inuite qualifiée.

Critères obligatoires des appels d'offres

Pour les biens, les services ou les travaux de construction évalués à plus de 100 000 $ et les baux immobiliers dont la valeur estimative dépasse 1 000 000 $, les autorités contractantes et les responsables de biens immobiliers désignés sont maintenant tenus d'inclure les quatre critères suivants dans une sollicitation de soumissions :

Avantages pour les Inuits

Avantages pour le Nunavut

  • Emplacement au Nunavut. Le soumissionnaire ou l'entreprise sous-traitante a un siège social, des bureaux administratifs ou d'autres installations dans la région du Nunavut.

Pour les sollicitations de soumissions qui ne satisfont pas aux seuils financiers, les autorités contractantes et les responsables de biens immobiliers désignés doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour inclure les quatre critères dans toutes les sollicitations de soumissions concurrentielles, dans la mesure du possible et par souci d'une saine gestion de l'approvisionnement.

Pondération des critères obligatoires

La pondération par défaut des quatre critères est la suivante :

Critères de l'appel d'offres 

Pondération par défaut pour les appels d'offres réservés à des entreprises inuites

Pondération par défaut pour les appels d'offres non réservés à des entreprises inuites

Propriété inuite 

5 %

10 %

Embauche d'Inuits 

10 %

10 %

Formation des Inuits 

10 %

10 %

Emplacement au Nunavut  

5 %

5 %

Total 

30 %

35 %                       

L'Annexe B de la Directive présente une échelle mobile qui est appliquée lorsque les quatre critères obligatoires ne peuvent pas être tous inclus ou que la pondération par défaut ne peut pas être utilisée pour une raison quelconque. Si l'échelle mobile est utilisée, la pondération totale des critères obligatoires, qui est de 30 % ou de 35 %, doit être répartie entre les critères restants. Par exemple, si la propriété inuite ne peut pas constituer un critère de l'appel d'offres, la pondération par défaut de 5 % doit être répartie entre les critères restants de l'appel d'offres pour s'assurer que la pondération par défaut totale reste à 30 % ou à 35 %, selon le cas. La pondération des critères peut également être établie à des pourcentages plus élevés.

Renseignements devant être fournis en réponse à un appel d'offres

Les soumissionnaires devront fournir les renseignements suivants dans leurs soumissions :

La « valeur estimée du marché », telle qu'elle est déterminée par le gouvernement, doit tenir compte des coûts de faire affaire dans la région du Nunavut, ainsi que des coûts devant être engagés pour tenir compte des critères liés aux avantages pour les Inuits et pour le Nunavut. En conséquence, les soumissionnaires doivent indiquer clairement ces coûts dans leurs soumissions.

Dans le cadre de l'accord de règlement, l'analyse de la population active inuite du Nunavut (« APAIN») a été réalisée afin d'évaluer la capacité et l'intérêt de la main-d'œuvre inuite pour des emplois au gouvernement. Les ministères et organismes du gouvernement utiliseront l'APAIN pour préparer des plans d'embauchage des Inuits et des programmes de formation préalables à l'emploi. Cette analyse sera utile aux fournisseurs qui veulent comprendre la main-d'œuvre inuite du Nunavut lorsqu'ils préparent une soumission.

Marchés de l'État relatifs aux parcs, aux aires de conservation et aux travaux archéologiques

NTI possède le droit de premier refus relativement à l'exploitation des entreprises visant les parcs de la région du Nunavut qui sont données à contrat par le gouvernement du Canada.

Lorsque le marché de l'État vise les installations d'un parc ou des travaux archéologiques dans la région du Nunavut, il incombe au gouvernement d'accorder un traitement préférentiel aux entreprises inuites qualifiées et de s'assurer que tous les entrepreneurs accordent également un traitement préférentiel aux Inuits.

Attribution de marchés

Les exigences généralement applicables aux marchés d'approvisionnement du gouvernement fédéral continuent de s'appliquer, y compris l'obligation de remplir tous les critères obligatoires de l'appel d'offres et de respecter toutes les politiques applicables. Le fournisseur doit posséder une capacité suffisante pour satisfaire aux exigences du marché de l'État, et il doit en plus être qualifié et posséder la capacité juridique pour conclure le marché ou le bail. Les entrepreneurs peuvent être tenus d'obtenir une validation indépendante de la réalisation des avantages pour les Inuits et pour le Nunavut pendant la durée du marché.

Conclusions

La Politique sur les marchés et le Guide des approvisionnements reprennent certains passages de l'article 24 de l'Accord relatif au Nunavut. Jusqu'à présent, aucune modification n'a été apportée à ces documents pour tenir compte de la Directive, bien que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada ait indiqué son intention de préparer des guides et des outils, et de fournir la formation requise pour assurer le succès de la mise en œuvre de la Directrice.

À ce jour, le Guide des clauses et conditions uniformisées d'achat ne reprend aucune modalité ou condition de la Directive indiquant quelles exigences de la Directive devront être respectées par les entrepreneurs. Les autorités contractantes pourraient devoir établir des dispositions adaptées à chaque marché d'approvisionnement pour s'assurer du respect des objectifs de la Directive et des exigences opérationnelles des utilisateurs finaux.

Il est prévu que la Directive sera modifiée lorsque ses exigences seront intégrées dans les pratiques et que l'obligation de consulter sera respectée. Même si la Directive semble établie sur des fondements solides, certains aspects qui n'y sont pas abordés peuvent avoir des conséquences sur le processus d'appel d'offres :

  • Seuils différents établis selon la Directive et selon le Règlement sur les marchés de l'État

Les seuils financiers en deçà desquels des marchés de l'État doivent être réservés à des entreprises inuites sont plus bas que les seuils récemment modifiés pour les marchés à fournisseur exclusif figurant dans le Règlement sur les marchés de l'État (RMÉ)[4]. En vertu du RMÉ, les autorités contractantes peuvent désormais attribuer des marchés sans lancer d'appel d'offres pour n'importe quel marché, exception faite d'un marché de fournitures, lorsque le montant estimatif de la dépense ne dépasse pas 40 000 $ (la limite initiale était de 25 000 $).

Même si les autorités contractantes peuvent se fonder sur l'exception du RMÉ pour attribuer à des entreprises inuites des marchés à fournisseur exclusif dont la valeur estimative ne dépasse pas 40 000 $, modifier la Directive en fonction des nouveaux seuils prévus par le RMÉ permettrait d'éviter toute confusion et de s'assurer que des entreprises inuites bénéficient directement des seuils applicables aux marchés à fournisseur exclusif.

La Directive ne fournit aucune indication relativement aux marchés dont la valeur estimative est inférieure à 5 000 $ et à l'égard desquels aucune entreprise inuite qualifiée ne figure dans la liste des entreprises de NTI.

La Directive comprend de nombreux renvois aux entreprises inuites « qualifiées », mais n'indique pas de façon précise quand ou comment cette détermination est effectuée. Dans le contexte d'un appel d'offres, l'exigence de la « qualification » doit être clairement indiquée pour que les soumissionnaires puissent la respecter de façon appropriée et pour éviter que cette exigence ne devienne un critère d'évaluation « officieux » au cours du processus d'évaluation des soumissions.

  • « traitement préférentiel »

La Directive prévoit que les entrepreneurs doivent accorder un « traitement préférentiel » aux Inuits et que le gouvernement doit accorder un « traitement préférentiel » aux entreprises inuites pour les installations d'un parc ou pour des travaux archéologiques. Cette exigence est conforme aux dispositions de l'Accord relatif au Nunavut, mais, contrairement à d'autres exigences précises et mesurables énoncées dans la Directive, aucune précision n'est fournie à cet égard aux responsables gouvernementaux ou aux entrepreneurs. Si ces exigences constituent un critère d'évaluation des soumissions, elles devront être clarifiées afin que les soumissionnaires puissent répondre convenablement à un appel d'offres et que l'équipe du gouvernement chargée d'évaluer les soumissions puisse dûment évaluer les soumissions.

La Directive ne fournit aucune explication sur les dispositions qui devront être prises advenant que des entreprises inuites qualifiées figurent sur la liste des entreprises de NTI, mais qu'aucune d'elle ne décide de répondre à l'appel d'offres du gouvernement.

Si un appel d'offres est réservé à des entreprises inuites, mais qu'aucune soumission conforme n'est présentée par une telle entreprise, la Directive prévoit deux options : une révision des exigences et une nouvelle émission de l'appel d'offres, ou l'annulation de l'appel d'offres. Toutefois, si aucune des entreprises inuites ne peut satisfaire aux exigences ainsi révisées, on ne sait pas très bien si les autorités contractantes peuvent alors émettre un appel d'offres ouvert aux entreprises inuites et aux entreprises non inuites.

Résumé

De tous les accords de règlement de revendication territoriale globale dans le nord du Canada, l'Accord relatif au Nunavut est l'une de celles qui compte les exigences les plus normatives en ce qui concerne les marchés d'approvisionnement du gouvernement fédéral.

Plus d'un quart de siècle après la signature de l'Accord relatif au Nunavut, la Directive tente d'intégrer ces obligations dans les politiques gouvernementales avec un ensemble d'exigences bien fondées visant à soutenir et promouvoir la participation des Inuits aux marchés du gouvernement fédéral, notamment en établissant un processus d'examen périodique, des obligations précises de production de rapports, des responsabilités bien définies pour les représentants du gouvernement et les entrepreneurs, et des critères obligatoires pour les appels d'offres.

Quel que soit le domaine dans lequel vous exercez vos activités, aux fins de votre stratégie en matière de soumissions, vous devez absolument savoir comment sont attribués les marchés de l'État, comment étudier un appel d'offres du gouvernement soumis à la Directive et comment y répondre, et comment défendre au mieux vos intérêts dans le cadre d'un tel appel d'offres. Pour mettre toutes les chances de votre côté, il est indispensable de travailler avec une équipe juridique qui possède des connaissances et de l'expérience relativement à tous ces aspects et qui peut vous aider dans le cadre de votre planification stratégique, du début jusqu'à la fin.

Pour avoir accès à l'APAIN, cliquez ici.

Pour avoir accès au texte complet de la Directive, cliquez ici.

Avis aux lecteurs : 

Ceux qui souhaitent obtenir des marchés de l'État en Colombie-Britannique doivent savoir que cette province a récemment déposé un projet de loi visant à mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. S'il est promulgué, ce projet de loi pourrait avoir une incidence sur l'attribution de marchés de l'État en Colombie-Britannique. Pour en apprendre davantage sur ce projet de loi, cliquez ici.



[1] Cour de justice du Nunavut; Numéro de dossier de la Cour : 08-06-713-CVC. Le gouvernement du Nunavut a été cité comme tiers dans la poursuite.

[2] Les baux immobiliers ont été séparés des marchés d'approvisionnement dans d'autres instruments de politique du Conseil du Trésor en 1993. Cependant, pour les besoins de la Directive, les baux immobiliers sont compris dans la définition de « marchés de l'État ».

[3] Il faut noter que :

  • Les obligations du gouvernement s'appliquent aux contrats attribués au Nunavut ainsi qu'aux contrats attribués pour la fourniture de biens et de services à destination du Nunavut. Toutefois, pour faciliter les renvois à la version en français de la Directive, dans le présent bulletin, nous avons conservé l'usage de « dans »; et
  • La région du Nunavut correspond à ce que l'on appelle aujourd'hui le territoire du Nunavut.

[4] Pour prendre connaissance de nos commentaires sur les modifications apportées à la réglementation, cliquez ici.

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Pour plus d'informations ou pour discuter d'un sujet, veuillez nous contacter.

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Auteure

  • Marcia Mills, Associée | Cochef, Sécurité nationale, Ottawa, ON | Toronto, ON, +1 613 696 6881, mmills@fasken.com

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