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Vous l’attendiez … la Politique de consultation des communautés autochtones propre au secteur minier

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Bulletin Droit Autochtone

Le 22 octobre 2019, le Ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles (le « Ministre ») rendait publique sa Politique de consultation des communautés autochtones propre au secteur minier[1] (la « Politique ») qui énonce des lignes directrices générales et spécifiques aux fins du processus de consultation des communautés autochtones dans le but de favoriser et d’entretenir de meilleures relations avec ces dernières. La Politique complète ainsi en quelque sorte les orientations concernant le processus de consultation applicable aux projets miniers assujettis ou non à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement prévue en vertu du chapitre I de la Loi sur la qualité de l’environnement (la « PÉEIE ») ainsi qu’aux projets d’exploration minière.

Le contexte

Les droits existants – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones sont reconnus par la Loi constitutionnelle de 1982[2].  De cette reconnaissance découle l’obligation gouvernementale de consulter et, au besoin, d’accommoder les communautés autochtones lorsque leurs droits pourraient être affectés. Bien que cette obligation est du ressort de la Couronne[3], cette dernière peut déléguer à des tiers certains aspects procéduraux de la consultation[4].

C’est pourquoi certains promoteurs de projets miniers sont parties au processus de consultation des peuples autochtones afin de contribuer à son  bon déroulement. La Politique permet donc de clarifier le rôle des promoteurs de projets miniers dans le cadre de la consultation et, de façon plus large, du processus d’acceptabilité sociale des projets miniers.

L’élaboration de la Politique résulte d’une obligation qui incombe au Ministre en vertu de la Loi sur les mines[5]. Cette Politique vise à combler les lacunes du Guide intérimaire en matière de consultation des communautés autochtones (le « Guide intérimaire ») résultant notamment de l’évolution de la jurisprudence en droit autochtone. Le Guide intérimaire proposait divers principes directeurs au gouvernement lorsque certaines activités pouvaient possiblement affecter des droits revendiqués par des peuples autochtones sans que ceux-ci soient encore reconnus ou prouvés. C’est dans ce même contexte que s'inscrit la Politique.

On s’attend à ce que la Politique ait un impact plus significatif et plus utile dans les zones où les droits revendiqués par les communautés autochtones ne sont pas encore reconnus, définis ou prouvés par les tribunaux ou en vertu d’un traité. En effet, lorsque la loi ou un traité prévoit déjà un processus de consultation approfondie, la Politique aura un intérêt moindre puisque la loi ou le traité prévoit généralement son cadre d’application. Par exemple, c’est le cas pour les projets situés sur le territoire de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois qui prévoit un processus d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement et le milieu social qui requiert la consultation et la participation des Cris. Il en est de même dans les cas où des communautés autochtones sont en processus de négociation avec les gouvernements pour la signature d’un traité ou ont conclu un protocole établissant un protocole de consultation.

Les lignes directrices de la Politique

La Politique énonce des recommandations par rapport aux relations qu’entretiennent les promoteurs de projets miniers avec les communautés autochtones, et ce, tout au long du développement d’un projet minier. Les promoteurs sont ainsi invités à interagir avec les communautés autochtones dès l’attribution d’un claim, d’un permis, d’une autorisation ou d’autres droits miniers. Ces démarches de consultation des communautés autochtones ont pour but de favoriser l’établissement de relations fondées sur la coopération, la transparence et le partage d’informations.

Le ministre propose, dans sa Politique, des lignes directrices générales qui doivent s’appliquer à toutes les phases d’un projet minier. Ces lignes directrices peuvent être résumées ainsi :

  • Les promoteurs de projets miniers doivent lancer le processus de consultation le plus tôt possible et maintenir un dialogue avec les communautés autochtones à chaque étape du processus du projet.
  • Les communautés autochtones auront la possibilité d’exprimer leurs inquiétudes sur un projet minier sur une période de 30 jours avant le début des travaux d’exploration. Le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (« MENR ») mettra à la disposition de ces communautés toutes les informations nécessaires à la consultation. Le délai de 30 jours pourra possiblement être allongé lorsque la communauté exprime avoir des difficultés à composer avec le délai fixé.
  • Les préoccupations exprimées par les communautés autochtones concernées peuvent être prises en compte pour établir des conditions d’exercice des droits, permis et autorisations octroyés pour un projet minier par le MERN. Dans certains cas, il est même possible que celui-ci mette en place des mesures d’accommodement ou exige du promoteur qu’il mette en place des mesures de mitigation pour atténuer les impacts du projet considérés comme significatifs. Exceptionnellement, le MERN peut même refuser l’octroi d’un droit, d’un permis ou d’une autorisation. La Politique indique même que dans des circonstances exceptionnelles, la consultation pourrait mener à un abandon volontaire du projet minier par un promoteur.

En plus de ces lignes directrices générales qui s’appliquent à tous les projets miniers envisagés ou en cours, le MERN propose des lignes directrices spécifiques à l’exploration et à l’exploitation minière qui se résument comme suit:

  • Le MERN rend disponible l’information relative aux claims (ou ceux ayant fait l’objet d’une présentation d’un avis de désignation). À cette fin, il offrira aux communautés autochtones la possibilité de recevoir une formation sur l’outil GESTIM [6] afin de leur permettre d’avoir accès à l’information relative aux claims inscrits et en demande au Québec.
  • Le promoteur minier doit entrer en contact avec les communautés autochtones concernées afin de les informer de l’obtention de son claim dans les 60 jours de son octroi. Il doit également informer les peuples autochtones des travaux d’exploration qui auront lieu au moins 30 jours avant le début de ceux-ci.
  • Le promoteur minier doit établir une relation de collaboration avec les communautés autochtones. Pour se faire, il devra s’assurer de maintenir une communication continue tout au long du projet en répondant aux questions des peuples autochtones et en les informant de l’avancement des travaux. À ce propos, la politique suggère aussi aux promoteurs d’établir un dialogue avec le gouvernement du Québec, d’abord en début de projet, afin d’être informé des communautés autochtones susceptibles d’être concernées par le site visé par le projet; et de manière continue, pour profiter du soutien du Québec dans le cadre des démarches de consultation.
  • Sur demande des autorités gouvernementales et dans les cas d’activités d’exploitation ou d’exploration nécessitant la délivrance d’autres droits, permis ou autorisations par des autorités gouvernementales, le promoteur peut aussi devoir transmettre de l’information complémentaire sur l’activité minière envisagée.

Les promoteurs de projets d’exploitation non assujettis à la PÉEIE doivent, en plus de ces lignes directrices, réaliser une consultation publique et informer les communautés autochtones de sa tenue lorsque ces projets sont susceptibles d’avoir un effet préjudiciable sur les droits ancestraux ou issus de traités, établis ou revendiqués. Dans le cas des projets d’exploitation assujettis à la PÉEIE, le processus de consultation est harmonisé aux étapes de la PÉEIE.

Les promoteurs, qu’ils soient assujettis ou non à la PÉEIE, doivent également mettre en place un comité de suivi composé d’au moins un représentant d’une communauté autochtone consultée sur le projet.

Suivant la désignation sur carte d’un claim, le promoteur est invité à communiquer avec le Québec pour obtenir de l’information quant aux communautés autochtones qui pourraient être concernées. Il demeure important pour un promoteur de recevoir de l’assistance juridique lorsqu’il envisage de consulter les communautés autochtones. Dans tous les cas, le MENR tient tout de même à être informé par les promoteurs de projets miniers des stratégies employées par ces derniers dans le processus de consultation des communautés autochtones. Le fait pour les promoteurs de tenir des rencontres avec les communautés autochtones afin de discuter des impacts potentiels et des opportunités offertes à celles-ci est considéré comme étant un élément fondamental à la réussite d’une consultation.

Le MERN encourage également les promoteurs à signer des protocoles d’entente avec les communautés autochtones dans le but de favoriser leur implication dans le processus et de permettre une meilleure prévisibilité de la situation du projet minier pour les promoteurs. Bien que l’utilisation de mécanismes de compensation financière puisse être une option dans certains cas, la Politique n’en fait pas mention. Il y a lieu de rappeler que ces protocoles d’entente sont des ententes contractuelles entre le promoteur et une ou des communautés autochtones, auxquels le gouvernement du Québec n’est pas partie.

Par ailleurs afin de parer aux enjeux subis par les communautés autochtones en raison d’activités minières, plusieurs promoteurs de projets miniers (d’exploration et d’exploitation) préconisent que les redevances qu’elles paient soient versées aux communautés autochtones concernées par un projet minier. Bien que le MERN ait confirmé considérer cette option, la Politique reste muette à ce sujet. Ceci s’explique notamment par le fait que cette solution à caractère économique ne saurait à elle seule assurer la réussite d’un projet.

En conclusion, toute  forme de collaboration entre les promoteurs de projets miniers et les communautés autochtones ne peut être basée que sur  des considérations financières ou économiques, ce qui est en accord avec l’objectif général de la Politique.



[1] Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, Politique de consultation des communautés autochtones – Document complémentaire – Politique de consultation des communautés autochtones propre au secteur minier, 2019.

[2] Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.), art. 35.

[3] Nation Haïda c. Colombie-Britannique (ministre des Forêts), 2004 CSC 73 au para 35.

[4] Nation Haïda c. Colombie-Britannique (ministre des Forêts), 2004 CSC 73 au para 53-55.

[5] Loi sur les miens, RLRQ, c. M-13.1, art. 2.3.

[6] Offre un accès au Registre public des droits miniers, réels et immobiliers.

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Auteur

  • Frank Mariage, Associé, Montréal, QC, +1 514 397 7540, fmariage@fasken.com

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