De nos jours, la réalisation d’un projet de développement au Québec et ailleurs au Canada implique la prise en compte du risque qu’est l’acceptabilité sociale, ce qui représente un défi de taille pour tout investisseur et promoteur de projet. La gestion de ce risque en amont du cheminement d’un nouveau projet est désormais inévitable.
Au Québec et ailleurs au Canada, l’acceptabilité sociale représente un enjeu déterminant pour tout investisseur[1] et promoteur de projet, et ce, peu importe le secteur d’activités. En effet, l’acceptabilité sociale ne se limite pas au domaine de l’environnement, auquel elle est souvent associée, mais transcende aujourd’hui tous les secteurs : minier, énergétique, industriel, immobilier, bancaire, du transport, de l’agriculture, etc.
Ces dernières années, nous avons remarqué une augmentation du nombre de projets retardés, voire stoppés, par le phénomène de l’acceptabilité sociale, puisqu’il n’est plus « acceptable » de s’imposer sur une communauté, il faut s’intégrer et s’harmoniser à celle-ci. De plus en plus, les Québécois et Canadiens exigent que les projets se déploient en collaboration avec les communautés locales, régionales et autochtones dans le cadre d’un large processus de consultation et d’information transparent[2].
Nous avons également observé un réel engouement pour l’« investissement responsable », défini comme étant l’intégration des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance d’entreprise (ESG) dans la sélection et la gestion des investissements[3].
Selon le « Global Sustainable Investment Review (2018) » du Global Sustainable Investment Alliance (GSIA), de 2016 à 2018, les actifs gérés selon des stratégies d'investissement responsable au Canada ont augmenté de 42%. Les investissements responsables représentent maintenant un peu plus de 50% des actifs gérés par des professionnels au Canada, comparativement à 38% en 2016[4].
La gouvernance des entreprises ainsi que les impacts environnementaux et sociaux de leurs activités sont maintenant examinés par le marché financier. De ce fait, la performance financière des promoteurs, incluant l’obtention de financement pour leurs projets, repose sur la mise en œuvre de bonnes pratiques en matière de développement durable, de responsabilité sociale d’entreprise et d’acceptabilité sociale.
Cela étant dit, l’acceptabilité sociale est désormais une composante indispensable de tout projet qui doit être considérée et étudiée par les investisseurs et promoteurs de projet.
Mais qu’entendons-nous par acceptabilité sociale?
Une entreprise peut-elle se préparer à faire face à l’opinion publique? Et comment peut-elle maximiser les chances que son projet soit « accepté socialement »?
Ce bulletin présente la portée du phénomène de l’acceptabilité sociale et propose certaines pratiques exemplaires à adopter pour minimiser le risque que représente l’acceptabilité sociale pour tout investisseur et promoteur de projet.
La recherche d’un consensus social
Bien que la notion d’acceptabilité sociale soit omniprésente dans notre société, sa complexité fait en sorte qu’elle n’est toujours pas définie de manière consensuelle. Cette confusion au niveau de la définition peut mener à une difficulté de compréhension et d’application par les acteurs concernés.
Deux courants de réflexion complémentaires, largement acceptés dans notre société, permettent toutefois d’en comprendre le sens et la portée.
Certains acteurs, dont le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec (MERN), considèrent l’acceptabilité sociale comme « le résultat d’un processus par lequel les parties concernées construisent ensemble les conditions minimales à mettre en place, pour qu’un projet, programme ou politique s’intègre de façon harmonieuse, et à un moment donné, dans son milieu naturel et humain »[5].
Pour d’autres, l’acceptabilité sociale est directement liée à la perception d’un risque ou d’une menace que peut représenter un projet dans un milieu donné. Ils perçoivent avant tout l’acceptabilité sociale comme « l’acceptation anticipée d’un risque à court et à long terme qui accompagne, soit un projet, soit une situation »[6].
Par exemple, selon le rapport d’EY s’intitulant « Top 10 business risks facing mining and metals in 2019-2020 », l’acceptabilité sociale a bondi de la septième à la première place du classement des dix principaux risques du secteur des mines et métaux. Plus de la moitié des répondants ont considéré qu’il s’agissait du plus grand risque auquel ils sont confrontés[7].
L’acceptabilité sociale est donc à la fois un résultat (à atteindre) et un risque (à gérer).
Chose certaine, l’acceptabilité sociale est un concept vague, complexe et évolutif qui se traduit par la recherche d’un consensus social, soit d’un accord qui suscite un niveau relatif d’adhésion entre les acteurs concernés de près ou de loin par le projet, tels que les promoteurs et investisseurs, les élus locaux, les organismes à but non lucratif et les citoyens (ci-après les « parties intéressées »). L’acceptabilité sociale n’est ni statique, ni définitive.
L’acceptabilité sociale n’implique pas la recherche de l’unanimité; ce principe a d’ailleurs été rappelé par la Cour supérieure du Québec dans les affaires Ressources Strateco et Arbour :
« […] l’acceptabilité sociale correspond à un seuil, un niveau qui, bien qu’il puisse varier à l’intérieur d’un spectrum, s’approche de la notion de consensus, sans être l’unanimité. »[8]
« Acceptabilité sociale ne signifie pas unanimité sociale. Il serait même utopique de tendre vers cet objectif lorsqu’un projet comporte des impacts environnementaux variables selon les divers secteurs d’un même territoire. »[9]
La recherche d’un consensus social est une démarche collective et dynamique qui doit être adaptée et modulée en fonction de chaque projet. Elle se traduit, entre autres, par des séances de consultation et de partage d’information et requiert évidemment une prise en compte des impacts environnementaux, sociaux et économiques du projet.
Elle vise à comprendre les réalités intrinsèques du milieu d’accueil, dont les besoins, attentes, priorités, défis et préoccupations des différentes parties intéressées, et à faire connaître les composantes du projet ainsi que ses bénéfices pour la communauté. Elle vise aussi à évaluer et minimiser les impacts et à planifier la répartition équitable des retombées positives du projet.
Elle favorise ainsi la participation et l’engagement des parties intéressées, et le maintien d’un dialogue constructif et continu, afin de bâtir une perception et une opinion publique positive à l’égard du projet et parvenir à justifier sa légitimité.
En amont de tout projet
La démarche d’acceptabilité sociale doit être débutée en amont du cheminement d’un nouveau projet et se poursuivre de manière continue pendant toute la durée du projet (c.-à-d. même après son autorisation). En effet, l’acceptabilité sociale n’existe pas de prime abord, mais doit être construite entre les différentes parties intéressées qui ont bien souvent des visions, valeurs et intérêts divergents.
Compte tenu de l’importance et de la complexité d’une telle démarche, nous recommandons aux entreprises d’être proactives dès le tout début du projet, et de surpasser les exigences législatives réglementaires et institutionnelles de base (ex. les audiences publiques du BAPE) afin d’établir une véritable relation de confiance avec la communauté[10].
Pour votre information, la Loi sur le développement durable, qui reflète les principes de la Déclaration de Rio (signée par le Canada en 1992), définit 16 principes qui doivent être pris en compte par l’ensemble des ministères et des organismes publics du Québec dans leurs interventions. L’un d’entre eux est : « [l]a participation et l’engagement des citoyens et des groupes qui les représentent sont nécessaires pour définir une vision concertée du développement et assurer sa durabilité sur les plans environnemental, social et économique »[11].
Il est essentiel que la démarche d’acceptabilité sociale soit débutée au moment où il est encore possible pour le promoteur de moduler son projet (en conciliant les préoccupations soulevées par les parties intéressées) afin de minimiser les impacts environnementaux, sociaux et économiques sur le milieu d’accueil. Un « bon » projet doit donc être flexible et inclure des alternatives.
Comme mentionné par le MERN dans son Livre vert en matière d’acceptabilité sociale, « [e]n amont du processus d’autorisation, [l’acceptabilité sociale] suppose un débat préalable sur les véritables enjeux d’un projet, sur les préoccupations qu’il soulève chez les parties intéressées et les citoyens, permettant au promoteur de bonifier son projet en vue d’en favoriser l’acceptabilité sociale dans la communauté »[12].
Agir en amont du processus de réflexion constitue définitivement un investissement positif pour tout promoteur : une telle stratégie augmente les chances d’atteindre le degré de consensus social recherché et minimise les risques d’opposition et d’indignation publique à l’égard du projet.
Lorsqu’une démarche d’acceptabilité sociale est incomplète ou déficiente, ce qui se traduit généralement par un manque d’information et/ou de consultation en amont du projet, le résultat peut être fatal : la « non-acceptabilité sociale » du projet au sein de la communauté.
Ainsi, l’acceptabilité sociale repose en grande partie sur le promoteur de projet, et c’est au gouvernement qu’il appartient ultimement de définir les conditions d’autorisation du projet en considérant l’acceptabilité qu’il suscite dans le milieu d’accueil[13].
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Les promoteurs peuvent recourir, selon leurs besoins, à :
- L’élaboration d’une approche stratégique intégrée assortie d’un tableau de bord des composantes juridiques, politiques, administratives et médiatiques, ainsi que des interactions avec les parties prenantes pendant les étapes critiques du projet.
- Un accompagnement pour la mise en œuvre de la stratégie pendant tout le processus d’implantation du projet.
Les investisseurs peuvent recourir, selon leurs besoins, à :
- Un mandat général d’évaluation et de validation de l’efficacité de leurs procédés et systèmes de gestion du risque en matière d’acceptabilité sociale et d’autorisations gouvernementales diverses.
- Un mandat spécifique de production d’un rapport d’évaluation pour un projet d’investissement ou une approbation de crédit. Ce rapport est assorti de recommandations et d’indicateurs du potentiel de risque. Il inclut notamment :
- Une analyse sommaire du potentiel d’acceptabilité sociale à la lumière des informations disponibles;
- Une description générale du contexte réglementaire et législatif applicable, incluant notamment les enjeux liés au zonage;
- Une description détaillée du processus d’autorisation environnementale envisagé et des nouvelles dispositions applicables (Loi sur la qualité de l’environnement au Québec et Loi sur l’évaluation d’impact au fédéral);
- Des recommandations spécifiques pour faciliter les processus d’autorisations gouvernementales afin de réduire les délais et les coûts;
- Des recommandations spécifiques en matière de stratégie d’acceptabilité sociale, incluant les approches en matière de consultation et de communication;
- Des recommandations spécifiques en matière de responsabilité sociale d’entreprise.
Pour obtenir plus de détails sur nos outils stratégiques, n’hésitez pas à communiquer avec l’un de nos experts. Nous nous ferons un plaisir et un devoir de devenir les partenaires de la réussite de votre projet.
[1] Par « investisseur », nous référons notamment aux institutions financières et aux fonds d’investissement.
[2] Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec (MERN), Livre vert : Orientations du MERN en matière d’acceptabilité sociale, 2016, p. 5, en ligne : https://mern.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/LivreVert-1.pdf.
[3] Association pour l’investissement responsable du Canada (AIR), « Qu’est-ce que l’IR? », en ligne : https://www.riacanada.ca/fr/linvestissement-responsable/.
[4] Global Sustainable Investment Alliance (GSIA), « Global Sustainable Investment Review (2018) », p. 4, en ligne : http://www.gsi-alliance.org/wp-content/uploads/2019/03/GSIR_Review2018.3.28.pdf.
[5] Caron-Malenfant, Julie et Thierry Conraud, « Guide pratique de l’acceptabilité sociale : pistes de réflexion et d’action », Édition DPRM, 2009.
[6] Beck Ulrich, « La société du risque », Aubier, 2001.
[7] EY, « Top 10 business risks facing mining and metals in 2019-2020 », en ligne : https://www.ey.com/en_gl/mining-metals/10-business-risks-facing-mining-and-metals.
[8] Ressources Strateco inc. c. Procureure générale du Québec, 2017 QCCS 2679 (CanLII) au para 348 [citation du Dr Louis Simard]. Veuillez noter que cette décision s’inscrit dans le cadre du régime particulier établi en vertu du chapitre 22 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ) intitulé « L’environnement et le développement futur au sud du 55e parallèle » (reflété au chapitre 2 de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE)). Ce chapitre est particulier et distinct de la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l'environnement prévue en vertu du chapitre 1 de la LQE. Au paragraphe 448 de la décision, la Cour affirme ce qui suit : « Tant l’esprit que le texte même de la CBJNQ ainsi que celui de la Paix des Braves mettent en relief l’importance de considérer les communautés locales avant l’acceptation de tout projet pouvant avoir des impacts environnementaux et sociaux sur le territoire visé. Non seulement le décideur peut considérer l’acceptabilité sociale d’un projet, mais il le doit. ».
[9] Arbour c. Procureure générale du Québec, 2017 QCCS 1812 (CanLII) au para 197.
[10] Conseil Patronal de l’Environnement du Québec (CPEQ), « Guide de bonnes pratiques afin de favoriser l’acceptabilité sociale des projets », 2012, p. 12, en ligne : https://www.cpeq.org/files/guides/guide_bonnespratiques_web.pdf.
[11] Loi sur le développement durable, RLRQ c D-8.1.1, art. 6(e).
[12] Supra, note 2, à la p. 9.
[13] Ibid.