Le 28 novembre 2019, la Loi sur la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (la « LDNUDPA ») est entrée en vigueur. Pour en savoir plus sur le processus d’adoption de cette loi, veuillez consulter les premier et deuxième bulletins de cette série.
Malgré un long débat, le projet de loi 41 n’a pas été modifié
Avant d’être adopté à l’unanimité, le projet de loi a fait l’objet d’un débat de plus de cinq jours en commission parlementaire. Malgré cela, le projet de loi n’a pas été modifié et ses dispositions de fond ont été adoptées telles qu’elles avaient été déposées en octobre 2019.
Quelles sont les incidences de la LDNUDPA?
1. Aucun changement à court terme
Un des principaux points qui ressort du débat sur le projet de loi est que le gouvernement n’a pas l’intention de faire en sorte que la LDNUDPA donne valeur en droit à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (la « Déclaration ») ni de créer de nouveaux droits qui s’ajouteraient à ceux qui sont actuellement reconnus à l’article 35 de notre constitution[1]. Aux dires du député de l’Assemblée législative Michael de Jong[2], le ministre des Relations avec les Autochtones et de la Réconciliation est revenu sur ce point près de 20 fois au cours du débat. Cela confirme qu’à bien des égards, la LDNUDPA n’entraîne aucune modification immédiate du droit des Autochtones en Colombie-Britannique.
Par exemple, le ministre a souligné que les tribunaux ne devaient pas utiliser la LDNUDPA pour annuler des lois existantes de la Colombie-Britannique et que le gouvernement n’a pas l’intention de modifier la façon dont il prépare et présente des lois d’application générale. De plus, la LDNUDPA ne devrait pas non plus modifier la façon dont la province consulte les Premières Nations, ni la manière dont les décisions opérationnelles sont prises. L’extrait suivant du débat sur le projet de loi illustre les intentions du gouvernement à court terme[3] :
M. de Jong : […] Je suis éleveur dans la vallée de Nicola, mon permis de pâturage de trois ans expirera l’an prochain. Je dois faire une demande de renouvellement, car ce permis est indispensable pour mes activités. Je ne peux pas faire fonctionner le ranch sans permis de pâturage, mais ma propriété est située sur les territoires ancestraux de certaines Premières Nations.
Je crains que ce qui est déjà devenu un processus assez long pour obtenir ce droit de pâturage ne s’allonge encore. Je ne sais pas trop comment le gouvernement, dans le contexte de l’après-projet de loi 41, va appliquer des articles comme l’article 32 et modifier le processus qu’il suit pour remplir l’obligation de consultation de la Couronne et pour obtenir le consentement libre, préalable et éclairé qui, apparemment, servira aussi à orienter ces délibérations.
Que peut dire le ministre aujourd’hui à cet éleveur qui a des inquiétudes à cet égard?
Hon. S. Fraser : La législation n’entraînera aucun changement immédiat. La loi elle-même ne prévoit aucune modification à la façon dont la province consulte les Premières Nations ni à la façon dont les décisions opérationnelles sont prises. Nous nous concentrerons sur le processus stratégique de niveau supérieur auquel j’ai fait allusion par opposition aux processus d’octroi de permis individuels. C’est ce qui est prévu.
2. Un plan d’action et des ententes en matière de prise de décisions sont prévus à moyen terme
L’article 4 de la LDNUDPA stipule que le gouvernement doit préparer et mettre en œuvre un plan d’action pour atteindre les objectifs de la Déclaration. La LDNUDPA ne prévoit pas d’échéancier fixe à cet égard, mais, dans le cadre du débat, le gouvernement a indiqué qu’il ne prévoit pas déposer un premier plan d’action avant plusieurs mois. Au sujet de ce plan d’action, le ministre a toutefois précisé « nous parlons de mois et non d’années »[4].
Comme nous l’avons mentionné dans les précédents bulletins de cette série, la LDNUDPA habilite le gouvernement à conclure des ententes en matière de prise de décisions avec les corps dirigeants autochtones. Les nations ou les groupes autochtones détermineront eux-mêmes qui les représentera afin de conclure ces ententes en matière de prise de décisions. Comme le ministre l’a indiqué, il pourrait s’agir notamment de chefs élus, de chefs héréditaires, d’une combinaison des deux, ou d’un certain nombre de nations représentées collectivement[5]. Il faudra voir comment le gouvernement déterminera si un représentant choisi parle au nom de l’ensemble du groupe, surtout en cas de différends internes. Toutefois, comme nous l’avons souligné précédemment, ces ententes devraient mettre l’accent sur les intérêts stratégiques de niveau supérieur en matière de prise de décisions et non sur les processus d’octroi de permis individuels.
3. Un « processus générationnel » est prévu à long terme pour assurer l’harmonisation des lois de la Colombie-Britannique
La Colombie-Britannique s’est engagée à harmoniser ses lois avec la Déclaration à long terme, ce qui soulève la question suivante : selon le gouvernement de la Colombie-Britannique, quels aspects doivent être harmonisés? Pour le moment, les objectifs du gouvernement en matière de modifications législatives sont incertains puisqu’aucun examen complet des lois de la Colombie‑Britannique n’a été effectué. Cela dit, des modifications sont prévues et le débat sur le projet de loi 41 a apporté quelques éclaircissements sur la façon dont le gouvernement comprend actuellement les exigences de la Déclaration. Ainsi, au cours du débat, le ministre a déclaré ce qui suit :
- L’article 28 de la Déclaration, qui traite du droit à réparation, parle d’un droit collectif à une indemnisation et non d’un droit individuel[6].
- L’article 32 de la Déclaration, qui prévoit que les États consulteront les peuples autochtones en vue d’obtenir leur consentement libre, préalable et éclairé avant d’approuver des projets, donne au gouvernement l’occasion d’assurer une plus grande participation des peuples autochtones au processus. Le ministre a cité en exemple le secteur forestier et mentionné que de nombreuses entreprises forestières qui investissent dans la province exercent déjà leurs activités conformément à la Déclaration des Nations Unies avec un cadre de gérance concertée[7]. Voilà un exemple du type de prise de décisions que nous pourrions voir plus souvent à l’avenir.
- Dans le contexte du processus de conclusion des traités modernes, lorsque le gouvernement conclut un traité, il doit s’être assuré que le signataire du traité a reconnu avoir obtenu un consentement libre, préalable et éclairé[8].
En ce qui concerne l’échéancier, le ministre s’attend à ce que l’harmonisation des lois de la Colombie-Britannique avec la Déclaration se fera dans le cadre
d’un « processus générationnel »[9] :
Les priorités et le calendrier des activités seront indiqués dans le plan d’action. Nous ne les avons pas fixés. L’harmonisation des lois avec la Déclaration des Nations Unies prendra du temps. Elle ne sera pas réalisée du jour au lendemain.
Il s’agit d’un « processus générationnel ».
Même s’il reconnaît que la mise en œuvre de la LDNUDPA est un « processus générationnel », le gouvernement de la Colombie-Britannique s’est engagé à prendre toutes les mesures nécessaires pour que les lois de cette province soient en conformité avec la Déclaration. Les modifications législatives qui découleront de cet engagement seront rédigées en collaboration avec les nations autochtones, mais le gouvernement a également insisté sur le fait que le secteur privé, les gouvernements locaux et les autres intervenants pourront également être consultés.
Conclusion
Avec l’entrée en vigueur de la LDNUDPA, le gouvernement a souligné à de multiples occasions, dans ses résumés écrits et dans ses réponses aux questions des membres de l’Assemblée législative et des commissions parlementaires, que celle-ci n’aura aucune incidence à court terme sur la façon dont les décisions sont prises sur le plan opérationnel. Toutefois, les communautés autochtones s’attendent à ce que la loi constitue une avancée historique du fait qu’elle reconnaît le droit à un consentement libre, préalable et éclairé. Il serait étonnant que ces attentes ne donnent pas lieu à des attentes de changements immédiats quant à la façon dont les décisions sont prises au niveau opérationnel. L’écart au niveau de ces attentes peut être source de différends et d’incertitude à court terme, puisque dans les faits l’interprétation de la LDNUDPA incombe à ceux qui prennent des décisions opérationnelles au nom du gouvernement. Ces différends pourraient aboutir devant les tribunaux.
Récemment, le gouvernement fédéral s’est également engagé à déposer un projet de loi pour mettre en œuvre la Déclaration au cours de l’année prochaine. Nous vous tiendrons au courant de l’élaboration de cette loi, notamment de ses similitudes avec la LDNUDPA de la Colombie-Britannique ou de ses écarts éventuels par rapport à celle-ci.
[1] https://www.leg.bc.ca/content/hansard/41st4th/20191119am-Hansard-n291.pdf (en anglais), p. 10521.
[2] https://www.leg.bc.ca/documents-data/debate-transcripts/41st-parliament/4th-session/20191126pm-House-Blues (en anglais), 26 novembre, après-midi - mise à jour du Hansard final avec renvoi à la page correspondante.
[3] https://www.leg.bc.ca/content/hansard/41st4th/20191125pm-Hansard-n297.pdf (en anglais), p. 10760-10761.
[4] https://www.leg.bc.ca/documents-data/debate-transcripts/41st-parliament/4th-session/20191126pm-House-Blues (en anglais), 26 novembre, après-midi - mise à jour du Hansard final avec renvoi à la page correspondante.
[5] https://www.leg.bc.ca/content/hansard/41st4th/20191120pm-Hansard-n293.pdf (en anglais), p. 10632.
[6] https://www.leg.bc.ca/content/hansard/41st4th/20191125pm-Hansard-n297.pdf (en anglais), p. 10756.
[7] https://www.leg.bc.ca/content/hansard/41st4th/20191125pm-Hansard-n297.pdf (en anglais), p. 10759.
[8] https://www.leg.bc.ca/content/hansard/41st4th/20191125pm-Hansard-n297.pdf (en anglais), p. 10757.
[9] https://www.leg.bc.ca/documents-data/debate-transcripts/41st-parliament/4th-session/20191126pm-House-Blues (en anglais), 26 novembre, après-midi - mise à jour du Hansard final avec renvoi à la page correspondante.