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La Cour divisionnaire de l’Ontario a cassé la décision du ministre de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs de révoquer l’autorisation d’un projet de parc éolien accordée à Nation Rise

Fasken
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Bulletin Énergie

Le 13 mai 2020, la Cour divisionnaire de l’Ontario a cassé la décision du ministre de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs (le « ministre ») de révoquer l’autorisation  du projet d’énergie renouvelable (l’« APER ») d’un important parc éolien, a rétabli l’autorisation en question, au terme d’une décision comportant des motifs particulièrement durs.

Contexte

Le 4 mai 2018, le directeur du ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs a délivré à Nation Rise Wind Farm LP une APER lui permettant de construire un parc éolien de 100 MW près d’Ottawa, en Ontario. Le 22 mai 2018, le groupe communautaire local Concerned Citizens of North Stormont (« CCNS ») a déposé un avis d’appel auprès du Tribunal de l’environnement (le « TE »), demandant la révocation de la décision du directeur de délivrer l’APER au motif que le parc éolien causerait des dommages graves à la santé humaine et des dommages graves et irréversibles à la faune, la flore et à l’environnement naturel. En janvier 2019, après une audience de 10 jours, le TE a rejeté l’appel.

Le 4 février 2019, le CCNS a interjeté appel de la décision du TE auprès du ministre, demandant à ce dernier d’annuler l’APER. 

En mai 2019, Nation Rise a entamé la construction du parc éolien alors qu’aucune décision n’avait été rendue concernant la demande d’appel auprès du ministre, car la convention d’achat d’électricité conclue avec la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité (SIERE) exigeait que le parc éolien soit en activité avant le 9 mars 2020. La SIERE avait informé Nation Rise qu’elle mettrait fin à la convention si le parc n’était pas opérationnel dans les délais.

Le 4 décembre 2019, dans une décision inattendue, le ministre a révoqué l’APER. Dans les motifs expliquant sa décision, le ministre indiquait que, même s’il est impossible de connaître avec certitude l’étendue des dommages que l’exploitation du parc éolien proposé aura sur les populations  de chauves-souris, il a démontré que le projet proposé causera des dommages à la fois graves et irréversibles à la faune et a choisi de « faire preuve de précaution ». Le ministre a conclu qu’il était pertinent de révoquer l’APER après avoir examiné « ce préjudice dans son ensemble par rapport à la contribution minimale que le projet est susceptible d’avoir sur l’approvisionnement en électricité en Ontario » [traduction].

Nation Rise en a appelé de la décision du ministre auprès de la Cour divisionnaire et a fait valoir que le ministre ne respectait pas l’équité procédurale envers Nation Rise et que sa décision, sur le fond, était déraisonnable.

La décision :

La Cour divisionnaire a rendu sa décision le 13 mai 2020.

En analysant les motifs de la décision du ministre, le tribunal a noté que c’était le ministre et non les appelants qui avaient soulevé la question des « chauves-souris ». Nation Rise a fait valoir que le ministre n’avait pas le pouvoir d’examiner des questions concernant l’appel autres que celles soulevées par les parties. Le tribunal a indiqué que la décision du ministre n’abordait pas la question de savoir s’il avait le pouvoir légal de soulever de nouvelles questions dans le cadre de l’appel et que, par conséquent, la Cour doit procéder à l’exercice d’interprétation « qu’il aurait dû effectuer ».

En faisant le point sur la jurisprudence applicable, le tribunal a conclu que l’interprétation des dispositions pertinentes de la Loi sur la protection de l’environnement (Ontario) concernant cet appel par le ministre était déraisonnable et qu’il n’avait pas le pouvoir de se prononcer en appel sur des questions autres que celles soulevées par les parties. La Cour a également souligné que la décision du ministre n’était pas conforme à celles adoptées par d’autres ministres dans le cadre d’appels interjetés auprès du TE concernant une APER et a indiqué que le fait qu’il n’ait fourni aucune explication pour justifier la décision de s’écarter de la ligne de conduite habituelle constituait une indication supplémentaire que sa décision était déraisonnable. 

Comme nous l’avons mentionné précédemment, le ministre a reconnu qu’il était impossible de connaître avec certitude l’étendue des dommages que l’exploitation du parc éolien proposé aura sur les populations d’espèces de chauves-souris, mais il a choisi de « faire preuve de précaution ». Le tribunal a estimé que le ministre avait commis une erreur de droit en concluant que le projet causerait des dommages aux chauves‑souris selon des critères de précaution. La tâche du ministre, selon la Cour, était d’examiner les preuves présentées au TE et de déterminer si le TE avait commis une erreur en concluant que le critère de « préjudice » n’était pas rempli, un critère qui exigeait de déterminer que le projet « causerait » un préjudice à la fois grave et irréversible aux populations de chauves-souris.

Le tribunal a également signalé que le ministre, ayant conclu que de graves dommages seraient causés aux chauves-souris, n’a pas examiné si les efforts d’atténuation proposés par Nation Rise pouvaient prévenir les risques de préjudice et a ainsi statué que ce manquement de sa part rendait sa décision déraisonnable.

Enfin, le tribunal a jugé que « le ministre a tiré des conclusions factuelles qui n’étaient pas étayées par les éléments de preuve au dossier, et qu’il a ignoré les preuves matérielles concernant le niveau d’activité des chauves-souris, le faible niveau de risque pour les colonies de chauves-souris dans la région et l’efficacité des plans d’atténuation et de surveillance proposés qui étaient une condition de l’APER de Nation Rise ».

En analysant les motifs de la décision du ministre, la Cour a conclu « qu’il s’agit d’une affaire où la décision du ministre n’est pas raisonnable et ne se saurait être considérée avec déférence. La décision ne répond pas aux exigences de transparence, de justification et d’intelligibilité, car le ministre n’a pas suffisamment expliqué sa décision. En outre, le résultat n’est pas conforme aux limites du raisonnable, compte tenu des dispositions légales applicables, des faits établis dans le dossier et des nombreuses lacunes dans la décision. Par conséquent, la décision doit être annulée » [traduction].

Le tribunal a également estimé que le ministre avait manqué à son obligation d’équité procédurale : (i) dans la manière dont il a traité la question des colonies de chauves-souris formant des maternités parce qu’il a omis de donner à Nation Rise un avis ou la possibilité d’être entendue sur cette question; et (ii) lorsqu’il a omis de donner à Nation Rise le droit de présenter des mesures correctives possibles après avoir décidé que le « critère de préjudice » était respecté.

Le tribunal a statué, au vu de ses conclusions, que la décision du ministre devait être cassée et que l’APER du TE devait être rétablie. Le tribunal a indiqué que même si la solution habituelle consistait à renvoyer une affaire au décideur initial pour qu’il la règle conformément aux motifs de la Cour, dans ce cas, il ne serait pas utile dans le cas présent de renvoyer l’affaire au ministre.

Le cabinet du ministre a fait savoir que le ministère est déçu par la décision du tribunal et qu’il étudie attentivement les prochaines étapes à suivre. Le CCNS a indiqué qu’il prévoit d’en appeler de la décision de la Cour.

Dans la mesure où le tribunal a jugé que la décision du ministre était erronée à de nombreux égards, il est difficile d’imaginer des circonstances dans lesquelles la décision de la Cour pourrait être cassée par la Cour d’appel de l’Ontario.

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