Dans la décision qu’elle a rendue le 30 avril 2020 dans l’affaire Ross River Dena Council v. Yukon, 2020 YKCA 10, la Cour d’appel du Yukon a examiné à la portée de l’obligation de consulter quant aux effets de la mesure envisagée par la Couronne sur un titre ancestral revendiqué, mais pas encore établi. Elle a conclu qu’il n’y a pas d’obligation de consulter relativement à l’ensemble des droits et intérêts avant que l’existence du titre ne soit établie; la consultation doit plutôt viser les droits sur lesquels il pourrait y avoir un « effet préjudiciable important ».
Le Yukon a émis des permis de chasse et des sceaux autorisant la récolte de gros gibier au Yukon (les « permis »), y compris dans les terres à l’égard desquelles le Conseil Dena de Ross River (le « CDRR »), un représentant de la Nation Kaska, revendique un titre ancestral. Acceptant le fait qu’en émettant les permis il a fait naître l’obligation de consulter sur des questions concernant la faune, le Yukon a consulté le CDRR au sujet de ces effets préjudiciables.
Dans le cadre de l’instance, le CDRR a demandé un jugement déclaratoire à l’effet que le Yukon avait une obligation spécifique supplémentaire de consulter relativement au fait que les chasseurs qui reçoivent les permis utilisent et occupent le territoire revendiqué par le CDRR. Le CDRR a fait valoir que la présence même des chasseurs pourrait avoir un effet préjudiciable sur leur droit « d’usage et d’occupation exclusifs » du territoire, un droit qui est inhérent au titre ancestral, et que cette violation d’un « droit inhérent » au titre ancestral revendiqué faisait en sorte que le Yukon avait l’obligation de consulter.
La Cour d’appel a rejeté la demande du CDRR pour deux motifs principaux.
Premier motif : la Cour a estimé que les permis ne donnaient pas à un détenteur un droit d’accès à des terres auxquelles il n’aurait autrement pas pu avoir accès.
Deuxième motif : la Cour a estimé que, essentiellement, l’argument du CDRR revenait à une prétention selon laquelle, à ce moment-là, il pouvait avoir un contrôle sur qui avait accès aux terres revendiquées, et, par conséquent, le Yukon devrait consulter le CDRR chaque fois qu’il envisage une mesure qui permettrait à qui que ce soit d’autre d’avoir accès à ces terres ou qui l’encouragerait à le faire. Le CDRR a affirmé que c’était le cas dans la présente instance même si on devait conclure que la mesure prise n’aurait aucun effet préjudiciable sur les terres.
La Cour a rejeté l’argument du CDRR, estimant que sans l’existence d’une revendication établie le CDRR n’a aucun droit de contrôle exclusif sur l’usage et l’occupation du territoire à ce moment-là, ni aucun droit de s’opposer à des mesures du gouvernement. De plus, la Cour a estimé que le CDRR n’avait pas identifié un effet préjudiciable qui aurait pu avoir une incidence sur la capacité du CDRR à jouir pleinement des bénéfices du titre ancestral si ce dernier avait été établi. La Cour a conclu que l’obligation de consulter, en tant que moyen de préserver les intérêts du CDRR dans l’attente de la reconnaissance du titre ancestral, n’était pas en jeu.
Cette décision confirme que la Couronne doit consulter les groupes autochtones au sujet des effets que pourraient avoir certaines mesures de la Couronne sur les droits qu’ils revendiquent, mais qu’elle n’a pas à supposer que le titre ancestral (et tout ce qui s’y rapporte) existe pour exécuter cette obligation. Avant qu’un titre ancestral ne soit établi à l’égard d’un territoire, l’obligation de la Couronne envers des groupes autochtones ne va pas jusqu’à accorder à l’un d’eux un contrôle réel sur l’usage et l’occupation du territoire en question.