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Au delà de la COVID-19 : Quelques enjeux propres au franchisage en cas de difficultés financières d’un franchiseur

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Bulletin franchisage

Notre récent bulletin en droit de la franchise intitulé Au-delà de la COVID-19 : Cinq clés pour mieux gérer les situations de difficultés financières au sein d'un réseau de franchises a soulevé une question à la fois délicate et importante, soit celle des enjeux propres au franchisage dans l'éventualité où un franchiseur connaît lui-même de sérieuses difficultés financières ou entrevoit un risque d'insolvabilité.

En effet, lorsque les franchisés d'un réseau voient leurs revenus diminuer de manière drastique ou, encore plus, lorsqu'ils subissent des périodes de fermeture obligatoire, le franchiseur perd aussi ses redevances et contributions publicitaires sur ventes non réalisées.

Comme les redevances constituent, pour la plupart des franchiseurs, leur principale source de revenus, une telle crise peut, en quelques mois, mettre en péril la situation financière du franchiseur tout autant que celle de ses franchisés.

En outre, en raison de leurs propres difficultés financières, des franchisés peuvent ne pas être en mesure de faire face à leurs obligations financières vis-à-vis le franchiseur, occasionnant de ce fait même une pression additionnelle sur ses liquidités.

Plusieurs grandes chaînes de commerce au détail se sont déjà mises sous la protection d'une loi en matière d'insolvabilité, de restructuration ou de faillite, et, malheureusement, il est tout à fait possible que d'autres prendront aussi ce chemin au cours des prochaines semaines et des prochains mois.

L'insolvabilité actuelle ou prévisible d'une entreprise est une situation très délicate qui soulève de nombreuses questions importantes, et souvent complexes, dont des enjeux liés aux transactions effectuées dans les mois (et parfois même dans les années) précédant une faillite (qui pourraient être annulées ou déclarées inopposables aux créanciers ou à un syndic), les paiements faits afin d'avantager certains créanciers sur d'autres (qui pourraient aussi être annulés et recouvrés), les sûretés consenties sur les biens de l'entreprise, les sommes dues aux autorités gouvernementales (notamment pour des impôts, des taxes et diverses formes de remises gouvernementales), les salaires, indemnités et avantages sociaux dus aux employés, les cautionnements consentis par les administrateurs et dirigeants, etc.

Lorsqu'une entreprise se retrouve confrontée à des difficultés financières susceptibles de la rendre insolvable, il est essentiel que ses dirigeants et ses administrateurs fassent rapidement appel aux services d'experts comptables, financiers et juridiques en insolvabilité.

Il existe toute une panoplie de gestes qui peuvent être posés dans le respect de la loi afin de minimiser les conséquences d'une éventuelle insolvabilité, mais l'étendue de ces possibilités diminue rapidement au fur et à mesure que l'on se rapproche du moment où l'entreprise devient insolvable ou, encore, se place sous la protection de la loi.

Ceci s'applique à toutes les entreprises, et non seulement aux franchiseurs.

Par ailleurs, certains enjeux importants sont propres aux franchiseurs.

En sus de gérer sa propre entreprise, un franchiseur dirige aussi un réseau comptant plusieurs entrepreneur(e)s qui ont placé en lui leur confiance et une partie importante de leur avenir et de leurs avoirs.

L'expérience démontre malheureusement que, lorsqu'elle n'a pas été adéquatement préparée, l'insolvabilité d'un franchiseur, de même que la cessation de ses activités, entraîne très souvent la faillite ou la fin des activités d'une bonne majorité de ses franchisés.

Un franchiseur a donc la responsabilité, au moins morale, de tenir compte de l'intérêt de ses franchisés dans ses prises de décision, y compris dans le cas où sa propre situation financière devenait précaire.

Avec des conseils professionnels adéquats, il est possible pour un franchiseur de réduire l'impact de ses propres difficultés financières sur son réseau et sur ses franchisés.

Il n'y a cependant pas de recette magique, ou unique, pour tous. Ce qui peut, et ce qui ne peut pas, être fait dans le respect de la loi et des engagements du franchiseur diffère d'un franchiseur à un autre. Chaque situation doit donc être évaluée à son mérite avec l'aide d'experts en insolvabilité, en propriété intellectuelle et en franchisage.

Voici cependant quelques enjeux propres au franchisage auxquels un franchiseur en difficultés financières (actuelles ou prévisibles) devrait apporter une attention particulière :

Les marques de commerce et les droits de propriété intellectuelle

Un franchiseur possède des actifs importants qui n'apparaissent souvent pas à ses états financiers : ses marques de commerce, ses autres droits de propriété intellectuelle, son concept, ses processus et, mais non les moindres, ses conventions de franchise et ses franchisés.

Afin de maximiser les chances que son réseau (lire ses franchisés) puisse continuer à fonctionner dans l'éventualité de l'insolvabilité du franchiseur, il est important de considérer ce qui peut être fait pour protéger à la fois les droits du franchiseur sur les marques de commerce et les autres droits de propriété intellectuelle du réseau et le droit des franchisés de les utiliser aux fins de l'exploitation de leurs entreprises franchisées.

À ce chapitre, il est important de comprendre que le droit des franchisés d'utiliser les marques de commerce et les autres droits de propriété intellectuelle du franchiseur repose sur un contrat (la convention de franchise) qui peut être cédé, résilié ou dénoncé dans l'éventualité de l'insolvabilité du franchiseur, de l'exercice par un créancier d'une sûreté sur les marques de commerce et les autres droits de propriété intellectuelle, d'une saisie ou, encore, d'un transfert de propriété intellectuelle à un tiers dans le cadre d'un processus d'insolvabilité.

Les conventions de franchise

Tout comme pour les marques de commerce et les autres droits de propriété intellectuelle, les droits du franchiseur en vertu de ses conventions de franchise peuvent aussi être saisis, faire l'objet de l'exercice d'une sûreté ou être dévolus à un syndic en cas de faillite.

Ces conventions de franchise peuvent aussi, en vertu de la loi, être résiliées par un syndic de faillite, ce qui peut entraîner leur terminaison prématurée.

Par ailleurs, les franchisés peuvent aussi en demander la résiliation dans le cas où le franchiseur cesse de rencontrer ses obligations stipulées au contrat ou ses obligations implicites à titre de franchiseur, ce qui pourrait notamment être le cas si le franchiseur perd lui-même le droit d'usage des marques de commerce et des autres droits de propriété intellectuelle associés à son réseau de franchises. Par contre, il est à noter que la loi interdit à une partie de résilier un contrat pour le simple motif que son cocontractant est sous la protection de la loi.

Il est donc important, autant pour le franchiseur que pour ses franchisés, de s'assurer que le franchiseur, ou toute personne qui acquiert ses droits comme franchiseur de son réseau, (i) possède toujours le droit de permettre aux franchisés d'utiliser les marques de commerce, les droits de propriété intellectuelle et les éléments essentiels de son concept de franchise, et (ii) soit en mesure de fournir aux franchisés les services, le soutien et l'assistance que ceux-ci sont en droit de s'attendre de leur franchiseur.

Les baux et les sous-baux

Un certain nombre de franchiseurs louent les emplacements des établissements franchisés pour ensuite les sous-louer à leurs franchisés.

Dans un tel scénario, l'insolvabilité du franchiseur peut parfois entraîner la fin du bail principal conclu entre le bailleur et le franchiseur et, par voie de conséquence, faire perdre aux franchisés leur droit d'occuper les lieux dans lesquels ils exploitent leurs entreprises.

D'autres franchiseurs qui ne louent pas eux-mêmes les emplacements de leurs entreprises franchisées ont cependant conclu avec les bailleurs des ententes dont l'application en cas d'insolvabilité du franchiseur pourrait entraîner la perte du droit pour les franchisés d'occuper les locaux de leurs entreprises, notamment en cas de résiliation de la convention de franchise.

Dans plusieurs de ces cas, il est possible, en agissant en temps opportun, de prendre ou de modifier des ententes afin d'assurer la pérennité des entreprises des franchisés dans l'éventualité de l'insolvabilité ou de la faillite du franchiseur.

Le fonds commun de publicité

Un autre enjeu, souvent oublié, propre au franchisage consiste dans le montant détenu par le franchiseur dans le fonds de publicité commun du réseau.

Ce montant, qui est le fruit des contributions à la publicité versées par les franchisés en vertu de leurs conventions de franchise, appartient souvent (quoique pas toujours) au franchiseur même s'il ne peut être utilisé par le franchiseur que pour les seules fins de la publicité et de la promotion du réseau de franchises.

Dans la plupart des cas (dépendamment des clauses de la convention de franchise), le montant du fonds commun de publicité peut donc être saisi, être assujetti à une sûreté consentie par le franchiseur et être dévolu à un syndic en cas de faillite du franchiseur.

Il existe cependant quelques moyens pour préserver ce fonds de publicité commun.

En tout premier lieu, il est important pour le franchiseur de conserver ce fonds de publicité de manière tout à fait distincte de ses autres fonds (notamment dans des comptes de banque, et comptables, séparés) et de pouvoir clairement l'identifier et le distinguer de ses autres fonds. En effet, si le franchiseur a « mélangé » les sommes détenues dans le fonds de publicité avec d'autres sommes qu'il pourrait détenir d'autres sources, il sera impossible par la suite de distinguer avec la précision requise par la loi les sommes appartenant vraiment au fonds de publicité.

À certaines conditions, il pourrait être parfois possible au franchiseur d'utiliser ce fonds de publicité commun pour acquitter des dépenses publicitaires et promotionnelles faites par les franchisés afin de s'assurer qu'il soit bien utilisé au bénéfice du réseau avant de se retrouver entre les mains de tierces personnes qui voudront le conserver pour leur seul bénéfice.

La technologie

Les franchisés dépendent de plus en plus de leurs franchiseurs pour tous leurs outils de technologie et de communication.

En cas de cessation des activités du franchiseur, de même que dans le cas de sa faillite, les franchisés risquent donc de se retrouver dans l'incapacité (temporaire dans le meilleur des cas) d'exploiter et de gérer leurs entreprises puisque privés d'outils essentiels pour ce faire.

Il est souvent possible pour un franchiseur de prévenir en bonne partie une telle situation en concluant, ou en faisant conclure par ses franchisés, des ententes appropriées directement avec les fournisseurs des outils technologiques essentiels à la gestion et à l'exploitation de leurs entreprises franchisées.

Les fournisseurs et l'approvisionnement

Il ne faut pas non plus oublier les fournisseurs (de produits et de services) du réseau de franchises.

Lorsqu'un franchiseur cesse de leur payer les sommes qui leur sont dues, plusieurs d'entre eux seront tentés de cesser d'approvisionner le réseau. D'autres voudront modifier les prix et les conditions d'approvisionnement préalablement négociés avec le franchiseur.

Ceci soulèvera un risque encore plus sérieux dans le cas où le franchiseur utilise un système centralisé de facturation selon lequel les franchisés paient le prix de leurs approvisionnements au franchiseur qui s'occupe de faire, de manière centralisée pour tout son réseau, les paiements dus aux fournisseurs. Dans un tel scénario, il est déjà arrivé que les franchisés soient tenus de payer en double le prix de leurs approvisionnements lorsque, après qu'ils l'aient payé au franchiseur, le franchiseur a fait défaut de faire les paiements dus aux fournisseurs.

Encore une fois, en prenant en temps opportun des mesures adéquates, il est possible pour un franchiseur de diminuer de beaucoup les risques d'interruption d'approvisionnement de son réseau et de ses franchisés dans le cas de son incapacité de faire face à ses obligations financières ou de son insolvabilité.

De manière générale, ces enjeux (dont la liste n'est pas limitative) font en sorte, en cas de difficultés financières sérieuses, qu'il est encore plus important pour un franchiseur que pour une autre entreprise de faire appel rapidement à des experts financiers et juridiques expérimentés en planification financière, en redressement financier et en restructuration (et, si la situation le demande, en insolvabilité), ainsi qu'en propriété intellectuelle et, évidemment, en franchisage afin de pouvoir agir de manière proactive pour, à tout le moins, en réduire le plus possible l'impact sur ses franchisés.

Quant aux relations, et aux communications, entre un franchiseur qui connaît des problèmes financiers et ses franchisés, nous vous référons aux conseils formulés dans notre bulletin en droit de la franchise intitulé Au-delà de la COVID-19 : Cinq clés pour mieux gérer les situations de difficultés financières au sein d'un réseau de franchises qui s'appliquent tout autant, avec quelques adaptations, à la situation d'un franchiseur en difficultés financières qu'à celle d'un franchisé qui connaît de tels problèmes.

Fasken possède toute l'expertise et toutes les ressources nécessaires pour bien vous conseiller et vous assister dans tous les aspects de la gestion de votre réseau, y compris en matière de relations avec vos franchisés, d'assistance à vos franchisés, de restructuration et de redressement financier, de propriété intellectuelle et, évidemment, de franchisage, et ce, partout au monde.

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Auteurs

  • Luc Béliveau, Associé, Montréal, QC | Londres, +1 514 397 4336, lbeliveau@fasken.com
  • Frédéric P. Gilbert, Associé, Montréal, QC, +1 514 397 5232, fgilbert@fasken.com
  • Nicolas Mancini, Avocat, Montréal, QC, +1 514 397 5293, nmancini@fasken.com

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