Aux yeux des responsables de la sécurité du gouvernement fédéral, vous êtes bien plus important que vous ne le croyez – à tout le moins, vos innovations, votre savoir-faire unique et vos produits le sont. En cette période de pandémie de la COVID-19, l'objet de votre entreprise pourrait attirer l'attention du gouvernement fédéral comme jamais auparavant.
Certaines des innovations canadiennes les plus marquantes ont d'abord été des idées lancées dans un sous-sol de Kanata. Il peut être plus difficile de percevoir l'importance que peut prendre une innovation ou un nouveau produit lorsque ses débuts sont modestes, mais cela n'empêchera pas la Division de l'examen des investissements (DEI – une entité qui relève du ministère fédéral de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique) d'examiner de près ce que vous avez bâti et à qui vous souhaiteriez vendre vos innovations. Récemment, le ministre responsable de la DEI a signalé qu'un tout nouveau niveau de surveillance sera appliqué aux « investissements opportunistes » qui se présentent sous la forme d'activités de fusions et acquisitions liées à des entreprises canadiennes en difficulté.
Pour les Canadiens qui envisagent de faire une proposition à un acheteur étranger, on est à mille lieues des affaires courantes.
L'examen relatif à la sécurité nationale du Canada, un volet de la Loi sur Investissement Canada, est depuis des années tourné en dérision et décrit comme une « boîte noire » où ne brille aucune lumière. Pour leur part, les autorités fédérales font peser un mystère dont la lourdeur est proportionnelle à l'importance du travail effectué par des entités comme le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), le Centre de la sécurité des télécommunications (CST), le ministère de la Défense nationale et nos espions électroniques.
Il n'y a pas de seuil financier minimum pour déclencher un examen de la sécurité nationale. Il y a là de quoi causer un véritable choc pour le développeur qui comptait financer sa retraite grâce à la vente de son invention à un acheteur étranger. Mais ce qui est encore plus surprenant, c'est que les transactions visées par un examen approfondi en raison de la COVID-19 sont ceux qui concernent non seulement la haute technologie, mais aussi les industries dans les dix domaines des infrastructures essentielles définis par le gouvernement du Canada, soit l'énergie et les services publics, les technologies de l'information et de la communication, la finance, la santé, l'alimentation, l'eau, le transport, la sécurité, le gouvernement et l'industrie manufacturière.
Surveillance accrue en cette période de la COVID-19
Par « infrastructures essentielles », on entend les biens, les services et les institutions qui assurent la sûreté et la sécurité de base des citoyens. En cette période de pandémie de la COVID-19, cela signifie que la propriété des entreprises produisant ou transformant des biens comme les aliments, les textiles et les pièces de ventilateurs (pour n'en nommer que quelques-uns) fera l'objet d'un examen étroit par le gouvernement fédéral afin d'assurer un approvisionnement canadien. Pour la première fois depuis une génération, nous commençons à constater un recul par rapport à une forme de mondialisation qui a maximisé le libre-échange, mais qui, lorsque les temps sont devenus difficiles, n'a pas permis l'atteinte d'une résilience et d'une autosuffisance solides dans les chaînes d'approvisionnement intérieures de nombreux pays, dont le Canada. La pénurie de matériel médical a mis en évidence une lacune profonde et dangereuse dans l'état de préparation du Canada en cas de crise et a incité les dirigeants politiques à réexaminer sérieusement la façon dont le Canada peut s'assurer d'être prêt à « faire cavalier seul » si le besoin s'en faisait à nouveau sentir, ce qui ne manquera pas de se produire.
Protéger le Canada en vous protégeant
En vous protégeant des effets d'un contrôle fédéral renforcé, vous pouvez protéger les intérêts essentiels du Canada en matière de sécurité :
1. Reconnaissez la valeur de votre entreprise – Cessez de faire preuve de fausse modestie et acceptez le fait que vous évoluez dans un secteur d'activité important et que si votre technologie ou vos moyens de production devaient tomber entre de mauvaises mains, le Canada et ses alliés pourraient tôt ou tard en subir les conséquences.
2. Connaissez votre acheteur – Les investissements provenant de pays « amis » sont facilement repérés par les agences gouvernementales responsables de la sécurité et vous ne voulez pas être pris au dépourvu. Le choix de vos partenaires d'affaires est d'une importance cruciale tout au long de la vie d'une jeune entreprise. Cela est d'autant vrai à l'étape de la négociation d'une transaction avec une partie étrangère.
3. Commencez vos démarches le plus tôt possible – Si vous tenez absolument à faire affaire avec un investisseur provenant d'un État ne partageant pas nos valeurs, il ne vous reste plus qu'à préparer votre argumentaire et à rendre visite aux autorités gouvernementales à la première occasion. Si l'échec d'une telle démarche est plus que probable, n'oubliez pas qu'il est beaucoup plus facile d'échouer au début du processus que de subir le traumatisme d'un échec à la toute fin des négociations d'une transaction.
4. Frappez à la bonne porte pour obtenir de l'aide - La Loi sur Investissement Canada est notoirement difficile à comprendre, mais ce n'est rien à côté des écueils entre lesquels il faut naviguer au sein du gouvernement fédéral. Plus d'un brillant ingénieur ou développeur s'y est fait prendre. Ce que vous ne connaissez pas peut vraiment vous faire mal.
Il est possible de survivre à un examen de la sécurité nationale en période de la COVID-19. Parfois, la question n'est pas de savoir si une transaction donnée doit être conclue, mais à quel moment elle doit l'être. Dans d'autres cas, il n'y aura jamais de bon moment pour vendre une entreprise particulière à un acheteur étranger donné. Il est essentiel de savoir faire la différence pour réaliser ses objectifs, de ses rêves de retraite à une réussite à grande échelle.
Andrew House est avocat-conseil aux bureaux d'Ottawa et de Toronto de Fasken. Avocat expert en matière de sécurité nationale, il se spécialise en relations gouvernementales et en éthique.
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