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Sécurité nationale – l’éléphant dans la pièce pour les investisseurs et l’industrie

Fasken
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Perspectives de la Capitale

En tant que cabinet juridique de premier plan respecté par la communauté internationale des affaires, Fasken s'efforce d'être davantage réactif aux besoins de ses clients. Au Canada, cela va jusqu'aux enjeux liés à la sécurité nationale. Ce mois-ci, Fasken a lancé son groupe de Sécurité Nationale multi-juridictionnel pour le Canada.

Généralement considérée comme une question liée à des problèmes comme le terrorisme et les cybermenaces, la sécurité nationale englobe bien plus que ces considérations évidentes, allant de nos besoins essentiels comme la sécurité alimentaire et l'accès aux fournitures médicales nécessaires, jusqu'au contrôle de la propriété étrangère des entreprises canadiennes. Ce sont ces aspects moins évidents de la sécurité nationale qui ont brusquement été mis en évidence au printemps dernier, la COVID-19 ne laissant personne indifférent.

Dans le présent numéro, nous examinons comment les relations internationales du Canada, l'interruption de ces relations et l'impact de la COVID-19 ont placé la sécurité nationale au centre des préoccupations des entreprises canadiennes comme jamais auparavant.

Les codirigeants du nouveau groupe de Sécurité Nationale de Fasken font partie de l'équipe du bureau de Fasken à Ottawa. Andrew House est un avocat en sécurité nationale qui se spécialise également dans les relations gouvernementales et le droit politique. Marcia Mills conseille ses clients en matière d'approvisionnement, de marchés publics, de commerce et de technologie de l'information. Andrew et Marcia nous font part de leurs réflexions concernant la façon dont la sécurité nationale s'est retrouvée sous les projecteurs et les raisons pour lesquelles cela s'est produit, et les éventuelles répercussions sur les investissements étrangers directs et les marchés publics.

Q : Que signifie le concept de « sécurité nationale » dans les contrats gouvernementaux ?

Marcia : Les questions relatives à la sécurité nationale ont toujours fait partie intégrante des marchés publics. Ce n'est pas nécessairement un nouveau facteur, surtout pour les organisations œuvrant dans le secteur de la défense. Cependant, la sécurité nationale est et demeurera vraisemblablement une plus grande influence sur le processus de la passation des marchés, à l'avenir.

Avant même l'avènement de la COVID-19, l'évolution des gouvernements vers un environnement davantage axé sur la technologie avait un impact grandissant; on pense par exemple à l'utilisation du stockage de données dans le nuage. Une autre domaine dans lequel la sécurité se concentre de plus en plus est la tendance selon laquelle l'industrie innove pour répondre aux exigences du gouvernement, en particulier dans le secteur de la défense. En effet, les organisations de ce secteur dans le monde entier se tournent de plus en plus vers l'industrie pour trouver des solutions à leurs besoins, car l'industrie innove désormais plus rapidement que les gouvernements. Il s'agit là d'un nouvel élément qui entre en jeu dans les questions de sécurité nationale, dont nous n'avions pas à tenir compte auparavant.

Historiquement, le gouvernement était l'innovateur et il aurait développé une technologie uniquement pour son propre usage. Mais, avec le temps, cette façon de procéder est devenue onéreuse, laissant aux gouvernements ce que j'appelle une « technologie orpheline » – l'absence d'une base suffisante d'utilisateurs pour partager les coûts de la maintenance et du soutien continus – et parfois, sans les services d'un contractant soutenir la technologie.

Si un gouvernement fournit des technologies de l'information, en particulier la technologie de l'infonuagique, la sécurité nationale sera nécessairement mise à contribution. Pour les organisations qui traitent avec le gouvernement fédéral, cela signifie que le contrat d'approvisionnement comportera une exigence en matière de sécurité. Par exemple, une organisation qui traite avec le gouvernement fédéral devra probablement s'inscrire auprès du Programme de Sécurité des Contrats. Cette inscription peut signifier que le personnel, le bureau et peut-être même leurs systèmes informatiques devront passer par un processus d'évaluation et d'attestation de sécurité. Selon le niveau d'attestation de sécurité requis, ce processus peut s'avérer rigoureux et complexe.

La sécurité nationale influe sur les marchés publics au niveau fédéral, mais la sécurité en général affecte tous les paliers de gouvernements, car les entités gouvernementales s'orientent vers des systèmes de prestation fondés sur la technologie et doivent prendre en compte des éléments comme la sécurité des données.

Q : Comment la sécurité nationale est-elle définie dans le cadre de la Loi sur Investissement Canada et ses règlements connexes  ?

Andrew : Voici comment je l'ai déjà expliqué à certains : Au Canada, on entend par sécurité nationale ce que le gouvernement canadien a besoin qu'il soit à un moment donné ou dans une situation particulière. Ceci est en partie inéquitable et tend à être arbitraire, ce qui rend la conduite des affaires plus difficile qu'elle ne devrait l'être étant donné l'incertitude créée et le fait que les auteurs de proposition se trouvent privés de la certitude qu'ils pourraient autrement avoir.

Mais cette définition est en partie légitime dans le sens où le gouvernement a besoin de la flexibilité nécessaire pour s'acquitter de son premier devoir, qui est de veiller à la sûreté et sécurité des citoyens. L'idée d'agir sur le fondement de la sécurité nationale se trouve au cœur de ce que le gouvernement doit faire pour remplir son mandat, et donc une certaine flexibilité est certainement justifiée. Toutefois, au cours des dernières années, cette façon de voir les choses a contribué à décourager l'investissement au Canada, simplement parce que le critère et les exigences que doivent respecter les investisseurs ne sont pas suffisamment clairs.

Q : Dans quel contexte et de quelle façon chacun d'entre vous s'engage-t-il auprès des clients pour les aider à obtenir les précisions dont ils ont besoin et la compréhension nécessaire pour mener à bien leurs affaires ou poursuivre un marché public ?

Andrew : La première chose que j'essaie d'accomplir est d'aider un client à accepter l'incertitude inhérente à tout investissement direct étranger auquel participe un État qui ne voit pas les choses de la même façon. Il ne s'agit pas d'une situation courante.

Les PDG et les équipes de direction habitués à une planification d'entreprise fondée sur le « sens des affaires » qu'ils appliquent à des facteurs connus se retrouvent souvent dans de très frustrantes circonstances qui les poussent  dans l'inconnu. Ils ne sont peut-être même pas conscients qu'ils ignorent certaines choses. Cela devient extrêmement obscur. La première chose que nous faisons est d'essayer de dissiper le brouillard autour de ce que nous pouvons savoir et de déterminer ce qui nous est impossible de savoir, et d'aider les gens à accepter cette situation, dès le début du processus.

Deuxièmement, nous essayons vraiment de démystifier certains des facteurs que le gouvernement peut prendre en considération lorsqu'il examine un investissement direct étranger. Tous ces éléments sont accessibles au public sous une forme ou une autre. Le gouvernement a exprimé ses inquiétudes lorsqu'il traite les investissements des entités étrangères. Elles n'ont jamais, selon moi, été compilées en un seul endroit ni élucidées de manière adéquate, afin de permettre aux dirigeants d'entreprise de faire des choix clairs en se fondant sur des questions claires.

Cela ne signifie toutefois pas que le gouvernement n'a pas pris le temps de faire valoir son point de vue, mais je pense qu'il n'est pas allé assez loin. C'est là que nous intervenons, pour sortir les clients de la confusion et les amener vers un endroit où ils trouveront toutes les connaissances nécessaires, et ainsi leur permettre de comprendre ce que les auteurs de propositions peuvent faire pour atténuer les inquiétudes que le gouvernement peut avoir au sujet d'un investissement en particulier.

Marcia : Ma pratique est axée sur la navigation – aider les clients à s'y retrouver dans les exigences de la sécurité nationale à respecter pour devenir fournisseur du gouvernement fédéral.

Par exemple, comment s'inscrire au Programme de Sécurité des Contrats, en comprendre les exigences, aider les nouveaux participants à élaborer leurs politiques, programmes et opérations pour se conformer au programme. Cela va au-delà des exigences en matière de données et d'informations prévues par les lois sur la protection des renseignements personnels. Les fournisseurs canadiens doivent également prendre en compte des facteurs supplémentaires relatifs au droit de l'emploi – exiger que les employés prennent leurs empreintes digitales, gérer l'impact potentiel sur l'emploi pour les employés qui ne peuvent pas obtenir le niveau d'attestation de sécurité nécessaire, et simplement le niveau approfondi de renseignements et détails personnels requis pour obtenir une attestation de sécurité.

Dans certains cas, les exigences en matière de sécurité nationale sont plus nuancées – l'offre ou le contrat ne mentionne pas expressément qu'« il s'agit d'un problème de sécurité nationale », bien qu'il s'agisse du fondement de l'exigence énoncée. Ainsi, j'aide les clients à interpréter et à comprendre pourquoi ces exigences sont nécessaires pour la sécurité nationale, même si elles ne sont pas expressément énoncées comme telles.

Q : Comment la pandémie a-t-elle modifié l'approche en matière de sécurité nationale ?

Andrew : Fondamentalement, la pandémie a réintroduit la notion de rareté dans l'équation pour les gouvernements. La rareté peut concerner les équipements médicaux de protection individuelle (EPI), la nourriture, la livraison de biens ou de services essentiels. Peu importe la perspective selon laquelle vous examinez la situation, les gouvernements s'inquiètent du fait que les citoyens ne reçoivent pas les produits dont ils ont besoin ou qu'ils veulent en temps opportun.

Cela porte au sommet certaines préoccupations, soit celles d'un groupe de personnes qui travaillent au gouvernement qui souffrent et s'inquiètent depuis fort longtemps. Ce sont les experts en protection des infrastructures essentielles, qui ont tenté de tirer la sonnette d'alarme en avançant que les Canadiens ne sont pas prêts à faire face à une crise nationale, qu'il s'agisse d'une pandémie, d'un conflit ou de tout autre événement qui transforme la vie et introduit la notion de rareté dans nos vies.

La sécurité nationale a toujours intégré l'examen des situations qui pourraient occasionner, pour les Canadiens, une pénurie de produits et de services dont ils ont besoin pour survivre : nourriture, eau, logement.  La question principale que se posaient nombre de ces fonctionnaires était la suivante : « Que faire si de nombreuses personnes tombent malades, soudainement » ? Quel sera l'impact de cette situation sur le fonctionnement de base de notre pays, étant donné que si les gens tombent malades en assez grand nombre, au moins certains d'entre eux travailleront dans le secteur bancaire ou dans le secteur des télécommunications, ou seront responsables de la distribution d'eau potable et de nourriture aux Canadiens.

À titre d'exemple, si vous perdez la possibilité de vous procurer des produits alimentaires en toute sécurité, cela constitue également une menace à la sécurité nationale. Nous sommes entrés dans une période où certaines des personnes les plus essentielles dans notre société sont celles qui cultivent les légumes, celles qui les livrent et celles qui les vendent des produits dans les dépanneurs. Si vous aviez présenté cette thèse il y a un an, on se serait littéralement moqué de vous. Mais nous savons maintenant qu'il n'y a rien de drôle dans tout cela.

Marcia : L'approvisionnement à l'échelle mondiale fait l'objet d'une transformation, plus particulièrement en raison des infrastructures essentielles qui sont maintenant au premier plan. Le Canada, comme de nombreux pays, ne disposait pas de stocks suffisants d'équipements de protection individuelle ni d'installations de fabrication en mesure de produire ce dont nous avions besoin.                   

Les gouvernements du monde entier, qui partageaient les mêmes idées et qui étaient de fervents partisans de l'ouverture des relations commerciales, ont fermé leurs frontières. La plupart, sinon la totalité, utilisaient l'exception en matière de sécurité nationale prévue par les accords commerciaux pour acheter ce dont ils avaient besoin, de façon urgente et sans concurrence. Les produits achetés à des fins de sécurité nationale n'avaient rien à voir avec la défense du pays. Il s'agissait de produits que tout le monde considérait comme étant acquises et toujours disponibles. Qui aurait cru que le désinfectant pour les mains deviendrait l'article le plus recherché sur Kijiji ? Et tout le monde est devenu très conscient des risques liés à la délocalisation de la production à l'étranger. Nous nous sommes pris dans l'engrenage de la mondialisation.

Nous constatons que les gouvernements ramènent la production dans la sphère locale. Nous voyons des installations pour la production d'EPI être construites dans de nombreux pays, pas seulement au Canada, mais dans le monde entier. Je pense que ces ramifications issues de la COVID-19 sont appelées à demeurer au premier plan. Nous avons entendu de nombreux politiciens dire : « Plus jamais ». Et je m'attends à ce que, du moins dans un avenir proche, ce soit la façon dont les gouvernements envisagent l'approvisionnement et la définition de la sécurité nationale.

Q : Cela nous amène à l'impact à long terme de la COVID-19 sur le commerce international par rapport aux intérêts nationaux.

Andrew : La population canadienne et les dirigeants politiques du pays sont contraints de peser le pour et le contre de la mondialisation. Le défi qu'ils doivent relever consiste à maintenir les profonds avantages de la mondialisation – le rêve d'Adam Smith selon lequel nous aurions cette division internationale du travail où chacun ferait le plus efficacement ce qu'il sait le mieux faire.

En tant que pays commerçant, nous avons parcouru un long chemin pour réellement définir les points forts du Canada. Nous sommes perçus comme étant excellents sur le plan de l'économie du savoir et des services professionnels. Une grande partie de ce que nous faisons n'est pas de la fabrication, mais plutôt un travail de réflexion de haut niveau qui soutient l'industrie manufacturière au niveau mondial. Malheureusement, la pandémie a démontré  qu'en temps de crise, il existe des biens essentiels que nous ne pourrons peut-être pas acquérir assez rapidement pour réagir à temps si nous ne pouvons pas les fabriquer ici, au Canada. Aucune relation commerciale, même très étroite, ne pourra nécessairement nous sauver, advenant ce scénario.

C'est une conclusion vraiment désolante et difficile. Nous sommes un chef de file pour ce qui est de la promotion d'un commerce plus libre et de la mondialisation économique, mais lorsque les choses ont commencé à mal aller l'hiver dernier et que nous avions vraiment besoin de certains biens, nous avons eu des problèmes, même avec nos plus proches alliés. Je pense au conflit assez important qui a éclaté à propos des masques avec notre plus important partenaire commercial. Même la suggestion que président des États-Unis allait bloquer l'envoi de masques donnait à réfléchir.

Les décideurs et les responsables politiques se tournent désormais entièrement vers l'idée que nous devons préserver une certaine capacité de production nationale pour les temps plus durs. Les conséquences politiques seront sérieuses pour tout politicien qui ne parviendra pas à remédier rapidement à cette situation afin que les Canadiens ne soient pas en danger.

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Auteurs

  • Marcia Mills, Associée | Cochef, Sécurité nationale, Ottawa, ON | Toronto, ON, +1 613 696 6881, mmills@fasken.com
  • Andrew D. House, Associé | Cochef, Sécurité nationale, Ottawa, ON | Toronto, ON, +1 613 696 6885, ahouse@fasken.com

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