Nous procédons tous à des changements et à une actualisation de nos façons de faire pour nous adapter à la « nouvelle normalité » de la pandémie. Les tribunaux, les avocats et les plaideurs ne font pas exception. Comme tous les Canadiens, les juristes ont dû modifier leurs modes de fonctionnement presque du jour au lendemain, en veillant à ce que chaque citoyen ait un accès adéquat à la justice.
Comme c'est le cas pour de nombreuses institutions publiques, la réaction aux mesures de confinement a été immédiate : les audiences ont été reportées (à l'exception de certaines affaires urgentes qui ont été entendues par voie virtuelle), les délais de prescription ont été suspendus et le dépôt des documents s'est fait uniquement en ligne. Bien que ces mesures se voulaient temporaires, la plupart d'entre elles resteront probablement en vigueur. Ces processus et procédures se sont avérés pratiques et rapides.
Certaines de ces avancées, comme la possibilité de déposer des documents en ligne, étaient déjà en place dans une certaine mesure ou en cours de réalisation, mais la pandémie a accéléré leur expansion ou leur adoption.
De même, les audiences virtuelles, déjà utilisées dans certaines circonstances, sont devenues la norme plutôt que l'exception, du moins pour le moment. La restriction initiale qui limitait les affaires entendues dans le cadre d'une audience virtuelle aux affaires urgentes s'est progressivement assouplie. Les tribunaux tournent à plein régime avec des audiences virtuelles chaque fois que cela est possible. Plusieurs affaires devraient être entendues virtuellement dans les mois à venir, même si certains tribunaux reprennent les audiences en personne avec les précautions appropriées.
La Cour supérieure et la Cour fédérale
À Ottawa, cette situation vaut tant pour la Cour supérieure que pour la Cour fédérale. Dans les premiers jours de la pandémie, seules les affaires urgentes (selon le tribunal) étaient traitées, et exclusivement de manière virtuelle. Tandis que la pandémie se poursuivait et que les tribunaux et les avocats se sentaient plus à l'aise avec les procédures en ligne, les deux tribunaux ont autorisé la poursuite de toutes les affaires, pourvu qu'elles soient entendues virtuellement.
Bien que la Cour supérieure et la Cour fédérale autorisent désormais les audiences en personne, les audiences virtuelles demeurent la règle par défaut et sont même encouragées. En bref, vous avez intérêt à justifier l'inopportunité d'une audition virtuelle pour vous y opposer. Les procédures virtuelles, notamment en matière civile, se sont avérées efficaces et pratiques.
La Cour suprême
La Cour suprême du Canada à Ottawa n'a pas échappé à ces changements. De mars à mai de cette année, toutes les audiences ont été annulées et reportées. Ce n'est qu'en juin que la Cour a commencé à réorganiser les dossiers et à tenir des audiences virtuelles. À partir de septembre, les audiences pourront être tenues en personne ou par vidéoconférence.
Des suggestions ont également été faites en faveur d'une approche « hybride », où certaines parties comparaîtraient en personne et d'autres virtuellement, en fonction de la situation au moment de l'audience. Pour les affaires prévues pour cet automne, le greffe de la Cour suprême a commencé à demander aux parties des précisions sur la logistique et les procédures à suivre pour chaque audience en appel.
Procédures d'arbitrage
Enfin, les procédures d'arbitrage, pour lesquelles les audiences virtuelles ne sont pas du tout nouvelles, se sont également adaptées à ces nouveaux processus numériques. Lorsqu'il est devenu manifeste que la pandémie se prolongerait, certains forums d'arbitrage institutionnalisés nationaux et internationaux ont commencé à s'adapter et à intégrer des audiences virtuelles dans leurs règles et leurs directives de pratique.
Les tribunaux et les avocats travaillent sur ces nouvelles procédures, auxquelles il faudra bien sûr s'habituer. Mais la nécessité est mère de l'innovation. Sans autre choix que de s'adapter, nous avons appris que certains de ces changements ne sont pas si mauvais, après tout.
Les avantages des procédures virtuelles
Certains de ces changements amélioreront considérablement l'accès à la justice en réduisant les coûts des litiges. Les coûts pour les clients seront considérablement réduits si les avocats n'ont pas à se déplacer pour assister aux audiences en personne ou aux comparutions procédurales hors cour. D'autres aspects apparemment banals, comme la possibilité de déposer des documents en ligne, réduisent également les frais.
Les incidences sur l'environnement se révéleront aussi parfois substantielles. En effet, les avocats et les tribunaux sont dorénavant plus à l'aise de travailler avec des documents volumineux sous forme électronique qu'avec des quantités toujours plus importantes de documents papier.
Certaines personnes craignent que certains aspects d'une audience en personne se perdent dans une audience virtuelle. Cela peut être vrai tant pour la plaidoirie des avocats que pour d'autres aspects comme l'évaluation de la crédibilité des témoins. D'autres sont moins préoccupés par cette question et affirment qu'il est en effet parfois plus facile de voir et d'entendre un témoin par vidéo. Les juges de première instance ou les juges des requêtes, du moins en matière civile, n'ont manifesté aucune inquiétude à cet égard, comme en témoigne la pratique récente des deux tribunaux.
Incidence sur le principe de transparence de la justice
Enfin, le principe de transparence de la justice qui, selon certains, risquait d'être compromis par cette évolution en ligne, a également été préservé.
Le public peut demander un accès à la vidéoconférence pour assister à une audience (lorsque l'audience n'est pas confidentielle, comme cela a toujours été le cas pour les audiences en personne), et ce, tant à la Cour supérieure qu'à la Cour fédérale.
À la Cour suprême, il était déjà fréquent, avant la pandémie, que les procédures soient diffusées sur le site Web de la Cour, à moins qu'une affaire ne soit jugée impropre à la diffusion en ligne en raison d'une interdiction de publication ou de questions de confidentialité. D'une certaine façon, l'accès virtuel est même susceptible d'accroître l'ouverture des tribunaux, puisque n'importe qui -- et ce n'importe où au Canada -- peut observer un procès qui l'intéresse alors qu'auparavant, il aurait dû y assister en personne.
Les juristes rencontreront encore des difficultés à mesure que le système juridique s'adaptera à cette nouvelle réalité, mais, pour de nombreux aspects des procédures de litiges, ce nouveau monde en ligne s'avère efficace. Nous sommes convaincus que les audiences en personne auront toujours leur place, mais il est devenu évident que ce nouveau processus numérique est maintenant enraciné. Le XXIe siècle numérique semble irrémédiablement engagé, notamment en matière de litiges civils.
Stacey Smydo est avocate au bureau d'Ottawa de Fasken. Elle exerce au sein de nos groupes de pratique Litiges et Communications. Dans le cadre de sa pratique en litige, elle se spécialise dans le droit d'auteur et des marques de commerce. Elle intervient dans des dossiers devant la Cour fédérale, la Cour d'appel fédérale et la Commission du droit d'auteur.
Alexandra Logvin est avocate-conseil au bureau d'Ottawa de Fasken, exerçant surtout dans les domaines du litige commercial, de l'arbitrage, du commerce international et du droit relatif aux investissements. Elle est membre du comité d'arbitrage canadien de la Chambre de commerce internationale, membre du comité des membres de l'Association du Barreau du Comté de Carleton et directrice de la section régionale d'Ottawa de l'Organization of Women in International Trade, du Conseil canadien de droit international et de la section régionale d'Ottawa de l'Association d'affaires Canada Russie Eurasie.
Sabine Ndiaye est technicienne juridique au bureau d'Ottawa de Fasken. Elle exerce au sein des groupes Litiges et résolution de conflits et Travail, emploi et droits de la personne. Tirant parti de sa solide formation juridique, Sabine participe à la préparation de documents liés à diverses procédures judiciaires et travaille sur les dossiers de correspondance à la Cour suprême.